Doté d'un charismatique indéniable, Abdelkrim pensait ainsi rapprocher les peuples arabes, amazighs et espagnols. Mais découvrant les travaux forcés dans les mines rifaines qui alimentaient l'industrie militaire espagnole, et les travaux forcés dans les champs, ainsi qu’un désir auprès des autorités coloniales espagnoles de faire agenouiller les Rifains devant la colonisation, Abdelkrim retourna finalement dans son village natal pour soulever les tribus rifaines et entamer la Résistance et la Rébellion pour faire de son peuple un peuple souverain.
Mohamed Ben Abd El-Krim Al-Khattabi, alias Mulay Muh’and en Rifain, fit de la prison pour s’être prononcé contre l’expansion de l’Espagne sur de nouveaux territoires du Rif. Il s’évada de la prison militaire de Melilla, et avec son frère, ils s’employèrent à unir les tribus amazighes du Rif. Il menaça l’armée espagnole si elle s’aventurait à franchir le fleuve AMEQRAN. Son avertissement fut ignoré et l’armée espagnole commandée par le général Sylvestre perdit 179 soldats. Puis, à la bataille d’Anoual, l’Espagne perdit près de 16 000 soldats, dont le général Manuel Fernández Silvestre. Le butin des Rifains fut considérable : 200 canons, 400 mitrailleuses, 20 000 fusils et des munitions en très grande quantité. Cette victoire rifaine eut un retentissement énorme en Europe.
Le 18 septembre 1921, les résistants rifains sous la direction de Mulay Muh’and réussissaient à proclamer l’indépendance du territoire Rifain et la création de la première république indépendante de forme moderne et structurée en Etat, au sud de la méditerrané, dans le contexte d’après la première guerre mondiale.
La création de la république confédérale des tribus du Rif est arrivée après la victoire des combattants rifains de plusieurs guerres contre la colonisation espagnole, dont IGHRIBEN, BOUMAJJEN, DHAR UBAREN et la bataille d’ANOUAL, le 21 juillet 1921. La bataille qui a donné des leçons de résistance à plusieurs mouvements de libération du monde entier. D'autres batailles restent marquées par le sang dans l’histoire et la mémoire collective du peuple Rifain.
En 1925, Moulay Moh'and lance une offensive vers le sud contre les forces françaises du général Hubert Lyautey (Louis Hubert Gonzalve Lyautey). Celles-ci sont battues et doivent se replier sur Fès et Taza. Paris envoyait alors Philippe Pétain en lui accordant les moyens qui avaient été refusés à Lyautey. Le vainqueur de Verdun, allié au général Primo de Rivera, lance une vaste offensive. Le conflit, extrêmement dur, pousse les hommes d'Abdelkrim à demander à leur chef d'engager des négociations. Des pourparlers s'engagent alors à Oujda mais, face à l'intransigeance des Français et des Espagnols, Abdelkrim al-Khattabi est contraint à la reddition et est exilé à la Réunion pendant 20 ans. Autorisé à se rendre en France, il rejoint Marseille d'où il parviendra à s'échapper et à rejoindre Le Caire en Égypte, où il meurt en 1963.
Entre 1924 et 1927, les armées coloniales espagnole, française et leur allié : la monarchie marocaine bombardaient systématiquement la république du Rif, avec des armes de destruction massive. Ils utilisaient des gaz toxiques pour détruire la seule république moderne au sud de la méditerrané dans les années vingt du siècle dernier.
À ce moment-là débutèrent les bombardements chimiques : d'après le général de l'aviation espagnole Hidalgo de Cisneros dans son autobiographie Cambio de rumbo, il fut le premier à larguer une bombe de 100 kilogrammes de gaz moutarde depuis son Farman F60 Goliath au cours de l'été 1924, arme chimique fabriquée avec l'aide du chimiste allemand d'Hambourg Hugo Stoltzenberg. Des centaines de milliers de rifains ont été victime de la première guerre chimique dans l'histoire de inhumanité.
Les descendants des Rifains de cette génération (combattants et populations civiles) souffrent encore à ce jour de cette guerre chimique entre les années 1921 et 1927 ( voir les études épidémiologiques avec taux de cancers plus élevés dans le Rif). Regroupés en associations, des Rifains portent, depuis la cause de leur peuple gazé jusqu'au Cortes espagnol pour demander la reconnaissance de ce crime de guerre, ainsi que des indemnisations pour au moins prendre en charge les très nombreux cancéreux du Rif; et cela dans le contexte d'un grande silence de la communauté internationale, notamment de la France, de l'Espagne et de l'Allemagne qui sont des États directement impliqués dans ce grand crime contre l'humanité dans les années vingt du siècle dernier dont a été victime le peuple rifain.
Fikri El Azrak,
SIWEL 211502 OCT 14