Mali : Il est temps de reconnaitre le peuple Touareg (Alexandre Del Valle)

08/02/2013 13:07

PARIS (SIWEL) — Dans un article publié dans « atlantico », Alexandre del Valle, géopolitologue renommé et éditorialiste à France Soir enseigne les relations internationales à l'Université de Metz. Il revient sur les frontières coloniales qui, selon le géopolitologue, « devraient êtres plus conforme aux désirs des peuples afin d’éviter qu’ils ne se radicalisent ». Auteur de plusieurs livres sur la faiblesse des démocraties, les Balkans, la Turquie et le terrorisme islamique, Alexandre del Valle rappelle que « le problème malien remonte à la création, en 1960, d’un État central tenu par la tribu noire-africaine des Bambara qui domine le Nord touareg».


Dans cette analyse, Alexandre del Valle s’interroge : « Les droits à l’autodétermination que la "communauté internationale" (en fait les États puissants de la planète) a accordé dans les années 1990-2010 aux séparatistes slovènes, croates, bosniaques ou albanophones face à l’Etat central serbo-yougoslave, ou encore aux chrétiens-animistes du Sud Soudan (désormais indépendant), longtemps massacrés par les Arabo-musulmans du Nord Soudan, peuvent-ils être refusés aux Berbères du Nord Mali ? ». L’auteur se demande s’il est encore raisonnablement possible de faire « comme si le peuple Touareg – et donc berbère - n’existait pas ? » et s’il était encore décemment possible de « nier que les frontières coloniales ont engendré moult conflits et qu’elles devraient être plus conformes aux désirs des peuples, notamment afin d’éviter que ceux-ci se radicalisent ?

A cela il répond que « le droit international est fondé sur le sacro-saint dogme de "l’intangibilité des frontières", y compris celles qui sont le fruit d’un découpage colonial sommaire ». Mais sur le problème du Mali, il précise qu’« il est clair que, faute de liquider physiquement les Maures et les Berbères du Nord Mali, honnis par les ethnies noires-africaines du Sud du pays, le fait de nier la "question touareg" et des minorités équivaudra à créer une "bombe identitaire à retardement" pour les futures générations maliennes. »

Alexandre del Valle fait également un rappel de ce que sont les Touaregs, et notamment ceux du Mali. Il les défini comme « membres de la grande famille des "Amazighs" » parlant une langue berbère « le Tamasheq ». Il défini les Berbères comme des peuples dominés vivant dans « des États dominés soit par des nationalistes arabophones, soit par des tribus noires-africaines » et cite à ce propos l’Algérie le Maroc, la Tunisie, la Lybie, la Mauritanie, le Niger et le Mali. A juste titre, l’auteur affirme que ces peuples amazighs sont « contraints de parler l’arabe ou l’une des langues nationales africaines au détriment du Tamazigh », des peuples « pris en tenailles entre l’arabisation intensive et la domination des noirs-africains, souvent descendants d’esclaves et donc épris de revanche... ».

Les Touaregs sont effectivement dans cette situation où depuis les prétendues « décolonisation », ils se sont retrouvé sous la domination de peuples qu’ils dominaient auparavant. Mais, la rédaction se permet d’apporter la précision que la mise en esclavage des peuples d’Afrique noire est loin d’être l’apanage des seuls Touaregs. L’esclavage européens et l’esclavage arabe, moins médiatisé mais tout aussi cruel, ont été sans commune mesure par rapport à l’esclavage Touareg. Il serait donc injuste de faire porter la responsabilité aux seuls Touaregs, d’autant plus que les peuples d’Afrique noire ont également pratiqué l’esclavage entre tribus noires. L’esclavage est une tare humaine universellement partagée, y compris par les peuples qui ont eu à le subir. Bien entendu, il ne s’agit pas de trouver quelques excuses à l’esclavage pratiqué par les Touaregs mais juste de resituer les responsabilités des uns et des autres dans la sordide histoire de l’esclavage humain qui date de la nuit des temps, depuis la Grèce antique jusqu’à la plus terrible d’entres-elles, l’abjecte traite négrière transatlantique, une œuvre européenne qui a duré plusieurs siècles et qui a fait des centaines de millions de victimes. L’esclavage n’est d’ailleurs pas aboli dans la réalité, il a juste changé de forme et doit encore être combattu de nos jours, comme par exemple dans les pays du Golf qui poursuivent leur pratique indigne de mise en esclavage des noirs et des asiatiques notamment »

L’auteur de l’article met en avant le fait que « le problème de fond au Mali remonte à la création, en 1960, d’un État central tenu par la tribu noire-africaine des Bambara qui domine le Nord touareg et Maure » Alexandre del Valle apporte une précision de taille en expliquant qu’ « au Nord du Mali, bien qu’étant laïques et hostiles à l’islamisme radical, les Berbères touaregs cohabitent depuis longtemps avec des Arabophones maures bien plus islamisés et qui pourraient être des ennemis, mais qui sont comme eux perçus comme des intrus "blancs" par les ethnies noires africaines du Sud ». Il poursuit son analyse en soulignant le fait que « Tandis que les Touaregs ont repris leurs aspirations autonomistes », les maures, « les arabo-musulmans se sont réislamisés sous le double effet de la réislamisation de l’Etat malien lui-même et de l’influence du salafisme venu des pays du Golfe. ». C’est ce qui explique que le MNLA soit majoritairement touareg et laïque, tandis que le Mujao, une organisation islamo-terroriste soit investie majoritairement par les maures de culture arabo-islamique.

Citant en référence l’ouvrage du leader kabyle Ferhat Mehenni, Le siècle identitaire, la fin des empires postcoloniaux (éditions Michalon, 2010), l’auteur revient sur les années 1980, où « le panislamisme a remplacé le panarabisme » exactement « au moment où les indépendantistes berbères d’Afrique du Nord et sahélienne ont connu un vaste mouvement de réveil identitaire ». Citant une nouvelle fois le leader kabyle, Ferhat Mehenni Alexandre del Valle explique que selon l’auteur du siècle identitaire « la démocratisation couplée au réveil des identités et aux moyens de communication modernes aboutira tôt ou tard à une redéfinition des frontières postcoloniales, ce qui célébrera enfin la "seconde décolonisation" ».

Revenant aux « mouvements laïcs touaregs du Nord traditionnellement hostiles à l’islamisme », l’auteur de l’article, faisant référence au groupe islamiste Ansar Dine, met en évidence le paradoxe de « certains des groupes rebelles aient rejoint des "terroristes islamiques" arabophones ». Mais précise-t-il « il convient de distinguer entre l’internationale islamiste salafiste, composée de groupes algériens et locaux comme AQMI et le Mujao (Maures arabophones), plus ou moins affiliés à Al-Qaïda, et l’islamisme malien plus spécifiquement touareg comme Ansar Dine » avant de rajouter que « la clé du problème de ce mouvement dirigé par l’ancien leader de la rébellion touareg des années 2000, Yad Ag Ghali » réside dans le fait qu’il a très récemment « été co-créé par le régime algérien, qui voulait ainsi affaiblir le mouvement touareg laïque du MNLA et qui craignait plus que tout la création d’un Etat berbère à ses portes, susceptible de réveiller les velléités indépendantistes des Kabyles algériens. »

Il rappelle par ailleurs que « lorsque le MNLA conquit tout le Nord Mali en mars 2012, l’armée malienne décampa et ne combat même pas les Touaregs. » faisant voler en éclat « L’intégrité du Mali ». Alexandre del valle rappelle également le contexte Dans ce contexte « fort préoccupant pour Alger » qui fait alors jouer « le chef d’Ansar Dine, Yad Ag Ghali, enragé de ne pas avoir été choisi pour diriger le MNLA par la jeune garde du mouvement touareg laïque » qui accepte « la proposition d’Alger de créer une nouvelle entité islamiste touareg suffisamment bien dotée militairement et financièrement par Alger, le Qatar et l’Arabie saoudite pour réussir à annuler la victoire des Touaregs laïques et créer un prétexte pour discréditer le nouvel Etat berbère du Nord, devenu un “fief d’Al-Qaïda” ».

L’analyse fait ressortir « L’intérêt commun d’Alger et des monarchies islamistes du Golfe » qui est de « couper l’herbe sous le pied aux révolutionnaires laïques touaregs. Abandonné à la fois par les capitales africaines, occidentales et arabes » réduisant le MNLA a « affronter seul tous les mouvements islamo-terroristes (AQMI – MUJAO -Ansar Dine) lourdement armés et financés pas seulement par la drogue et les prises d’otage mais par les pétromonarchies salafistes du Golfe qui leur ont ainsi permis de recruter d’anciens combattants MNLA alléchés par l’argent salafiste » Alexandre Del Valle explique que c’est « ainsi qu’en quelques mois, le MNLA s’est fait voler sa victoire par les islamo-terroristes et a tenté de "sauver les meubles" en contractant une alliance tactique, certes contre-nature, avec les Salafistes, ceci en échange de droits culturels. ».

Citant Belkacem Lounès, ancien président du Congrès Mondial amazigh, aujourd’hui présidé par le libyen Fathi Ben Khelifa, « l’Algerie de Bouteflika a joué un jeu plus que trouble, en démontrant, par son pouvoir de nuisance, qu’aucune paix n’étant souhaitable sans Alger » et que « s’l ne s’agissait que d’un conflit entre Touaregs et Etat malien, la question serait déjà réglée depuis longtemps »

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SIWEL 081307 FEV 13

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