Monsieur le ministre, Tamazight semble devoir être officialisée dans la prochaine constitution algérienne. Quelle est votre réaction ?
Pour moi c'est un faux débat. Tamazight n'est pas une langue qui peut être parlée par tous les berbères. Elle s'est déclinée en plusieurs langues : le Kabyle, le Chaoui, le Mozabite, le Rifain, le Tamacheq et pleins d'autres langues. Ce sont ces langues qu'il faut défendre et promouvoir au sein d'Etats qui vont les prendre en charge. Ce sont des langues qui sont vernaculaires et toujours vivantes. Les efforts doivent être axés sur la sauvegarde et la promotion de ces langues et non sur l'exhumation d'une langue qui sera de toutes les façons vécues comme "artificielles" par les peuples berbères.
Le slave a donné le serbe, le russe, l'ukrainien, le polonais et pleins d'autres langues qui sont aujourd'hui les langues officielles d'états reconnus par l'ONU. Idem pour le germanique qui a donné l'allemand, le danois et les langues scandinaves notamment. Pour le Tamazight c'est la même chose. Il a donné plusieurs langue dont la langue Kabyle. Celle-ci doit dont être officialisée par un état proprement kabyle.
Le pouvoir algérien s'est longtemps accommodé de la focalisation des militants kabyles sur Tamazight car il savait que cela permettait d'évacuer la question purement kabyle. La langue officielle du futur Etat kabyle sera le kabyle et non Tamazight, qui sera de toutes les façons malmené par les autorités algériennes, tout le monde le sait.
C'est donc un non événement pour vous...
Absolument. Le régime algérien veut faire diversion, nous refaire basculer dans le combat linguistique et culturel, qui nous a tant coûté en dépense d'énergie inutile. Le problème est clairement et purement politique. Nous sommes dans un rapport de domination qui nous est défavorable. Le peuple kabyle est nié dans son existence, dans ses fondements. Et tout est fait pour détruire sa conscience...
Pourquoi, selon vous, le pouvoir algérien a décidé "d'officialiser" la langue berbère dans la future constitution ?
La peur du MAK et du GPK ! Voilà la raison principale qui a poussé le régime algérien a cédé sur cette revendication symbolique. Il a bien pris soin de préciser que l'arabe restera la langue de l'Etat, donc en vérité, la seule langue officielle. Cet aspect rend totalement inoffensive cette officialisation. On est dans le symbole, la carotte, l'os jeté aux chiens. Nous refusons tout cela. Nous sommes pragmatiques et personne ne nous déviera de notre cap : la liberté de la Kabylie.
Notre objectif ultime est la souveraineté politique qui est "mère" de toutes les souverainetés : culturelle, linguistique, économique, sociale, cultuelle et diplomatique. La liberté ne se fragmente pas. Elle est totale ou n'est pas. La liberté fait peur à certains car elle peut être dangereuse. Mais la soumission, elle, est mortelle.
Une polémique a éclaté autour de l'élection de "Miss Kabylie", la lauréate semblant ne pas maîtriser la langue kabyle. Qu'en pensez vous ?
Je condamne les attaques dont elle est victime. Nous n'avons pas le droit de l'accuser de choses dont elle n'est pas responsable. Si on veut trouver les vrais coupables, il faut aller chercher du côté du comité d'organisation, certainement lié à l'état algérien, voir de sa propre famille. Mais en tout état de cause, cette polémique peut avoir un effet positif. Ceci soulève la question de l'identité kabyle et pose la question du contenu de la kabylité. Qu'est ce qu'être kabyle aujourd'hui ? Doit-on obligatoirement maîtriser la langue kabyle pour être kabyle ? ou bien, comme je le crois, être kabyle c'est d'abord avoir une conscience "politique" kabyle, un attachement viscéral et patriotique au devenir de cette entité ? La kabylité doit elle être inclusive ou exclusive ? Poser la question, c'est y répondre. Pour moi être kabyle, c'est se reconnaître dans les valeurs de la Kabylie. C'est à dire la liberté, l'honneur, l'ouverture et la tolérance. Le futur état kabyle compte beaucoup sur le dynamisme et le talent de ses expatriés et qui ne maîtrisent pas forcément notre langue. Ils sont pourtant beaucoup plus kabyles que certains kabyles maîtrisant la langue kabyle mais rejetant tout destin particulier à la Kabylie. Ceux de la diaspora interne (Alger, Oran et toutes les villes de l'intérieur de l'Algérie) ou externe (notamment France et Canada) seront les moteurs du futur état kabyle. Ils seront chez eux dans la Kabylie indépendante. Les kabyles forment aujourd'hui une diaspora mondiale. Tous les kabyles, ou qu'ils soient, trouveront leur place dans la future Kabylie indépendante.
Le congrès du MAK a lieu le 5 février. Quel est son enjeu ?
Les travaux des pré-congrès qui ont eu lieu en Kabylie et à l'étranger ont été une réussite. Cela a permis de dégager une tendance générale qui va vers la revendication d'une indépendance pure et simple de la Kabylie. Nous verrons si ce congrès officialisera cette orientation.
Le MAK a marché le 12 janvier dans les rues de Tizi-Wezzu et Vgayet à l'occasion de Yennayer, le nouvel an berbère. La mobilisation a été au rendez vous... Cela traduit-il une adhésion claire de la Kabylie à vos idées ?
Ce que je constate, c'est que la progression du MAK est lente mais solide. Loin de ce qui s'est notamment passé avec les autres mouvement, qui mobilisent des foules immenses avant de se dégonfler progressivement.
La progression du MAK n'est pas un feu de paille. Elle s'inscrit dans un cheminement qui doit aboutir à la concrétisation de notre objectif : la libération de la Kabylie. Les gens qui adhèrent et nous rejoignent le font par pure conviction et non par opportunisme ou effet de mode. C'est cela notre force. Et nous remercions le peuple kabyle pour sa mobilisation lors de ces marches. Sa maturité et son intelligence nous permettrons d'atteindre notre objectif.
SIWEL 221001 JAN 16
Pour moi c'est un faux débat. Tamazight n'est pas une langue qui peut être parlée par tous les berbères. Elle s'est déclinée en plusieurs langues : le Kabyle, le Chaoui, le Mozabite, le Rifain, le Tamacheq et pleins d'autres langues. Ce sont ces langues qu'il faut défendre et promouvoir au sein d'Etats qui vont les prendre en charge. Ce sont des langues qui sont vernaculaires et toujours vivantes. Les efforts doivent être axés sur la sauvegarde et la promotion de ces langues et non sur l'exhumation d'une langue qui sera de toutes les façons vécues comme "artificielles" par les peuples berbères.
Le slave a donné le serbe, le russe, l'ukrainien, le polonais et pleins d'autres langues qui sont aujourd'hui les langues officielles d'états reconnus par l'ONU. Idem pour le germanique qui a donné l'allemand, le danois et les langues scandinaves notamment. Pour le Tamazight c'est la même chose. Il a donné plusieurs langue dont la langue Kabyle. Celle-ci doit dont être officialisée par un état proprement kabyle.
Le pouvoir algérien s'est longtemps accommodé de la focalisation des militants kabyles sur Tamazight car il savait que cela permettait d'évacuer la question purement kabyle. La langue officielle du futur Etat kabyle sera le kabyle et non Tamazight, qui sera de toutes les façons malmené par les autorités algériennes, tout le monde le sait.
C'est donc un non événement pour vous...
Absolument. Le régime algérien veut faire diversion, nous refaire basculer dans le combat linguistique et culturel, qui nous a tant coûté en dépense d'énergie inutile. Le problème est clairement et purement politique. Nous sommes dans un rapport de domination qui nous est défavorable. Le peuple kabyle est nié dans son existence, dans ses fondements. Et tout est fait pour détruire sa conscience...
Pourquoi, selon vous, le pouvoir algérien a décidé "d'officialiser" la langue berbère dans la future constitution ?
La peur du MAK et du GPK ! Voilà la raison principale qui a poussé le régime algérien a cédé sur cette revendication symbolique. Il a bien pris soin de préciser que l'arabe restera la langue de l'Etat, donc en vérité, la seule langue officielle. Cet aspect rend totalement inoffensive cette officialisation. On est dans le symbole, la carotte, l'os jeté aux chiens. Nous refusons tout cela. Nous sommes pragmatiques et personne ne nous déviera de notre cap : la liberté de la Kabylie.
Notre objectif ultime est la souveraineté politique qui est "mère" de toutes les souverainetés : culturelle, linguistique, économique, sociale, cultuelle et diplomatique. La liberté ne se fragmente pas. Elle est totale ou n'est pas. La liberté fait peur à certains car elle peut être dangereuse. Mais la soumission, elle, est mortelle.
Une polémique a éclaté autour de l'élection de "Miss Kabylie", la lauréate semblant ne pas maîtriser la langue kabyle. Qu'en pensez vous ?
Je condamne les attaques dont elle est victime. Nous n'avons pas le droit de l'accuser de choses dont elle n'est pas responsable. Si on veut trouver les vrais coupables, il faut aller chercher du côté du comité d'organisation, certainement lié à l'état algérien, voir de sa propre famille. Mais en tout état de cause, cette polémique peut avoir un effet positif. Ceci soulève la question de l'identité kabyle et pose la question du contenu de la kabylité. Qu'est ce qu'être kabyle aujourd'hui ? Doit-on obligatoirement maîtriser la langue kabyle pour être kabyle ? ou bien, comme je le crois, être kabyle c'est d'abord avoir une conscience "politique" kabyle, un attachement viscéral et patriotique au devenir de cette entité ? La kabylité doit elle être inclusive ou exclusive ? Poser la question, c'est y répondre. Pour moi être kabyle, c'est se reconnaître dans les valeurs de la Kabylie. C'est à dire la liberté, l'honneur, l'ouverture et la tolérance. Le futur état kabyle compte beaucoup sur le dynamisme et le talent de ses expatriés et qui ne maîtrisent pas forcément notre langue. Ils sont pourtant beaucoup plus kabyles que certains kabyles maîtrisant la langue kabyle mais rejetant tout destin particulier à la Kabylie. Ceux de la diaspora interne (Alger, Oran et toutes les villes de l'intérieur de l'Algérie) ou externe (notamment France et Canada) seront les moteurs du futur état kabyle. Ils seront chez eux dans la Kabylie indépendante. Les kabyles forment aujourd'hui une diaspora mondiale. Tous les kabyles, ou qu'ils soient, trouveront leur place dans la future Kabylie indépendante.
Le congrès du MAK a lieu le 5 février. Quel est son enjeu ?
Les travaux des pré-congrès qui ont eu lieu en Kabylie et à l'étranger ont été une réussite. Cela a permis de dégager une tendance générale qui va vers la revendication d'une indépendance pure et simple de la Kabylie. Nous verrons si ce congrès officialisera cette orientation.
Le MAK a marché le 12 janvier dans les rues de Tizi-Wezzu et Vgayet à l'occasion de Yennayer, le nouvel an berbère. La mobilisation a été au rendez vous... Cela traduit-il une adhésion claire de la Kabylie à vos idées ?
Ce que je constate, c'est que la progression du MAK est lente mais solide. Loin de ce qui s'est notamment passé avec les autres mouvement, qui mobilisent des foules immenses avant de se dégonfler progressivement.
La progression du MAK n'est pas un feu de paille. Elle s'inscrit dans un cheminement qui doit aboutir à la concrétisation de notre objectif : la libération de la Kabylie. Les gens qui adhèrent et nous rejoignent le font par pure conviction et non par opportunisme ou effet de mode. C'est cela notre force. Et nous remercions le peuple kabyle pour sa mobilisation lors de ces marches. Sa maturité et son intelligence nous permettrons d'atteindre notre objectif.
SIWEL 221001 JAN 16