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Reportage : Béjaïa dans la peau du printemps noir

11/01/2011 - 15:40

BEJAÏA (SIWEL) - La capitale de la petite Kabylie était au fil des émeutes. Trois jours d’affrontements entre policiers et manifestants et d'inombrables faits ont peint ce tableau de révolte.


vendredi 07 janvier

Reportage : Béjaïa dans la peau du printemps noir
Il est 08H. Le jour se lève sur Bgayet ville. Ce sont d’abord des bribes d’informations sur les émeutes secouant plusieurs villes du pays qui sont sur toutes les langues. « Ça s’embrase partout» colporte-t-on. Puis, des rumeurs selon lesquelles des groupuscules de jeunes issus pour la plupart des quartiers populeux du chef-lieu de wilaya s’apprêtant à descendre dans la rue pour protester contre la hausse des prix des produits alimentaires de base se répandent telle une trainée de poudre. Dans l’atmosphère ni chaude ni froide de cette matinée d’hiver, des dizaines de jeunes dressent des barricades à l’aide de pneus brûlés et des branchages sur le boulevard Krim Belkacem aux alentours de 11H, avant de s’en prendre à coups de pierres au siège de la BNA. Les forces anti-émeute arrivent sur les lieux peu de temps après pour protéger le bâtiment et disperser la foule. La situation tourne à l’émeute. Aux jets de pierres des manifestants, les policiers ripostent par des tirs de bombes lacrymogènes.

L’émeute s’installe au centre ville

14H30. L’émeute gagne le centre ville. Point de convergence des jeunes révoltés par la hausse des prix des produits alimentaires de base et rongés par un chômage endémique: siège de la wilaya. Des plaques de signalisation et des poteaux électriques sont arrachés par des manifestants. Les premières barricades viennent d’être ainsi dressées sur la rue de la Liberté. Le siège de la wilaya, les agences bancaires CNEP et BADR et le bloc administratif viennent d’être pris pour cibles par les manifestants à coups de pierres. Les vitres de la BADR et du bloc administratif volent en éclats. Et celles, blindées, de la CNEP résistent aux assauts répétés des émeutiers. Quelques policiers sortent du siège de la wilaya et font usage de bombes lacrymogènes pour disperser la foule. La tension monte d’un cran et des affrontements entre manifestants et forces anti-émeute éclatent. Profitant du repli des émeutiers, les forces anti-émeute prennent position autour du bâtiment le plus sensible, le siège de la wilaya en l’occurrence.

Plusieurs édifices pillés et saccagés

En fin d’après midi, la persévérance des émeutiers porte ses fruits. Les portes de la CNEP cèdent, ouvrant la voie aux pilleurs. Micro-ordinateurs, coffre-fort, chaises, imprimantes, compteuses de billets, porte-documents, cadres et d’autres objets sont chapardés. 16H45. L’agence CNEP prend feu et des colonnes de fumée s’élèvent dans le ciel. Du coup, la situation s’embrase ! A quelques encablures de là, d’autres émeutiers s’emploient à briser les vitres blindées de l’agence BNP Paribas, sise rue de l’ALN. 17H, une voiture des CNS en trombe traverse les mailles des manifestants et file vers l’hôtel des finances. Quatre policiers prennent position sur le toit de l’édifice. Au même moment les affrontements entre policiers et manifestants se poursuivent toujours à la cité CNS surplombant le siège de la wilaya. À Iheddaden, les émeutiers parviennent après maints assauts à défoncer les portes de la BNA. Butin de ces derniers : le coffre-fort de la banque. Une heure durant, policiers et manifestants se regardent en chien de faïence. Vers 19, les sièges de Société Générale Algérie à Sidi Ahmed et BNP Paribas sur l’avenue de l’ALN sont pris pour cibles par les manifestants. Ils seront mis à sac puis brulés ! Le siège de l’opérateur de téléphonie mobile Mobilis subit le même sort. Quelques heures plus tard, un autre siège de société Générale sera saccagé et pillé. Jusqu’à tard dans la nuit, émeutiers et policiers s’affrontent dans un échange violent de jets de pierres et de tirs de bombes lacrymogènes. De nombreux blessés sont enregistrés dans les deux camps. Peu de temps après Bgayet sombre enfin dans un sommeil agité pour se réveiller le lendemain sur une autre journée houleuse.

Samedi, 08 janvier

Il est 10H. Des affrontements éclatent à la cité ‘’mythique’’ CNS. Dans plusieurs autres quartiers de la ville la tension est également palpable, donnant lieu, une heure après, à des heurts entre manifestants et brigades anti-émeute. Le siège de la wilaya et l’hôtel des finance demeurent toujours des ‘’citadelles’’ imprenables. 14H. Après plus de trois heures d’affrontements, des manifestants en furie s’en prennent au centre de formation Lekhal Younes de Bgayet, saccageant tout sur leur passage. Les affrontements entre manifestants et forces anti-émeute sont de plus en plus violents. Des dizaines de blessés sont dénombrés dans les deux camps. 19H. La nuit tombe sur Bgayet. Les affrontements se poursuivent à la cité CNS. Profitant de l’obscurité et du chaos général, quelques manifestants s’engouffrent dans les locaux de la succursale de la SNTA à Iheddaden emportant des centaines de cartouches de cigarettes et saccageant tout sur leur passage. Des scènes identiques se produisent du coté du bloc administratif aux alentours de 22H. Là, des policiers en civil interviennent. Treize personnes sont appréhendées en flagrant délit de vol et de saccage de biens publics. Dix autres manifestants seront également cueillis par des policiers en civil du coté de l’hôtel des finances. Au quartier Seghir, le siège de Djezzy est pris pour cible par des émeutiers tard dans la nuit de samedi.

Dimanche, 09 janvier

Les émeutes reprennent de plus belle dés la matinée en plusieurs endroits de la ville de Bgayet. Pas d’école. Timide activité commerciale. Les heurts entre brigades anti-émeute et manifestants sont d’une violence inouïe. A Iheddaden, des représentants des comités de quartiers se réunissent dans une cafétéria, tentant par là même de s’impliquer pour canaliser la révolte des jeunes. En vain ! Dans l’après-midi, les brigades anti-émeute appuyées par des policiers en civil passent à l’action. Des dizaines de manifestants sont arrêtés au centre ville de Bgayet. La situation se corse et l’atmosphère se tend. Les affrontements se poursuivent dans plusieurs quartiers de la ville jusqu’à tard dans la nuit.

Bilan des émeutes : 570 blessés et plusieurs édifices publics saccagés

10 janvier. 1OH. Le dispositif sécuritaire déployé autour des bâtiments publics est maintenu, mais se tenant loin des regards. Le calme est de retour. Le wali de Bgayet provoque une réunion d’urgence. Elus, représentants du mouvement associatif et pouvoirs publics se mettent autour d’une table. Objectifs ? Juguler la révolte juvénile et dresser le bilan de trois jours d’émeutes. 570 blessés dont 391 policiers et 180 émeutiers ont été dénombrés et plusieurs édifices publics ont été saccagés lors des émeutes ayant secoué la wilaya de Bgayet, selon le bilan communiqué par le wali.



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