Lettre ouverte à Muhedn Arab Bessaoud, concepteur du drapeau amazigh et éveilleur de nos consciences(PH/DR)
Azul, vieil homme ! Cela fait longtemps, n’est ce pas ?
Par où commencer, il y a tant et tant de choses à te dire. Bien des événements à te raconter. Je voulais te dire que les algériens sont de plus en plus arabes et que les Kabyles deviennent de moins en moins Kabyles. La situation que nous vivons est fort bien résumée par notre grand ami Mouloud ZEDEK. Avec le génie que tu lui connais, Mouloud explique que dans pas longtemps Larevaa n At Iraten, symbole de notre résistance finirait par s’arabiser.
Avec le recul a Dda Muh, le combat qui a été mené pour reberberiser la Berbérie, comme bien même nous avons enregistré des victoires indéniables, en réalité ce ne sont que des victoires à la Pyrrhus. Je te rassure, tout n’est pas noir pour autant. Au rêve d’une Tamazgha unifiée de Siwa jusqu’aux Canaries et de la méditerranée jusqu’au Niger se succède l’impérieuse nécessité aux peuples Amazighs de se doter chacun de son propre Etat et qui sait une fois cette première étape réalisée, les nations Amazighes iront vers une confédération !
Ce rêve est à portée de mains ! Aujourd’hui, il n’y a plus seulement la Kabylie qui aspire à sa libération. Les Chaouis et les Mzab aussi revendiquent la souveraineté sur leur territoire. Le Rif et les Iles Canaries aussi aspirent à leur indépendance. Les Touarègues du Mali et les Amazigh Libyens ont quasiment leur propre Etat !
Tu étais encore là quand le nationalisme kabyle commençait à balbutier. Te connaissant, je sais que tu as grincé les dents quand toi, l’éveilleur des consciences berbères, tu as appris que la Kabylie voulait son autonomie. Comment pardi ! Allons-nous renoncer à cette terre irriguée de notre sang et de notre sueur ? Cette terre est amazighe, et elle nous appartient ! Je ne céderai pas un iota je t’entends dire. Dda Muh, est-ce à toi que j’apprendrais, que dans cette terre il y a deux pays : Blad Qbayel et tamurt n waraven ? C’est de toi que je tiens cette citation !
Benaï Ouali , Amar Ait Hamouda ou Mbarek Ait Manguellette, ont été assassinés, dans les maquis, pour berbèrisme certes ! Mais Abane, Amirouche, Melah et des milliers d’autres kabyles « humiliés et bramés dans les bases de Tunisie et de Oujda » assassinés par le FLN, ne furent sans doute pas des berberistes ! Ils ne sont morts que par ce qu’ils sont kabyles. Tout comme le furent les jeunes de 2001 tous, et à de rares exceptions, tués de balles explosives visant la tête ou l’abdomen.
Tout comme deux reines ne peuvent pas cohabiter dans une même ruche ; deux peuples distincts ne peuvent cohabiter dans un même territoire. Un des deux est inexorablement et fatalement condamné à disparaître. Inévitablement c’est la Kabylie qui se dissoudra dans « la marre fangeuse de l’arabisme ».
Il est plus qu’impérieux que le peuple Kabyle se dote de son propre Etat. Nous n’avons d’autres choix que celui-ci : être ou disparaître ! Pour vivre, une langue a besoin d’un Etat, disait Mammeri, je pense, te connaissant, tu ne peux pas ne pas être de cet avis. N’est-il pas abscons de vouloir une Algérie ou une Afrique du Nord Amazighe, quand non seulement ceux qui gouvernent mais aussi et surtout l’écrasante majorité des citoyens de ces contrées ont réglé leurs horloges à celle du Moyen Orient ? Faudrait-il jeter les arabes à la mer ? Aurions-nous ce désir quand bien même nous aurons eu les moyens !? Toutes ces choses que je t’avance, tôt ou tard si tu étais encore de ce monde tu aurais fini par arriver à la même conclusion. En écrivant ces lignes, je me rends compte que tu n’y étais pas loin.
Moi aussi je ne m’étalerai pas plus sur ce sujet, Charybde et Scylla sont toujours là, comme à leurs habitudes, ils sont aux aguets ! Eux qui ont fait du rêve de notre peuple leurs fonds de commerce, deviennent de plus en plus amers et aigris. Ils sont de plus en plus indisposés de constater que le peuple kabyle est résolument décidé à disposer de lui-même. Je ne me permettrai de polémiquer avec eux, du moins pas autour de toi !
Bahbouh Lahcene, s’en est allé, il vous a rejoint toi et Haroun, je suis sûr que vous lui réserverez un bon accueil. Comme vous autres, il n’y aurait que la Kabylie qui le pleurera. Nous n’avons pas d’Etat pour décréter un deuil ni d’institutions qui mettront les drapeaux en berne. Nous y travaillons ! À l’instar des autres peuples du monde, le peuple Kabyle aura son propre Etat.
Ce jour-là, de Tagemmunt Lejdid où tu es né, à Akaoudj où tu es enterré, dans une magnifique procession humaine nous rendrons hommage à toi notre éveilleur de conscience, à Jaques Benet ton frère, à Haroun, à Bahbouh et à ces centaines d’anonymes qui ont sacrifié tout pour que nous soyons fiers de ce que nous sommes : Kabyles !
Muh Taheccat,
Cadre du MAK
SIWEL 261524 JAN 15