« Manifeste Kabyle » : le leurre autonomiste (Chronique de Djaffar Benmesbah)

20/01/2017 08:33

CHRONIQUE (SIWEL) — Prenons date ! Le 30 décembre 2016 à Tizi Ouzou, les animateurs du Manifeste Kabyle réclament la reconnaissance constitutionnelle d’un statut politique particulier pour la Kabylie ! Voilà une généreuse formule de souhait dans une navigation conjoncturelle à Dieu vat !


Mièvrerie dans laquelle les initiateurs du fameux manifeste risquent de découvrir la réalité de leur illusion qui les conduira tout droit à l’amertume. Ils pensent soulager un régime de tartufes de son mal à court-circuiter le Mak afin de le dépouiller de sa vigueur, quelle prétention ! Ils proposent au peuple kabyle un projet dans le sens d’une autonomie contrôlée à distance qu’ils jugent "crédible, réfléchie et réalisable", quelle diligence ! Peut-être que le régime algérien serait tenté de les gratifier, de son infinie largesse, d’une réponse ? Mais à coup sûr, elle serait hilarante et conforme à la demande. Nous connaissons son seigneurial dédain, souvent taché du sang de nos enfants, quand il est question de la moindre revendication kabyle. Le derche du roitelet arabe dégage la haine et la colère du Daech là où son autorité est contestée.

Le régime algérien ne connait pas de charmante âme en Kabylie si elle ne lui est pas complètement et radicalement soumise. Les mouvements politiques qui de temps à autre font son jeu mais pas de manière in extenso lui inspirent méfiance et répugnance. Il a en horreur l’obéissance par extrait. Il faut s'afficher d'une intelligence douteuse pour admettre le postulat selon lequel il pourrait remesurer son hégémonie en Kabylie tout bonnement parce que le Mak le morfond dans des sueurs d’angoisses. Bien que son hégémonie ne sera nullement altérée ni alternée avec le principe de l’autonomie qui fera de la Kabylie un proto-État vassal où la citoyenneté sera chapeautée par la cour suprême d’Alger du moment que les communautés autonomes ne peuvent disposer d’une indépendance judiciaire. Son parlement monocaméral, sa politique de l’audiovisuel, son école seront kabyles certes mais sous le même hymne qui indiquera la suprématie de la langue arabe et sous le même drapeau messaliste d’instinct religieux sans répit.

Bigrement naïf le kabyle qui pense pouvoir enfin partir à la conquête de sa dignité et de son identité dans une Kabylie autonome intégrée dans la sphère arabo-musulmane détournée au profit du wahhabisme. Les arabo-musulmans sont d’essence expansionnistes et leur politique consiste à arabiser le monde entier sous couvert d’un Islam hypnotisant qu’ils soutiennent par des hadiths truffés de mensonges pour les besoins de conquêtes et qu’ils substituent, diable dans la peau, au Message coranique dont ils se réclament.

Les initiateurs du Manifeste, épaulés peut-être par des politiques en perte de notoriété et par d’autres à la crédibilité déchue, réitèrent leur appel aux intellectuels, universitaires d’obédience autonomiste de la région kabyle, "afin de mettre le pouvoir algérien devant sa responsabilité en l’invitant à reconsidérer la question de l’unité nationale dans le cadre d’une vision contractuelle où chaque communauté peut faire valoir ses droits" Est-ce vraiment ce que veulent les kabyles ? Est-ce vraiment ce qui est ressorti des grandioses manifestations de Yennayer organisées par le Mak ? Toute élite qui se substitue à son peuple est profondément réactionnaire.

Agir pour le destin du peuple kabyle n’est pas une activité de loisir, une option de faire briller son étoile personnelle ou un accès à l’oligarchie financière. Il est vrai que l’activité politique est devenue monnayable, rentable et lucrative, pour peu que l’on tente de lui faire abdiquer la Kabylie, ou l’anesthésier par des mécanismes habilement conçus par un microsome de monstres égoïstes qui, par une mascarade de scrutins les légitimant, la débarrassent de toute idée d’insurrection pour se libérer de la misère arabo-islamiste qui la domine.

La Kabylie, ou elle reste algérienne ou elle retrouve sa place parmi les nations libres, il faut trancher. Les bons soins un peu hasardeux des curateurs qui lui prescrivent une autre forme de reddition au visage lénitif veulent faire danser sa résistance dans un sentiment d’appartenance sous le son aigu et continu du Raï. Il faut savoir s’en démarquer si l’on veut se garder de sommeiller demain dans un coin obscur du passé.

Djaffar Benmesbah
SIWEL 200006 JAN 17



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