La journée sans achats des Casseurs de Pub est inspirée des propositions de leurs analogues canadiens Adbusters Le "buy nothing day" a beaucoup de sens pour moi, surtout depuis que je vis au coeur de la Matrice (c-a-d a Los Angeles, Californie). Quand je parle de la Matrice, je fais une références amusée au film Matrix, dans le sens ou la société occidentale présente une image d'elle-même (par la pub notamment, mais aussi les infos) complètement décalée de ce qu'elle est vraiment. Nous vivons dans un monde d'illusions. C'est flagrant pour la nourriture par exemple. Pour une illustration (en anglais) très drôle de cette idée, voir
Le rapport a la consommation, donc, est très spécial dans cette partie des US. Pas que je trouve que les gens consomment sainement en Europe, mais ici ca relève vraiment d'une forme de folie implémentée dans le fonctionnement même de la société. Je vois des gens se retrouver a dépenser des sommes très importantes dans des objets dont ils n'ont aucun besoin (de leurs propres dires). Parfois, ils ramènent au magasin pour se faire rembourser, mais souvent pas du tout. La compulsion d'achat est très soigneusement entretenue par des méthodes commerciales vraiment efficaces et insidieuses, interdites en Europe d'ailleurs (vente a perte, fausses soldes, etc). Le matraquage publicitaire est absolument massif, c'est très dur de ne pas être intoxique. J'ai beau être scientifique et *savoir* que le "prouve scientifiquement" sur une crème amincissante, c'est n'importe quoi, je trouve très difficile de ne pas être atteint pas la répétition du message d'achat et ses promesses de beauté éternelle et d'amour toujours...
On voit bien comment des besoins sont créés, qui génèrent eux-mêmes des nouveaux besoins, c'est comme une maladie qui s'entretient. On t'explique que les "mold" (moisissures) sont la cause de tous les maux sur terre et donc on te vend des produits super agressifs pour éradiquer ces saletés de mold. Sauf que les produits bouffent aussi le plastique mauvaise qualité de ta baignoire, donc on te vend ensuite un produit encore plus cher qui bouffe les mold mais pas la baignoire, puis un autre pour restaurer le plastoc de ta baignoire, et encore un autre pour protéger tes mains pendant que tu manipules toute cette chimie, and so on.
Au début de notre séjour ici, nous nous sommes retrouves a avoir claque 200 $ sous l'effet d'une certaine ivresse, alors que nous étions venus pour une paire de chaussette. Ca fait tout bizarre, vraiment. Au mieux, on se sent tres c*n. Au pire, on nie et on recommence. Nous avons du mettre en place des mesures de protection contre ca, qui marchent bien pour nous. Nos stratégies pour nous protéger sont les suivantes, presque toutes basées sur le délai et l'interrogation de nos envies : - pas d'achats compulsifs. Soit la super bonne affaire du siècle correspond a un achat que nous voulions faire depuis un moment, soit on manque la super bonne affaire du siècle, et voilà. - si la super bonne affaire du siècle nous parait vraiment importante, on se donne 24 ou 48 heures de réflexions avant de revenir l'acheter. S'il y en a plus, ben tant pis. - dans la même idée, on se donne du temps. Si zhom veut une carte graphique ou si je veux un câble spécial pour mon ordi, on se donne le temps de réfléchir si on en a vraiment besoin. Si l'achat est gros, le délai d'attente est long
Ca vaut pour notre fille, si elle voit un truc qui lui plaît, on lui propose d'y réfléchir. Si elle en reparle avec envie et régularité, on retourne l'acheter. - on fait des listes de ce qu'il nous faudrait. Quand la liste contient plusieurs produits du même type, on va dans le magasin spécialisé plutôt que dans une grande surface généraliste. Par exemple, plutôt que d'acheter un tournevis au supermarché, on attend d'avoir également besoin de roulettes, de papier de verre et de pinceaux et on va au magasin de bricolage. - au niveau de la nourriture, on prend au maximum que des produits bruts, sinon ca revient vraiment très vite trop cher
Quand on a se sent des bouffées d'envie d'achat (ca nous arrive et on ne les nie pas), on va dans les magasins d'occases et autres brocantes. On se donne un budget a l'avance (genre 30 $ pour tous les trois) et on va écumer les "second hand stores". On en ressort avec 2 pantalons, 1 manteau, 8 verres a pieds, 3 livres, 2 jouets, un joystick, tout ca va nous demander un peu de nettoyage, mais on est bien contents pour plusieurs semaines après ca ;-) Ca nous arrive encore de nous faire refiler des trucs que nous ne souhaitions pas (je regarde tous les jours de traviole le pot de crème Clinique que j'ai payé certes 50% du prix, mais bien plus cher que l'huile que j'utilise d'habitude). Et il y a aussi des domaines ou nous ne souhaitons pas trop nous restreindre (les livres et le bio, principalement). Nos envies évoluent, notre compréhension du système aussi.
Pour quelqu'un qui a une approche saine de l'achat, la "journée sans achat" n'aura aucun sens, mais pour d'autres, je pense qu'elle peut vraiment générer une réflexion intéressante. Au même titre qu'une "journée sans télé" ou une "journée sans fessée". Par ailleurs, si cette journée est un succès, c-a-d si les graphiques en reflètent les effets, cela a à mes yeux un impact démocratique fort, puisque finalement le pouvoir est entre les mains de chacun de nous si on en prend la décision. Or, l'érosion de la démocratie aux USA est très préoccupante voir regard conscient Je lis régulièrement le journal de Adbusters. Ils prêtent le flanc a la critique, évidemment, et sont loin d'être parfaits, mais je continue a les soutenir, parce que je trouve que leur démarche apporte vraiment quelque chose d'intéressant.