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Des agents kabyles de la police algérienne ont confié « en avoir marre » d’arrêter des militants du MAK

29/12/2016 - 23:24

KHERRATA (SIWEL) — Cela s’est passé lors de l'arrestation des 11 militants du MAK et une dizaine de citoyens devant le tribunal de Kherrata, le 27 décembre dernier. La plupart d’entre eux étaient là pour soutenir le militant du MAK Fahem Balti qui comparaissait devant le juge. L'arrestation a duré plusieurs heures et des policiers se sont confiés à des militants dont nous rapportons quelques témoignages.


A la première heure de la matinée, un dispositif impressionnant en civil et en uniforme est déjà mis sur place. Les avocats auxquels nous avons parlé nous ont fait part de leur étonnement de l'état d'alerte orchestré par la police algérienne autour du tribunal.

Des policiers se sont confiés aux militants : ils vivent ces arrestations comme une humiliation :

Les agents de police, présents sur place en surnombre, ont reçu l'ordre d'arrêter toute personne ne disposant pas d'une convocation ou d'un document justifiant son accès à l'enceinte judiciaire. Aucun motif d’arrestation n’est requis, ce qui est une atteinte à la dignité citoyenne et une chasse à l'homme en violation totale aux droits et aux libertés. À ce propos, deux agents de la police nous ont confié qu'ils ne supportaient plus les ordres de leurs supérieurs et se sentaient humiliés à chaque fois qu’ils procédaient à l'arrestation de militants politiques et pacifistes du MAK.

Un policier avait déclaré à un militant que cette arrestation était « de la pure hogra » et que lui-même commençait à en avoir marre de ce salaire qu'il retire de son compte à la fin du mois pour l'exercice de la répression sur les citoyens qui revendiquent leurs droits, s’est-il confié.

Plus tard, un autre policier avait reconnu qu'il était hors service, et qu'on l'a appelé à rejoindre son poste comme d’ailleurs plusieurs autres policiers comme renfort pour cette mission d’empêchement d’un rassemblement pacifique.

Une sorte de kidnapping officiel par une institution étatique :

Des dizaines de militants et de citoyens se sont donc retrouvés embarqués dans les locaux du commissariat de Kherrata, sur l'ordre des décideurs algériens qui agissent comme de véritables colonialistes en Kabylie. Les militants et les citoyens se sont sentis dans une espèce de kidnapping officiel de l’état algérien. Ils ont cherché à comprendre le comportement colonial de la police algérienne et les ont interrogé de la raison de leur arrestation arbitraire, alors qu'ils n'ont commis aucune infraction ni délit. Les policiers répondaient qu'ils n'en savaient rien quant à la raison de leur arrestation et qu’ils ne font qu’obéir. Un militant, avec un air plein de regret, interpelle ces derniers « et si vos supérieurs, vous demandent de tirer à balle explosives sur nous, allez-vous aussitôt exécuter l'ordre!? ».

Des questions politiques, notamment sur les liens des militants avec Ferhat Mehenni :

Au moment des interrogatoires, les militants ont été conduits chacun dans un bureau. Toutes les questions étaient d'ordre politique. Ce qui laisse croire qu'on a été dans une institution qui ne maitrise nullement ses prérogatives et qui confond entre sa mission d'assurer l'ordre et la sécurité et le domaine politique.

Parmi les questions qui sont revenues plusieurs fois, on trouve celle de la relation personnelle qui pouvait y avoir entre Ferhat Mehenni, le président de l'Anavad, et les militants interrogés. Un des militants a répondu que « Mas Ferhat et ceux qui le ressemblent font trembler les pouvoirs de nature dictatoriale et coloniale pour œuvrer politiquement à la souveraineté des peuples qui est l'objectif et l'idéal de la famille qui avance à laquelle nous nous appartenons ».


Vers midi, tous les militants ont été réunis dans une salle, sous surveillance des agents de la police coloniale. Ils ont alors pu faire un briefing et discuter de leurs aventures dans les bureaux de leurs « kidnappeurs ». Il y avait une atmosphère de fierté et de rires partagés entre les arrêtés. Les policiers algériens, qui ne comprenaient pas le kabyle, se sentaient gênés et prenaient de la distance pour laisser la surveillance des militants aux agents kabyles.

« Allez arrêter les criminels et les voleurs qui vous donnent des ordres »

L’arrestation continue avec une nouvelle procédure, prise de photos et des empreintes de chacun des militants. Un militant a, à ce moment-là, déclaré à l'agent qui le conduisait dans le bureau « ce n'est pas moi le tueur de Boudiaf ni le voleur des milliards de pétrodollars des algériens. Si vous êtes courageux, allez arrêter les criminels et les voleurs qui vous donnent des ordres ». Le policier répondait, en le regrettant, que l'Algérie est pourrie et que rien ne lui semblait envisageable si ce n’est le désordre total.

Un autre policier arabe qui s'adressait dans sa langue à un autre militant lui disait « je sais que ça te gêne que je te parle en arabe ». Ce dernier lui a répondu ainsi: « oui ça me gêne énormément, je n'ai rien contre la langue arabe, en revanche, je suis contre la langue coloniale, et malheureusement en Kabylie l'usage de la langue arabe a comme seul objectif la domination culturelle et l'anéantissement du kabyle ».

nnf
SIWEL 292326 DEC 16



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