Deux ans après l’entrée en vigueur des dispositions transposant le Statut de la Cour pénale internationale dans le droit suisse pour qu’une unité spécialisée voit le jour au sein du Ministère public de la Confédération, en quoi consiste désormais votre travail ?
Richard Greiner : La législation suisse connait dorénavant la compétence universelle pour juger les auteurs des crimes les plus graves, tels que le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, qui seraient de passage sur le territoire. Dès que les autorités savent qu'un suspect foule le sol suisse, les poursuites devraient être lancées d'office. TRIAL et d'autres organisations de la société civile peuvent donc dénoncer des cas et rendre les autorités attentives à certaines situations. Plus le dossier est solide et les preuves nombreuses, plus de chance il y aura de voir une personne condamnée pour un crime international.
Auriez-vous plus de liberté et de champs d'action pour mener à bien votre mission contre l'impunité avec ces nouveaux moyens ?
Concrètement, cela ne change pas beaucoup le travail quotidien des organisations actives auprès des victimes. Les membres de la Coalition suisse pour la CPI, dont TRIAL, ont milité pour qu'une unité spécialisée soit conçue en Suisse, car il est du devoir des autorités d'appliquer dans la pratique les possibilités juridiques. Aujourd'hui, nous savons que plusieurs procureurs de plus en plus spécialisés auront le temps de se pencher concrètement sur nos dossiers, ce qui encourage à redoubler d'efforts. Mais peut-être bien que d'ici quelques mois et suite aux premières affaires, le mot aura passé parmi les bourreaux et que ceux-ci ne se risqueront plus de voyager vers la Suisse.
Récemment, vous avez poursuivi le général algérien Khaled Nezzar dans une affaire de suspicion de crimes de guerre, où en est-on avec l'affaire?
Khaled Nezzar avait été rapidement arrêté et interrogé en Suisse il y a un an. Le Ministère public de la Confédération (bureau du procureur suisse) s'est ensuite déclaré compétent, décision contestée par le général en décembre 2011. Le 25 juillet 2012, le Tribunal pénal fédéral suisse a rejeté le recours de Nezzar estimant qu’il ne bénéficie pas d’une immunité pour des actes commis durant son mandat et rendant ainsi possible un procès en Suisse. Le Tribunal a indiqué qu’il serait «à la fois contradictoire et vain si, d'un côté, on affirmait vouloir lutter contre ces violations graves aux valeurs fondamentales de l'humanité, et, d'un autre côté, l'on admettait une interprétation large des règles de l'immunité fonctionnelle». L'affaire suit aujourd'hui son cours et des enquêtes ont lieu.
En Kabylie, plus de 128 jeunes ont été tués par des forces gouvernementales algériens, est-il possible que des responsables soient traduit devant votre juridiction?
D'une manière générale, les autorités de poursuites suisses seraient compétentes pour juger des crimes de guerres dans le cadre d'un conflit armé ou des crimes contre l'humanité dans le cadre d'une attaque systématique contre la population -même si ces actes ont été commis à l'étranger sans lien particulier avec la Suisse- tant que l'auteur se trouve en Suisse ou qu'il y reviendra. C'est le principe de la compétence universelle. La priorité est cependant donnée à l'extradition vers un pays touché si des poursuites sont en cours ou à la remise pour jugement devant un tribunal pénal international. Un auteur ne peut en outre pas être jugé deux fois pour le même crime.
Qu'est ce qui bloque, justement, ce genres d'affaire, surtout lorsque l'on sait que les responsables des événements de Kabylie sont identifiés et les faits aussi ?
Il n'est pas toujours évident de qualifier un crime contre l'humanité ou un crime de guerre. En outre, lorsque les principaux auteurs sont encore au pouvoir, ils peuvent bénéficier de certaines immunités. Finalement, il faut encore que l'auteur vienne en Suisse pour qu'une éventuelle procédure soit lancée. Il ne faut pas se leurrer, la justice n'est à l'heure actuelle pas totalement exempte de considérations politiques, surtout dans un domaine qui peut impliquer des hauts-dignitaires étatiques et mettre en péril des relations diplomatiques. Comme on le voit au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies lorsqu'il s'agit de donner mandat à la Cour pénale internationale d'enquêter sur une situation comme la Syrie...
aai
SIWEL 161522 OCT 12
Richard Greiner : La législation suisse connait dorénavant la compétence universelle pour juger les auteurs des crimes les plus graves, tels que le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, qui seraient de passage sur le territoire. Dès que les autorités savent qu'un suspect foule le sol suisse, les poursuites devraient être lancées d'office. TRIAL et d'autres organisations de la société civile peuvent donc dénoncer des cas et rendre les autorités attentives à certaines situations. Plus le dossier est solide et les preuves nombreuses, plus de chance il y aura de voir une personne condamnée pour un crime international.
Auriez-vous plus de liberté et de champs d'action pour mener à bien votre mission contre l'impunité avec ces nouveaux moyens ?
Concrètement, cela ne change pas beaucoup le travail quotidien des organisations actives auprès des victimes. Les membres de la Coalition suisse pour la CPI, dont TRIAL, ont milité pour qu'une unité spécialisée soit conçue en Suisse, car il est du devoir des autorités d'appliquer dans la pratique les possibilités juridiques. Aujourd'hui, nous savons que plusieurs procureurs de plus en plus spécialisés auront le temps de se pencher concrètement sur nos dossiers, ce qui encourage à redoubler d'efforts. Mais peut-être bien que d'ici quelques mois et suite aux premières affaires, le mot aura passé parmi les bourreaux et que ceux-ci ne se risqueront plus de voyager vers la Suisse.
Récemment, vous avez poursuivi le général algérien Khaled Nezzar dans une affaire de suspicion de crimes de guerre, où en est-on avec l'affaire?
Khaled Nezzar avait été rapidement arrêté et interrogé en Suisse il y a un an. Le Ministère public de la Confédération (bureau du procureur suisse) s'est ensuite déclaré compétent, décision contestée par le général en décembre 2011. Le 25 juillet 2012, le Tribunal pénal fédéral suisse a rejeté le recours de Nezzar estimant qu’il ne bénéficie pas d’une immunité pour des actes commis durant son mandat et rendant ainsi possible un procès en Suisse. Le Tribunal a indiqué qu’il serait «à la fois contradictoire et vain si, d'un côté, on affirmait vouloir lutter contre ces violations graves aux valeurs fondamentales de l'humanité, et, d'un autre côté, l'on admettait une interprétation large des règles de l'immunité fonctionnelle». L'affaire suit aujourd'hui son cours et des enquêtes ont lieu.
En Kabylie, plus de 128 jeunes ont été tués par des forces gouvernementales algériens, est-il possible que des responsables soient traduit devant votre juridiction?
D'une manière générale, les autorités de poursuites suisses seraient compétentes pour juger des crimes de guerres dans le cadre d'un conflit armé ou des crimes contre l'humanité dans le cadre d'une attaque systématique contre la population -même si ces actes ont été commis à l'étranger sans lien particulier avec la Suisse- tant que l'auteur se trouve en Suisse ou qu'il y reviendra. C'est le principe de la compétence universelle. La priorité est cependant donnée à l'extradition vers un pays touché si des poursuites sont en cours ou à la remise pour jugement devant un tribunal pénal international. Un auteur ne peut en outre pas être jugé deux fois pour le même crime.
Qu'est ce qui bloque, justement, ce genres d'affaire, surtout lorsque l'on sait que les responsables des événements de Kabylie sont identifiés et les faits aussi ?
Il n'est pas toujours évident de qualifier un crime contre l'humanité ou un crime de guerre. En outre, lorsque les principaux auteurs sont encore au pouvoir, ils peuvent bénéficier de certaines immunités. Finalement, il faut encore que l'auteur vienne en Suisse pour qu'une éventuelle procédure soit lancée. Il ne faut pas se leurrer, la justice n'est à l'heure actuelle pas totalement exempte de considérations politiques, surtout dans un domaine qui peut impliquer des hauts-dignitaires étatiques et mettre en péril des relations diplomatiques. Comme on le voit au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies lorsqu'il s'agit de donner mandat à la Cour pénale internationale d'enquêter sur une situation comme la Syrie...
aai
SIWEL 161522 OCT 12