"La vérité est pareille à l'eau, qui prend la forme du vase qui la contient" (Ibn Khaldoun) /// «La vérité est le point d’équilibre de deux contradictions » (proverbe chinois). /// La vérité se cache au mitan du fleuve de l'info médiatique (JM).
L'histoire de la conquête de l'Algérie, abordée dans cet ouvrage sous l'angle des rivalités coloniales franco-anglaises, "nous sort de l’éternel face-à-face franco-algérien" , selon les propres termes de son préfacier, le professeur Aïssa Kadri.
L'ouvrage permet une approche "géopolitique" de cet événement et le situe dans un contexte peu abordé jusqu'ici.
Les informations qui suivent, et surtout l'article paru dans "EL Watan" (intégralement cité) permettent de le constater.
J.M
____________________________
https://www.decitre.fr/livres/la-prise-d-alger-vue-de-londres-9782365122108.html#resume
La prise d'Alger vue de Londres - 1830-1846 - Grand Format
Mohand Ouali
Aïssa Kadri
(Préfacier)
Résumé
À propos de l'auteur
________________________________________
L'ouvrage permet une approche "géopolitique" de cet événement et le situe dans un contexte peu abordé jusqu'ici.
Les informations qui suivent, et surtout l'article paru dans "EL Watan" (intégralement cité) permettent de le constater.
J.M
____________________________
https://www.decitre.fr/livres/la-prise-d-alger-vue-de-londres-9782365122108.html#resume
La prise d'Alger vue de Londres - 1830-1846 - Grand Format
Mohand Ouali
Aïssa Kadri
(Préfacier)
Résumé
Au cours de la première moitié du XIXe siècle, la Méditerranée a constitué un espace conflictuel particulier entre la France et la Grande-Bretagne. L'affaire d'Alger en 1830 marquera à ce titre un nouveau point de désaccord entre Londres et Paris au moment où l'Empire britannique inaugurait une ère de grandes réformes sociales, parlementaires et idéologiques. La diplomatie outre-Manche, particulièrement sous les tories, insistera avec véhémence sur la nécessité du retrait des troupes de l'armée d'Afrique de sa nouvelle acquisition en Afrique du Nord : Alger.
Ce dossier de politique étrangère fera l'objet d'un travail parlementaire soutenu. Les organes de la presse écrite, à l'instar du quotidien The Times, s'en feront l'écho. Aberdeen, diplomate et homme politique de premier plan, est le premier à estimer que l'entreprise échafaudée par Charles X, roi de France, dissimule des intentions néo-impériales. Aussi, le Foreign Office ne ménagera pas ses forces, notamment par la multiplication de ses requêtes, espérant que le nouveau gouvernement de Juillet honorerait les engagements des Bourbons.
Le refus des conservateurs du maintien de la colonie d'Alger témoigne ainsi de l'importance de l'espace méditerranéen dans le contexte des rivalités coloniales et des stratégies impériales. Malgré le silence des whigs sur l'avenir d'Alger après leur accès au pouvoir en novembre 1830, l'opposition au sein de la Chambre des Lords et de la Chambre des Communes s'est illustrée pour exiger que les garanties fournies par les Bourbons soient satisfaites.
L'insistance des tories sur ce sujet a donné un cachet international à l'affaire d'Alger.
Caractéristiques
Ce dossier de politique étrangère fera l'objet d'un travail parlementaire soutenu. Les organes de la presse écrite, à l'instar du quotidien The Times, s'en feront l'écho. Aberdeen, diplomate et homme politique de premier plan, est le premier à estimer que l'entreprise échafaudée par Charles X, roi de France, dissimule des intentions néo-impériales. Aussi, le Foreign Office ne ménagera pas ses forces, notamment par la multiplication de ses requêtes, espérant que le nouveau gouvernement de Juillet honorerait les engagements des Bourbons.
Le refus des conservateurs du maintien de la colonie d'Alger témoigne ainsi de l'importance de l'espace méditerranéen dans le contexte des rivalités coloniales et des stratégies impériales. Malgré le silence des whigs sur l'avenir d'Alger après leur accès au pouvoir en novembre 1830, l'opposition au sein de la Chambre des Lords et de la Chambre des Communes s'est illustrée pour exiger que les garanties fournies par les Bourbons soient satisfaites.
L'insistance des tories sur ce sujet a donné un cachet international à l'affaire d'Alger.
Caractéristiques
- Date de parution 04/07/2019
- Editeur Croquant (Editions du)
- ISBN 978-2-36512-210-8
- EAN 9782365122108
À propos de l'auteur
Mohand Ouali est professeur d'anglais et docteur en lettres et civilisations des pays anglophones. Il s'intéresse aux rapports franco-britanniques en Méditerranée avant, durant et après la chute d'Alger au cours de la première moitié du XIXe siècle.
________________________________________
https://www.elwatan.com/pages-hebdo/histoire/la-prise-dalger-vue-de-londres-de-mohand-ouali-reactions-des-anglais-a-la-conquete-07-11-2019
La prise d’Alger vue de Londres de Mohand Ouali :
Réactions des anglais à la «conquête»
Réactions des anglais à la «conquête»
EL WATAN
Mustapha Benfodil
07 novembre 2019
Professeur d’anglais et docteur en lettres et civilisations des pays anglophones, Mohand Ouali s’intéresse à la colonisation de l’Algérie d’un point de vue des pays anglo-saxons, précise l’éditeur.
Le livre est préfacé par le professeur Aïssa Kadri, qui souligne l’originalité de cette approche «Il s’agit là, écrit-il, d’un ouvrage tout à fait novateur, décentré, rafraîchissant ; un travail qui nous sort de l’éternel face-à-face franco-algérien…»
On a parfois le sentiment, en examinant une certaine historiographie des débuts de la colonisation, qu’au moment de la prise d’Alger le 5 juillet 1830, il n’y avait que la Régence, d’un côté, et le corps expéditionnaire français conduit par le général de Bourmont, de l’autre.
Qu’hormis ces protagonistes, il n’y avait aucun autre acteur, aucune autre force sur l’échiquier du monde. Pourtant, l’affaire était loin d’être gagnée, et le roi Charles X et son président du Conseil, le prince de Polignac, ont dû mobiliser des trésors de diplomatie, d’habileté, de ruse, multiplier basses manœuvres et coups de Trafalgar, pour mener leur entreprise belliqueuse et convaincre les autres puissances de l’époque, la Grande-Bretagne en tête, du bien-fondé de leur expédition. C’est qu’une rivalité coloniale sourde a toujours opposé les deux nations, et Londres ne pouvait souffrir que son éternel rival s’emparât d’un bastion aussi stratégique que les «côtes barbaresques» et étendît ainsi son empire à la Méditerranée occidentale.
Cet aspect peu abordé est justement au cœur d’un ouvrage passionnant : La prise d’Alger vue de Londres 1830-1846 de Mohand Ouali, paru cet été en France, aux éditions du Croquant. «Professeur d’anglais et docteur en lettres et civilisations des pays anglophones, Mohand Ouali s’intéresse à la colonisation de l’Algérie d’un point de vue des pays anglo-saxons», précise l’éditeur. Le livre est préfacé par le professeur Aissa Kadri, qui souligne l’originalité de cette approche. «Il s’agit là, écrit-il, d’un ouvrage tout à fait novateur, décentré, rafraîchissant ; un travail qui nous sort de l’éternel face-à-face franco-algérien…» «La recherche s’inscrit ainsi dans ce renouvellement générationnel, à la fois du regard, du point de vue, de l’approche et de la mise en lumière de nouvelles archives et autres sources documentaires», appuie le sociologue.
Un épisode «peu exploité» par les historiens
Dans son mot d’introduction, Mohand Ouali explicite son propos en faisant remarquer : «Longtemps minorées par les études historiques relatives à l’empire britannique au cours de la première moitié du XIXe siècle, les réactions de la Grande-Bretagne face à la prise d’Alger constituent peu à peu un champ d’étude à part entière, susceptible d’alimenter les études postcoloniales concernant l’Afrique du Nord, plus particulièrement les premières années de la présence française en Algérie.» Et de noter à regret : «L’arrivée en particulier d’un consul britannique, Lord Saint-John, dont la mission »officieuse » était d’empêcher l’armée d’Afrique de s’installer dans la régence d’Alger, demeure jusqu’à nos jours mal connue du grand public et toujours aussi peu exploitée par les historiens et spécialistes de l’Algérie coloniale.» L’auteur insiste sur le fait que «les réactions britanniques face à la prise d’Alger restent peu connues en Algérie, et plus étonnant dans les milieux académiques. Pratiquement aucune mention n’en est faite dans les chapitres qui traitent des débuts de la colonisation française en Algérie : ni le refus britannique de l’intervention militaire et de l’occupation du territoire ni l’influence notoire de Londres sur les mouvements de résistance que connaîtra l’histoire de l’occupation française en Algérie n’ont fait l’objet d’un traitement sérieux au sein de la communauté des chercheurs algériens et même maghrébins».
Le coup de l’éventail, un «casus belli» anecdotique
L’incident diplomatique provoqué par le fameux coup de l’éventail infligé par le dey Hussein Pacha au consul de France Pierre Deval, le 30 avril 1827, sur fond de dettes de blé impayées par la France, est couramment invoqué comme «casus belli» pour déclarer la guerre au dey d’Alger. Tout le monde aujourd’hui est à peu près convaincu que ce n’était là qu’un alibi pour donner l’assaut sur la capitale de la Régence.
Et l’ouvrage de Mohand Ouali explique justement très bien les vrais mobiles de la conquête, comme l’illustre ce passage du livre : «Les convoitises des puissances autour de la Méditerranée ont pris de l’ampleur durant la première moitié du XIXe siècle ; au point qu’un fragile équilibre s’est imposé dans la vie politique, militaire et diplomatique entre puissances européennes elles-mêmes. Polignac a noté lors d’une correspondance avec Laval (consul de France à Londres, ndlr) que l’expédition d’Alger, si elle est bien menée, va non seulement profiter à la France économiquement ou à quelques lobbies politiques à Paris, mais elle allait constituer une grande idée morale et politique que toute l’Europe allait reconnaître un jour ou un autre à la France. Polignac n’a pas omis de préciser que cette expédition va aussi remettre la France dans la cour coloniale. Il ajouta dans l’une de ses lettres au roi de France : »(…) Elle donne une direction d’utilité générale à cette humeur guerrière répandue en Europe à la suite des derniers événements… Enfin, elle peut procurer à la France des ressources commerciales immenses et lui frayer un jour la route de l’Egypte… »
Rivalité pour le contrôle des comptoirs de Bône et La Calle
Il convient de souligner, par ailleurs, que bien avant le coup de l’éventail, il y eut des situations de crise autrement plus âpres entre la France et la Régence. L’un de ces moments de tension avait pour enjeu le contrôle des comptoirs de Bône et de la Calle (Annaba et El Kala, aujourd’hui) et leurs opulentes barrières de corail. «Dès la fin du XVIIIe siècle, les possessions de la Calle et de Bône ont ouvert un nouveau chapitre de l’histoire des rivalités coloniales en Méditerranée entre les deux puissances déjà en conflit en terre d’Europe», peut-on lire en référence à la rivalité franco-britannique. La France détenait alors le droit d’exploitation commerciale de ces concessions par le truchement de la Compagnie royale d’Afrique depuis le 24 décembre 1689. Après la campagne d’Egypte de Napoléon Bonaparte en 1798, le dey d’Alger retire l’exploitation du corail à la France et l’accorde aux Anglais. Un acte qui a fortement froissé l’orgueil de Napoléon. «L’importance du domaine côtier de l’Est de la Régence avait même poussé Napoléon I à ordonner une mission d’espionnage en 1807 pour préparer un plan en vue d’une intervention militaire», indique l’auteur.
Eclairant d’un jour nouveau les visées françaises à l’endroit de la Régence, Mohand Ouali a recensé méthodiquement toutes les manœuvres qui ont jalonné les dernières années avant la conquête en vue d’annexer Alger. Parmi ces plans, celui d’une opération conjointe (dite «projet de combinaison») avec le vice-roi d’Egypte, Méhémet Ali, qui rêvait d’un royaume arabe avec le soutien de la France, et qui voulait en finir avec le règne des deys dans la partie ouest de la Méditerranée. «Si le roi de France a pris la décision de détruire Alger pour se venger du dey et mettre un terme définitif à la piraterie, l’ordre n’a pu être mis à exécution qu’avec le quasi-consentement de Méhémet Ali», soutient le chercheur. «Ce calcul avait, à peine dévoilé, rencontré une résistance farouche de la part de la Grande-Bretagne dès lors qu’il mettait en œuvre une alliance potentiellement nuisible à ses intérêts en Méditerranée.»
«La France s’en fout de l’Angleterre !»
Pour obtenir le consentement de ce qui tenait lieu de «communauté internationale» à l’époque, au premier chef les puissances européennes, la France n’hésite pas à surfer sur le sentiment religieux. Le président du Conseil des ministres, Jules de Polignac, voulant rassurer les Anglais, affirme la main sur le cœur : «Ce n’est point dans nos vues de conserver ni d’occuper de manière indéfinie Alger : ce que nous voulons, c’est éliminer la piraterie dans cette régence, faire cesser l’esclavage des chrétiens et abolir les tributs honteux que l’Europe s’étonne de payer encore à ses forbans.» Mêmes assurances formulées par le roi de France. «Derrière l’intention de donner un cachet religieux à l’intervention française, Charles X cherchait en réalité à gagner le soutien de tous les Etats chrétiens face à une éventuelle menace britannique», dévoile l’auteur, qui révèle en outre que «les puissances européennes n’avaient pas été totalement insensibles à l’argument britannique quant à l’établissement d’une colonie durable sur la côte méditerranéenne».
De son côté, la «Perfide Albion» poursuit son offensive sur le front diplomatique «pour faire échouer le projet français». Mohand Ouali rapporte ce tête-à-tête houleux entre le représentant de sa majesté à Paris, Lord Stuart, et le baron d’Haussez, ministre de la Marine. «L’ambassadeur britannique taquina alors d’Haussez en lui rétorquant que son pays empêcherait l’entreprise. Le responsable français, qui n’a pas apprécié la repartie de Stuart, utilisa à son égard un ton qui n’était pas conforme aux usages diplomatiques.» Le baron s’emporte en martelant : «La France s’en fout de l’Angleterre ! La France fera dans cette circonstance ce qu’elle voudra, sans souffrir ni de contrôle ni d’opposition. Nous ne sommes pas au temps où vous dictiez des lois à l’Europe. Votre influence était basée sur vos trésors, vos vaisseaux et votre domination. Tout cela est usé. Vous ne compromettrez pas ce qui vous reste de cette influence en allant au-delà de la menace. Si vous voulez le faire, je vais vous en donner les moyens. Notre flotte déjà réunie à Toulon sera prête à mettre la voile dans les derniers jours de mai. Elle s’arrêtera aux îles Baléares et elle opérera son débarquement à l’ouest d’Alger.»
La suite est connue. Le 14 juin 1830, le corps expéditionnaire français, fort de 37 000 soldats, parti de Toulon, débarque triomphalement à Sidi Fredj. C’est le début de la conquête.
Les dernières tentatives du consul britannique
Après la capitulation du dey, les Britanniques ne s’avouent pas vaincus pour autant et vont tout faire pour arracher des garanties à la France pour «l’évacuation d’Alger». Lord Saint-John, le consul anglais à Alger, se montre particulièrement actif pour contrarier les desseins du roi Charles X. «Les tentatives de Saint-John visant à contrecarrer les projets français, depuis le blocus et jusqu’à la prise d’Alger, démontrent une réelle volonté de la part de l’ami du dey de faire plier Paris.» L’influent diplomate va jusqu’à songer à armer la résistance autochtone, d’abord en soutenant Ahmed Bey, à Constantine, ensuite, en prenant clairement position pour l’Emir Abdelkader. En effet, l’ambassadeur anglais «proposa d’armer les tribus sous l’autorité du bey de Constantine, hadj Ahmed». Parallèlement à cela, il gardait un pied dans l’action politique en militant pour la formation d’un «gouvernement maure» constitué de «notables d’Alger, au cas où la France allait restituer la ville». Deux figures très en vue étaient particulièrement sollicitées en ce sens : Hamdan Khodja et Ahmed Bouderba. «C’est qu’effectivement le consul Saint-John, malgré le désintérêt de son gouvernement à Londres, misait à ce moment précis sur la formation d’un gouvernement maure pour gérer la ville après le départ des Français», indique le chercheur. «Dans ce sens, l’évacuation d’Alger profiterait d’abord aux Britanniques puis aux Turcs, qui n’avaient pas perdu l’espoir de récupérer leur régence en envoyant en 1834 une flotte pour défendre la province de Constantine et prêter main forte à Ahmed bey.» Pour sa part, l’Emir Abdelkader tenta de s’attirer les faveurs des Anglais en leur proposant, en contrepartie, «des facilités commerciales ainsi que des privilèges pour en finir avec l’ennemi commun».
Il recevra cette réponse de Lord Palmerston, le ministre britannique des Affaires étrangères, «lui précisant que sa majesté n’envisageait aucune possession sur la côte méditerranéenne».
Il a fallu attendre l’année 1851 pour que la Grande-Bretagne reconnaisse de guerre lasse l’emprise de la France sur la nouvelle colonie. «Le consul (Saint-John, ndlr) ne quitta pas Alger après la capitulation, écrit Mohand Ouali, et ne demanda pas le sceau de l’autorité française comme le firent les autres représentants diplomatiques des autres Etats chrétiens présents à Alger : il apposa le sceau du dey jusqu’à sa retraite en 1851, date à laquelle l’autorité britannique va formellement faire une demande auprès de l’administration civile française d’Alger afin d’acquérir ledit sceau et la reconnaissance de l’agent de sa majesté. Durant ces deux décennies, Saint-John n’a pas cessé de réclamer l’évacuation d’Alger.»
Le livre est préfacé par le professeur Aïssa Kadri, qui souligne l’originalité de cette approche «Il s’agit là, écrit-il, d’un ouvrage tout à fait novateur, décentré, rafraîchissant ; un travail qui nous sort de l’éternel face-à-face franco-algérien…»
On a parfois le sentiment, en examinant une certaine historiographie des débuts de la colonisation, qu’au moment de la prise d’Alger le 5 juillet 1830, il n’y avait que la Régence, d’un côté, et le corps expéditionnaire français conduit par le général de Bourmont, de l’autre.
Qu’hormis ces protagonistes, il n’y avait aucun autre acteur, aucune autre force sur l’échiquier du monde. Pourtant, l’affaire était loin d’être gagnée, et le roi Charles X et son président du Conseil, le prince de Polignac, ont dû mobiliser des trésors de diplomatie, d’habileté, de ruse, multiplier basses manœuvres et coups de Trafalgar, pour mener leur entreprise belliqueuse et convaincre les autres puissances de l’époque, la Grande-Bretagne en tête, du bien-fondé de leur expédition. C’est qu’une rivalité coloniale sourde a toujours opposé les deux nations, et Londres ne pouvait souffrir que son éternel rival s’emparât d’un bastion aussi stratégique que les «côtes barbaresques» et étendît ainsi son empire à la Méditerranée occidentale.
Cet aspect peu abordé est justement au cœur d’un ouvrage passionnant : La prise d’Alger vue de Londres 1830-1846 de Mohand Ouali, paru cet été en France, aux éditions du Croquant. «Professeur d’anglais et docteur en lettres et civilisations des pays anglophones, Mohand Ouali s’intéresse à la colonisation de l’Algérie d’un point de vue des pays anglo-saxons», précise l’éditeur. Le livre est préfacé par le professeur Aissa Kadri, qui souligne l’originalité de cette approche. «Il s’agit là, écrit-il, d’un ouvrage tout à fait novateur, décentré, rafraîchissant ; un travail qui nous sort de l’éternel face-à-face franco-algérien…» «La recherche s’inscrit ainsi dans ce renouvellement générationnel, à la fois du regard, du point de vue, de l’approche et de la mise en lumière de nouvelles archives et autres sources documentaires», appuie le sociologue.
Un épisode «peu exploité» par les historiens
Dans son mot d’introduction, Mohand Ouali explicite son propos en faisant remarquer : «Longtemps minorées par les études historiques relatives à l’empire britannique au cours de la première moitié du XIXe siècle, les réactions de la Grande-Bretagne face à la prise d’Alger constituent peu à peu un champ d’étude à part entière, susceptible d’alimenter les études postcoloniales concernant l’Afrique du Nord, plus particulièrement les premières années de la présence française en Algérie.» Et de noter à regret : «L’arrivée en particulier d’un consul britannique, Lord Saint-John, dont la mission »officieuse » était d’empêcher l’armée d’Afrique de s’installer dans la régence d’Alger, demeure jusqu’à nos jours mal connue du grand public et toujours aussi peu exploitée par les historiens et spécialistes de l’Algérie coloniale.» L’auteur insiste sur le fait que «les réactions britanniques face à la prise d’Alger restent peu connues en Algérie, et plus étonnant dans les milieux académiques. Pratiquement aucune mention n’en est faite dans les chapitres qui traitent des débuts de la colonisation française en Algérie : ni le refus britannique de l’intervention militaire et de l’occupation du territoire ni l’influence notoire de Londres sur les mouvements de résistance que connaîtra l’histoire de l’occupation française en Algérie n’ont fait l’objet d’un traitement sérieux au sein de la communauté des chercheurs algériens et même maghrébins».
Le coup de l’éventail, un «casus belli» anecdotique
L’incident diplomatique provoqué par le fameux coup de l’éventail infligé par le dey Hussein Pacha au consul de France Pierre Deval, le 30 avril 1827, sur fond de dettes de blé impayées par la France, est couramment invoqué comme «casus belli» pour déclarer la guerre au dey d’Alger. Tout le monde aujourd’hui est à peu près convaincu que ce n’était là qu’un alibi pour donner l’assaut sur la capitale de la Régence.
Et l’ouvrage de Mohand Ouali explique justement très bien les vrais mobiles de la conquête, comme l’illustre ce passage du livre : «Les convoitises des puissances autour de la Méditerranée ont pris de l’ampleur durant la première moitié du XIXe siècle ; au point qu’un fragile équilibre s’est imposé dans la vie politique, militaire et diplomatique entre puissances européennes elles-mêmes. Polignac a noté lors d’une correspondance avec Laval (consul de France à Londres, ndlr) que l’expédition d’Alger, si elle est bien menée, va non seulement profiter à la France économiquement ou à quelques lobbies politiques à Paris, mais elle allait constituer une grande idée morale et politique que toute l’Europe allait reconnaître un jour ou un autre à la France. Polignac n’a pas omis de préciser que cette expédition va aussi remettre la France dans la cour coloniale. Il ajouta dans l’une de ses lettres au roi de France : »(…) Elle donne une direction d’utilité générale à cette humeur guerrière répandue en Europe à la suite des derniers événements… Enfin, elle peut procurer à la France des ressources commerciales immenses et lui frayer un jour la route de l’Egypte… »
Rivalité pour le contrôle des comptoirs de Bône et La Calle
Il convient de souligner, par ailleurs, que bien avant le coup de l’éventail, il y eut des situations de crise autrement plus âpres entre la France et la Régence. L’un de ces moments de tension avait pour enjeu le contrôle des comptoirs de Bône et de la Calle (Annaba et El Kala, aujourd’hui) et leurs opulentes barrières de corail. «Dès la fin du XVIIIe siècle, les possessions de la Calle et de Bône ont ouvert un nouveau chapitre de l’histoire des rivalités coloniales en Méditerranée entre les deux puissances déjà en conflit en terre d’Europe», peut-on lire en référence à la rivalité franco-britannique. La France détenait alors le droit d’exploitation commerciale de ces concessions par le truchement de la Compagnie royale d’Afrique depuis le 24 décembre 1689. Après la campagne d’Egypte de Napoléon Bonaparte en 1798, le dey d’Alger retire l’exploitation du corail à la France et l’accorde aux Anglais. Un acte qui a fortement froissé l’orgueil de Napoléon. «L’importance du domaine côtier de l’Est de la Régence avait même poussé Napoléon I à ordonner une mission d’espionnage en 1807 pour préparer un plan en vue d’une intervention militaire», indique l’auteur.
Eclairant d’un jour nouveau les visées françaises à l’endroit de la Régence, Mohand Ouali a recensé méthodiquement toutes les manœuvres qui ont jalonné les dernières années avant la conquête en vue d’annexer Alger. Parmi ces plans, celui d’une opération conjointe (dite «projet de combinaison») avec le vice-roi d’Egypte, Méhémet Ali, qui rêvait d’un royaume arabe avec le soutien de la France, et qui voulait en finir avec le règne des deys dans la partie ouest de la Méditerranée. «Si le roi de France a pris la décision de détruire Alger pour se venger du dey et mettre un terme définitif à la piraterie, l’ordre n’a pu être mis à exécution qu’avec le quasi-consentement de Méhémet Ali», soutient le chercheur. «Ce calcul avait, à peine dévoilé, rencontré une résistance farouche de la part de la Grande-Bretagne dès lors qu’il mettait en œuvre une alliance potentiellement nuisible à ses intérêts en Méditerranée.»
«La France s’en fout de l’Angleterre !»
Pour obtenir le consentement de ce qui tenait lieu de «communauté internationale» à l’époque, au premier chef les puissances européennes, la France n’hésite pas à surfer sur le sentiment religieux. Le président du Conseil des ministres, Jules de Polignac, voulant rassurer les Anglais, affirme la main sur le cœur : «Ce n’est point dans nos vues de conserver ni d’occuper de manière indéfinie Alger : ce que nous voulons, c’est éliminer la piraterie dans cette régence, faire cesser l’esclavage des chrétiens et abolir les tributs honteux que l’Europe s’étonne de payer encore à ses forbans.» Mêmes assurances formulées par le roi de France. «Derrière l’intention de donner un cachet religieux à l’intervention française, Charles X cherchait en réalité à gagner le soutien de tous les Etats chrétiens face à une éventuelle menace britannique», dévoile l’auteur, qui révèle en outre que «les puissances européennes n’avaient pas été totalement insensibles à l’argument britannique quant à l’établissement d’une colonie durable sur la côte méditerranéenne».
De son côté, la «Perfide Albion» poursuit son offensive sur le front diplomatique «pour faire échouer le projet français». Mohand Ouali rapporte ce tête-à-tête houleux entre le représentant de sa majesté à Paris, Lord Stuart, et le baron d’Haussez, ministre de la Marine. «L’ambassadeur britannique taquina alors d’Haussez en lui rétorquant que son pays empêcherait l’entreprise. Le responsable français, qui n’a pas apprécié la repartie de Stuart, utilisa à son égard un ton qui n’était pas conforme aux usages diplomatiques.» Le baron s’emporte en martelant : «La France s’en fout de l’Angleterre ! La France fera dans cette circonstance ce qu’elle voudra, sans souffrir ni de contrôle ni d’opposition. Nous ne sommes pas au temps où vous dictiez des lois à l’Europe. Votre influence était basée sur vos trésors, vos vaisseaux et votre domination. Tout cela est usé. Vous ne compromettrez pas ce qui vous reste de cette influence en allant au-delà de la menace. Si vous voulez le faire, je vais vous en donner les moyens. Notre flotte déjà réunie à Toulon sera prête à mettre la voile dans les derniers jours de mai. Elle s’arrêtera aux îles Baléares et elle opérera son débarquement à l’ouest d’Alger.»
La suite est connue. Le 14 juin 1830, le corps expéditionnaire français, fort de 37 000 soldats, parti de Toulon, débarque triomphalement à Sidi Fredj. C’est le début de la conquête.
Les dernières tentatives du consul britannique
Après la capitulation du dey, les Britanniques ne s’avouent pas vaincus pour autant et vont tout faire pour arracher des garanties à la France pour «l’évacuation d’Alger». Lord Saint-John, le consul anglais à Alger, se montre particulièrement actif pour contrarier les desseins du roi Charles X. «Les tentatives de Saint-John visant à contrecarrer les projets français, depuis le blocus et jusqu’à la prise d’Alger, démontrent une réelle volonté de la part de l’ami du dey de faire plier Paris.» L’influent diplomate va jusqu’à songer à armer la résistance autochtone, d’abord en soutenant Ahmed Bey, à Constantine, ensuite, en prenant clairement position pour l’Emir Abdelkader. En effet, l’ambassadeur anglais «proposa d’armer les tribus sous l’autorité du bey de Constantine, hadj Ahmed». Parallèlement à cela, il gardait un pied dans l’action politique en militant pour la formation d’un «gouvernement maure» constitué de «notables d’Alger, au cas où la France allait restituer la ville». Deux figures très en vue étaient particulièrement sollicitées en ce sens : Hamdan Khodja et Ahmed Bouderba. «C’est qu’effectivement le consul Saint-John, malgré le désintérêt de son gouvernement à Londres, misait à ce moment précis sur la formation d’un gouvernement maure pour gérer la ville après le départ des Français», indique le chercheur. «Dans ce sens, l’évacuation d’Alger profiterait d’abord aux Britanniques puis aux Turcs, qui n’avaient pas perdu l’espoir de récupérer leur régence en envoyant en 1834 une flotte pour défendre la province de Constantine et prêter main forte à Ahmed bey.» Pour sa part, l’Emir Abdelkader tenta de s’attirer les faveurs des Anglais en leur proposant, en contrepartie, «des facilités commerciales ainsi que des privilèges pour en finir avec l’ennemi commun».
Il recevra cette réponse de Lord Palmerston, le ministre britannique des Affaires étrangères, «lui précisant que sa majesté n’envisageait aucune possession sur la côte méditerranéenne».
Il a fallu attendre l’année 1851 pour que la Grande-Bretagne reconnaisse de guerre lasse l’emprise de la France sur la nouvelle colonie. «Le consul (Saint-John, ndlr) ne quitta pas Alger après la capitulation, écrit Mohand Ouali, et ne demanda pas le sceau de l’autorité française comme le firent les autres représentants diplomatiques des autres Etats chrétiens présents à Alger : il apposa le sceau du dey jusqu’à sa retraite en 1851, date à laquelle l’autorité britannique va formellement faire une demande auprès de l’administration civile française d’Alger afin d’acquérir ledit sceau et la reconnaissance de l’agent de sa majesté. Durant ces deux décennies, Saint-John n’a pas cessé de réclamer l’évacuation d’Alger.»
Liste de liens.