Algérie : les intimidations à l’encontre du CMA ne sont pas la solution
Dans une lettre ouverte adressée le 30 juillet dernier au Premier Ministre algérien, le CMA souhaitait l’alerter sur le caractère arbitraire de l’incarcération de 25 citoyens Mozabites dont Kamel-Eddine Fekhar, défenseur des droits humains, sur les mauvais traitements que certains détenus déclarent avoir subis et surtout, sur le danger de mort imminente des détenus qui étaient à leur 15ème jour de grève de la faim.
Quelques jours plus tard, une campagne médiatique calomnieuse a été lancée contre le CMA et plus grave, le ministre algérien de la justice, M. Tayeb Louh, au lieu de répondre à la lettre du CMA, menace indirectement ce dernier de poursuites judiciaires pour « critiques de décisions de justice » tout en prétendant que « la justice algérienne est libre ».
En réalité, ce que le CMA met en cause et qui était mentionné dans la lettre au premier ministre, c’est plutôt la répression et le comportement raciste et discriminatoire de l’Etat algérien contre le peuple Ait-Mzab connu notamment pour son pacifisme, sa tolérance et sa discrétion légendaires.
En effet, ce que le CMA dénonce, c’est :
- Les agressions criminelles répétées commises depuis plusieurs décennies et en toute impunité par des membres de la communauté arabe Chaamba contre les populations Ait-Mzab et le parti pris des autorités de police et de gendarmerie en faveur de la communauté Chaamba contre les citoyens Mozabites. Cela est prouvé par des rapports, des témoignages, des photos et des vidéos. Youcef Ould Dada, citoyen du Mzab, a même été condamné à 2 ans de prison ferme pour avoir filmé en novembre 2013 des policiers entrain de piller les biens dans un magasin appartenant à un commerçant Mozabite à Taghardayt (Ghardaya),
- Le rejet du rite musulman Ibadite des Mozabites (minoritaire) par le gouvernement, par la voix du ministre algérien des affaires religieuses, en 2013, au profit exclusif du rite sunnite malékite « officiel » en Algérie,
- L’appel des Imams dans les mosquées contre le rite Ibadite relayé par des islamistes dans la rue, criant « Ibadi aadou Allah » (Ibadite ennemi d’Allah), en toute impunité,
- Les chaines de TV araboislamistes des Etats arabes du Moyen-Orient (en particulier la chaine saoudienne Iqra) qui traitent les Ibadites Algériens « d’ennemis de l’islam qu’il faut tuer, persécuter et piller leur biens », sans aucune réaction du gouvernement algérien,
- La confiscation des terres ancestrales des Mozabites par les autorités algériennes et leur attribution à des membres de la communauté arabe Chaamba,
- L’arrestation brutale et illégale, sur ordre du premier ministre algérien, de Kamel-Eddine Fekhar, défenseur des droits de l’homme et de ses 24 compagnons le 9 juillet dernier à Taghardayt (Ghardaya),
- La désignation par M. Sellal, premier ministre algérien, de Kamel-Eddine Fekhar comme le principal responsable des évènements sanglants de la vallée du Mzab et l’accusation de « criminel » portée par M. Ouyahya, directeur du cabinet du chef de l’Etat, à l’encontre de M. Fekhar bien avant l’ouverture de l’instruction judiciaire, ce qui constitue une grave atteinte à la présomption d’innocence,
- Les mauvais traitements subis par les prisonniers politiques Mozabites, en particulier la privation de sucre pour les grévistes de la faim,
- La criminalisation des organisations et des défenseurs des droits de l’homme,
- Le fait que tous les détenus d’opinion qui croupissent actuellement dans les prisons de Taghardayt (Ghardaya), Grara et El-Menéa, sont des Mozabites,
- L’impunité dont bénéficient les assassins des citoyens Mozabites tués dans les différentes localités de la vallée du Mzab,
- Les lourds mais fantaisistes chefs d’inculpation retenus contre M. Fekhar et ses codétenus, tels que « tentative de meurtre, incitation à la violence, atteinte à la sûreté et la souveraineté de l’État ». Ces allégations qui n’ont aucun fondement crédible, cachent mal les vrais motifs des poursuites judiciaires engagées contre M. Fekhar : le faire taire durablement et le punir sévèrement pour avoir dénoncé à maintes reprises "la politique d'extermination du peuple amazigh du M’zab » et pour avoir lancé un appel à l’ONU à en assurer la protection. En tant que défenseur des droits humains et de son peuple, M. Fekhar n’a jamais appelé à la haine et encore moins au meurtre. Il n’a fait qu’exercer sa liberté d’expression en appelant les secours au niveau national et international pour faire stopper le nombre de victimes qui tombaient sous ses yeux particulièrement depuis l’année 2013. M. Fekhar est un infatigable lanceur d’alertes qui a mis à nu le racisme d’Etat anti-Mzab et anti-Amazigh et les abus de pouvoir des autorités algériennes. C’est cela que le gouvernement algérien ne lui pardonne pas.
De fait, avec les violentes attaques qui ont sévèrement frappé les Ait-Mzab, particulièrement au cours des dernières années, nous assistons à une tentative programmée de destruction d’une civilisation plurimillénaire, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Pourquoi l’Algérie s’attaque ainsi à un des peuples les plus paisibles de la planète ?
Quant à l’indépendance de la justice algérienne, si le principe de la séparation des pouvoirs est bien inscrit dans la Constitution, dans la pratique, les magistrats sont sous la coupe du pouvoir exécutif. Cela est une évidence bien réelle. La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme écrit sur son site internet : « Le pouvoir exorbitant au regard des lois, que s’arroge l’administration, devient ainsi sans limites et constitue une menace existentielle pour les organisations de la société civile ». Sur la chaine de télévision publique Canal-Algérie, à l’issue d’un micro-trottoir qui a duré toute une journée en 2013 sur le sujet de la justice algérienne, aucun citoyen interrogé n’a déclaré avoir confiance en la justice de son pays. Même si ce sondage n’est pas fait dans les règles scientifiques, son résultat est incontestablement significatif et il faut bien plus que les incantations du ministre de tutelle pour rendre un peu de crédibilité à la justice de son pays.
Concernant la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’Algérie est régulièrement épinglée pour ses manquements à ses engagements et à ses obligations internationales. En 2007, le Comité des droits de l’homme de l’ONU « s’inquiète que de nombreuses organisations et défenseurs des droits de l’homme ne peuvent exercer librement leurs activités, y compris leur droit de manifester pacifiquement, et sont souvent victimes de harcèlements ». Le Comité avait fixé au 1er novembre 2011 la date de soumission du rapport périodique suivant de l’Algérie. En 2015 le gouvernement algérien n’a toujours pas rendu son rapport, soit 4 ans de retard déjà. Est-ce parce que le gouvernement algérien a honte de son bilan qu’il tarde à rendre son rapport ?
A l’occasion du conseil d’association UE-Algérie en mai 2014, l’Union Européenne a exprimé ses « préoccupations concernant le respect des droits fondamentaux et des libertés civiles » et le Parlement Européen a expressément demandé au gouvernement algérien « d'assurer et de garantir le droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique et de prendre les mesures voulues pour assurer la sûreté et la sécurité des militants de la société civile et des défenseurs des droits de l'homme ainsi que leur liberté à poursuivre leurs activités pacifiques légitimes ».
Tous ces constats accablants et les injonctions internationales témoignent que l’Algérie continue de bafouer les droits et les libertés des citoyens, sans possibilité de recours. Le gouvernement algérien se vante souvent d’avoir adopté pratiquement tous les pactes, conventions, chartes, déclarations et autres accords internationaux mais c’est pour mieux les ignorer et en violer les dispositions dans la pratique. Faut-il alors que l’ONU envoit les casques bleus en Algérie pour que l’Etat respecte enfin ses obligations internationales notamment en matière de respect des droits des peuples, des droits humains et des libertés fondamentales ?
Par ailleurs certains organes de presse ont cru bon de s’en prendre au Congrès mondial amazigh, présenté comme « une ONG inféodée au Maroc » et dont les actions seraient « dictées depuis Rabat ».
Sur quelles bases crédibles cette presse publie ses allégations calomnieuses ? Le CMA rejette naturellement ces accusations aussi gratuites que perfides et rappelle à propos, que lors de sa visite en Algérie en 2011, le Rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression « note avec préoccupation un manque d’indépendance de la presse écrite en général. Sur 80 quotidiens, moins de six peuvent être considérés comme indépendants ».
Visiblement, le pouvoir algérien conforme à sa culture totalitaire, ne peut pas concevoir qu’une organisation de la société civile soit indépendante. Pour lui, elle ne peut que se soumettre ou se taire et disparaitre. Cela n’est pas notre conception des libertés ni celle des textes internationaux adoptés par l’Algérie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
En tout état de cause il semblerait que la lettre ouverte adressée par le CMA au chef du gouvernement algérien l’ait piqué au vif et par conséquent sa réaction via son ministre de la justice et de certains journaux, se veut menaçante à l’égard du CMA et particulièrement de ses membres en Algérie. En accusant le CMA d’être à la solde d’un gouvernement étranger, le gouvernement algérien se préparerait en cas de besoin, à accuser nos membres, « d’atteinte à la sûreté et à la souveraineté de l’Etat ». Les mêmes accusations portées à l’encontre de M. Fekhar et ses compagnons de détention et les mêmes que celles portées contre les fondateurs de la première Ligue algérienne des droits de l’homme en 1985 ! Autant dire qu’en matière de droits et de libertés, l’Algérie n’avance pas.
Pour le CMA il s’agit d’une intimidation grossière et qui restera sans aucun effet. En tant qu’ONG, le CMA poursuivra sans faillir, ses missions de défense et de promotion des droits individuels et collectifs des Amazighs. Le CMA a déjà fait l’objet de tentatives de déstabilisation et/ou d’instrumentalisation mais qui ont toutes échoué grâce au caractère transnational de notre ONG, à la conviction que nous avons de défendre une cause juste, des valeurs et des droits humains universels et du fait que la cohésion de notre organisation est sans cesse confortée par le comportement anti-amazigh de tous les Etats du nord de l’Afrique squattés par des gouvernements islamopanarabistes qui ont pour objectif d’éradiquer l’amazighité dans nos pays de Tamazgha.
Le CMA rappelle que sa conception nationale et territoriale est aux antipodes de celles des Etats hérités du colonialisme européen. Pour le CMA, tous les pays du nord de l’Afrique sont des pays amazighs qui forment le territoire ancestral de Tamazgha qui s’étend de Siwa à l’Archipel Canarien. Quelle que soit sa nationalité administrative, un Amazigh est donc chez lui dans tous les pays de Tamazgha. Lorsque le CMA se réunit à Tafira, à Agadir ou à Djerba, c’est en terre amazighe que ses membres se réunissent. Il n’y a que les interdits arbitraires et l’usage de la force policière qui font obstacle à notre vocation et à notre nature d’être des Amazighs, c’est-à-dire des femmes et des hommes libres.
Parmi les nombreux exemples d’interdits abusifs, il y a l’aberrante et illégitime fermeture de la frontière terrestre algéro-marocaine qui dure depuis plus de 20 ans. Nous réclamons instamment sa réouverture immédiate. Aucun différend entre les gouvernements des deux pays ne saurait justifier cette inqualifiable atteinte à la liberté de circulation et d’échanges entre les « peuples frères » de cette région.
De même, au moment où certains milieux proches du pouvoir algérien font semblant de nous reprocher de nous réunir trop souvent au Maroc, nous rappelons que depuis des années, toute tentative de réunion du CMA en Algérie s’est vue opposer un interdit ou un empêchement par des interventions policières musclées suivies d’arrestations illégales de nos membres. Ce fut le cas en 2008, lorsque le 5ème congrès du CMA a été interdit en Kabylie, ce qui a amené les responsables du CMA à déposer plainte contre le Wali de Tizi-Wezzu. Le 1er août 2009, dix membres du Conseil Fédéral du CMA (dont des représentants des Amazighs de Libye et du Maroc) furent arrêtés après leur réunion à Tigzirt en Kabylie. Le 28 juillet 2010, un séminaire de formation sur le système des droits de l’homme de l’ONU prévu dans la salle d’un restaurant à Tizi-Wezzu (les salles adaptées à cette activité ayant été refusées au CMA), s’est terminé avant de commencer au commissariat central, avec saisie des documents de travail fournis par le Haut Commissariat aux droits de l’homme. Le 20 avril 2013, Khalid Zerrari, vice-président du CMA pour le Maroc, venu en Kabylie pour participer à une réunion, a été arrêté puis expulsé d’Algérie après 48 heures de détention dans les commissariats de la police algérienne. Les membres du CMA-Algérie sont étroitement surveillés et subissent en permanence les harcèlements policiers et judiciaires.
Comment dans ces conditions feindre de s’étonner que le CMA se réunisse ailleurs qu’en Algérie ? D’ailleurs c’est l’occasion pour nous de déclarer de nouveau notre volonté de réunir nos membres dans ce pays. Nous ne sollicitons aucune forme d’aide de la part des autorités algériennes mais nous leur demandons seulement de ne pas nous empêcher de nous réunir et de permettre à nos collègues des autres pays d’entrer en Algérie sans la crainte d’être expulsés et d’accorder les visas à nos amis étrangers. Nous mettons au défi le gouvernement algérien de ne pas faire obstacle à une réunion du CMA en Algérie !
Comme l’ont fait d’autres pays plus développés, l’Algérie doit faire l’effort d’évoluer dans le sens du respect effectif des droits humains et des libertés fondamentales et progrès humain. Le CMA a la prétention et la volonté de l’y aider.
Le Bureau du CMA
Dans une lettre ouverte adressée le 30 juillet dernier au Premier Ministre algérien, le CMA souhaitait l’alerter sur le caractère arbitraire de l’incarcération de 25 citoyens Mozabites dont Kamel-Eddine Fekhar, défenseur des droits humains, sur les mauvais traitements que certains détenus déclarent avoir subis et surtout, sur le danger de mort imminente des détenus qui étaient à leur 15ème jour de grève de la faim.
Quelques jours plus tard, une campagne médiatique calomnieuse a été lancée contre le CMA et plus grave, le ministre algérien de la justice, M. Tayeb Louh, au lieu de répondre à la lettre du CMA, menace indirectement ce dernier de poursuites judiciaires pour « critiques de décisions de justice » tout en prétendant que « la justice algérienne est libre ».
En réalité, ce que le CMA met en cause et qui était mentionné dans la lettre au premier ministre, c’est plutôt la répression et le comportement raciste et discriminatoire de l’Etat algérien contre le peuple Ait-Mzab connu notamment pour son pacifisme, sa tolérance et sa discrétion légendaires.
En effet, ce que le CMA dénonce, c’est :
- Les agressions criminelles répétées commises depuis plusieurs décennies et en toute impunité par des membres de la communauté arabe Chaamba contre les populations Ait-Mzab et le parti pris des autorités de police et de gendarmerie en faveur de la communauté Chaamba contre les citoyens Mozabites. Cela est prouvé par des rapports, des témoignages, des photos et des vidéos. Youcef Ould Dada, citoyen du Mzab, a même été condamné à 2 ans de prison ferme pour avoir filmé en novembre 2013 des policiers entrain de piller les biens dans un magasin appartenant à un commerçant Mozabite à Taghardayt (Ghardaya),
- Le rejet du rite musulman Ibadite des Mozabites (minoritaire) par le gouvernement, par la voix du ministre algérien des affaires religieuses, en 2013, au profit exclusif du rite sunnite malékite « officiel » en Algérie,
- L’appel des Imams dans les mosquées contre le rite Ibadite relayé par des islamistes dans la rue, criant « Ibadi aadou Allah » (Ibadite ennemi d’Allah), en toute impunité,
- Les chaines de TV araboislamistes des Etats arabes du Moyen-Orient (en particulier la chaine saoudienne Iqra) qui traitent les Ibadites Algériens « d’ennemis de l’islam qu’il faut tuer, persécuter et piller leur biens », sans aucune réaction du gouvernement algérien,
- La confiscation des terres ancestrales des Mozabites par les autorités algériennes et leur attribution à des membres de la communauté arabe Chaamba,
- L’arrestation brutale et illégale, sur ordre du premier ministre algérien, de Kamel-Eddine Fekhar, défenseur des droits de l’homme et de ses 24 compagnons le 9 juillet dernier à Taghardayt (Ghardaya),
- La désignation par M. Sellal, premier ministre algérien, de Kamel-Eddine Fekhar comme le principal responsable des évènements sanglants de la vallée du Mzab et l’accusation de « criminel » portée par M. Ouyahya, directeur du cabinet du chef de l’Etat, à l’encontre de M. Fekhar bien avant l’ouverture de l’instruction judiciaire, ce qui constitue une grave atteinte à la présomption d’innocence,
- Les mauvais traitements subis par les prisonniers politiques Mozabites, en particulier la privation de sucre pour les grévistes de la faim,
- La criminalisation des organisations et des défenseurs des droits de l’homme,
- Le fait que tous les détenus d’opinion qui croupissent actuellement dans les prisons de Taghardayt (Ghardaya), Grara et El-Menéa, sont des Mozabites,
- L’impunité dont bénéficient les assassins des citoyens Mozabites tués dans les différentes localités de la vallée du Mzab,
- Les lourds mais fantaisistes chefs d’inculpation retenus contre M. Fekhar et ses codétenus, tels que « tentative de meurtre, incitation à la violence, atteinte à la sûreté et la souveraineté de l’État ». Ces allégations qui n’ont aucun fondement crédible, cachent mal les vrais motifs des poursuites judiciaires engagées contre M. Fekhar : le faire taire durablement et le punir sévèrement pour avoir dénoncé à maintes reprises "la politique d'extermination du peuple amazigh du M’zab » et pour avoir lancé un appel à l’ONU à en assurer la protection. En tant que défenseur des droits humains et de son peuple, M. Fekhar n’a jamais appelé à la haine et encore moins au meurtre. Il n’a fait qu’exercer sa liberté d’expression en appelant les secours au niveau national et international pour faire stopper le nombre de victimes qui tombaient sous ses yeux particulièrement depuis l’année 2013. M. Fekhar est un infatigable lanceur d’alertes qui a mis à nu le racisme d’Etat anti-Mzab et anti-Amazigh et les abus de pouvoir des autorités algériennes. C’est cela que le gouvernement algérien ne lui pardonne pas.
De fait, avec les violentes attaques qui ont sévèrement frappé les Ait-Mzab, particulièrement au cours des dernières années, nous assistons à une tentative programmée de destruction d’une civilisation plurimillénaire, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Pourquoi l’Algérie s’attaque ainsi à un des peuples les plus paisibles de la planète ?
Quant à l’indépendance de la justice algérienne, si le principe de la séparation des pouvoirs est bien inscrit dans la Constitution, dans la pratique, les magistrats sont sous la coupe du pouvoir exécutif. Cela est une évidence bien réelle. La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme écrit sur son site internet : « Le pouvoir exorbitant au regard des lois, que s’arroge l’administration, devient ainsi sans limites et constitue une menace existentielle pour les organisations de la société civile ». Sur la chaine de télévision publique Canal-Algérie, à l’issue d’un micro-trottoir qui a duré toute une journée en 2013 sur le sujet de la justice algérienne, aucun citoyen interrogé n’a déclaré avoir confiance en la justice de son pays. Même si ce sondage n’est pas fait dans les règles scientifiques, son résultat est incontestablement significatif et il faut bien plus que les incantations du ministre de tutelle pour rendre un peu de crédibilité à la justice de son pays.
Concernant la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’Algérie est régulièrement épinglée pour ses manquements à ses engagements et à ses obligations internationales. En 2007, le Comité des droits de l’homme de l’ONU « s’inquiète que de nombreuses organisations et défenseurs des droits de l’homme ne peuvent exercer librement leurs activités, y compris leur droit de manifester pacifiquement, et sont souvent victimes de harcèlements ». Le Comité avait fixé au 1er novembre 2011 la date de soumission du rapport périodique suivant de l’Algérie. En 2015 le gouvernement algérien n’a toujours pas rendu son rapport, soit 4 ans de retard déjà. Est-ce parce que le gouvernement algérien a honte de son bilan qu’il tarde à rendre son rapport ?
A l’occasion du conseil d’association UE-Algérie en mai 2014, l’Union Européenne a exprimé ses « préoccupations concernant le respect des droits fondamentaux et des libertés civiles » et le Parlement Européen a expressément demandé au gouvernement algérien « d'assurer et de garantir le droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique et de prendre les mesures voulues pour assurer la sûreté et la sécurité des militants de la société civile et des défenseurs des droits de l'homme ainsi que leur liberté à poursuivre leurs activités pacifiques légitimes ».
Tous ces constats accablants et les injonctions internationales témoignent que l’Algérie continue de bafouer les droits et les libertés des citoyens, sans possibilité de recours. Le gouvernement algérien se vante souvent d’avoir adopté pratiquement tous les pactes, conventions, chartes, déclarations et autres accords internationaux mais c’est pour mieux les ignorer et en violer les dispositions dans la pratique. Faut-il alors que l’ONU envoit les casques bleus en Algérie pour que l’Etat respecte enfin ses obligations internationales notamment en matière de respect des droits des peuples, des droits humains et des libertés fondamentales ?
Par ailleurs certains organes de presse ont cru bon de s’en prendre au Congrès mondial amazigh, présenté comme « une ONG inféodée au Maroc » et dont les actions seraient « dictées depuis Rabat ».
Sur quelles bases crédibles cette presse publie ses allégations calomnieuses ? Le CMA rejette naturellement ces accusations aussi gratuites que perfides et rappelle à propos, que lors de sa visite en Algérie en 2011, le Rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression « note avec préoccupation un manque d’indépendance de la presse écrite en général. Sur 80 quotidiens, moins de six peuvent être considérés comme indépendants ».
Visiblement, le pouvoir algérien conforme à sa culture totalitaire, ne peut pas concevoir qu’une organisation de la société civile soit indépendante. Pour lui, elle ne peut que se soumettre ou se taire et disparaitre. Cela n’est pas notre conception des libertés ni celle des textes internationaux adoptés par l’Algérie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
En tout état de cause il semblerait que la lettre ouverte adressée par le CMA au chef du gouvernement algérien l’ait piqué au vif et par conséquent sa réaction via son ministre de la justice et de certains journaux, se veut menaçante à l’égard du CMA et particulièrement de ses membres en Algérie. En accusant le CMA d’être à la solde d’un gouvernement étranger, le gouvernement algérien se préparerait en cas de besoin, à accuser nos membres, « d’atteinte à la sûreté et à la souveraineté de l’Etat ». Les mêmes accusations portées à l’encontre de M. Fekhar et ses compagnons de détention et les mêmes que celles portées contre les fondateurs de la première Ligue algérienne des droits de l’homme en 1985 ! Autant dire qu’en matière de droits et de libertés, l’Algérie n’avance pas.
Pour le CMA il s’agit d’une intimidation grossière et qui restera sans aucun effet. En tant qu’ONG, le CMA poursuivra sans faillir, ses missions de défense et de promotion des droits individuels et collectifs des Amazighs. Le CMA a déjà fait l’objet de tentatives de déstabilisation et/ou d’instrumentalisation mais qui ont toutes échoué grâce au caractère transnational de notre ONG, à la conviction que nous avons de défendre une cause juste, des valeurs et des droits humains universels et du fait que la cohésion de notre organisation est sans cesse confortée par le comportement anti-amazigh de tous les Etats du nord de l’Afrique squattés par des gouvernements islamopanarabistes qui ont pour objectif d’éradiquer l’amazighité dans nos pays de Tamazgha.
Le CMA rappelle que sa conception nationale et territoriale est aux antipodes de celles des Etats hérités du colonialisme européen. Pour le CMA, tous les pays du nord de l’Afrique sont des pays amazighs qui forment le territoire ancestral de Tamazgha qui s’étend de Siwa à l’Archipel Canarien. Quelle que soit sa nationalité administrative, un Amazigh est donc chez lui dans tous les pays de Tamazgha. Lorsque le CMA se réunit à Tafira, à Agadir ou à Djerba, c’est en terre amazighe que ses membres se réunissent. Il n’y a que les interdits arbitraires et l’usage de la force policière qui font obstacle à notre vocation et à notre nature d’être des Amazighs, c’est-à-dire des femmes et des hommes libres.
Parmi les nombreux exemples d’interdits abusifs, il y a l’aberrante et illégitime fermeture de la frontière terrestre algéro-marocaine qui dure depuis plus de 20 ans. Nous réclamons instamment sa réouverture immédiate. Aucun différend entre les gouvernements des deux pays ne saurait justifier cette inqualifiable atteinte à la liberté de circulation et d’échanges entre les « peuples frères » de cette région.
De même, au moment où certains milieux proches du pouvoir algérien font semblant de nous reprocher de nous réunir trop souvent au Maroc, nous rappelons que depuis des années, toute tentative de réunion du CMA en Algérie s’est vue opposer un interdit ou un empêchement par des interventions policières musclées suivies d’arrestations illégales de nos membres. Ce fut le cas en 2008, lorsque le 5ème congrès du CMA a été interdit en Kabylie, ce qui a amené les responsables du CMA à déposer plainte contre le Wali de Tizi-Wezzu. Le 1er août 2009, dix membres du Conseil Fédéral du CMA (dont des représentants des Amazighs de Libye et du Maroc) furent arrêtés après leur réunion à Tigzirt en Kabylie. Le 28 juillet 2010, un séminaire de formation sur le système des droits de l’homme de l’ONU prévu dans la salle d’un restaurant à Tizi-Wezzu (les salles adaptées à cette activité ayant été refusées au CMA), s’est terminé avant de commencer au commissariat central, avec saisie des documents de travail fournis par le Haut Commissariat aux droits de l’homme. Le 20 avril 2013, Khalid Zerrari, vice-président du CMA pour le Maroc, venu en Kabylie pour participer à une réunion, a été arrêté puis expulsé d’Algérie après 48 heures de détention dans les commissariats de la police algérienne. Les membres du CMA-Algérie sont étroitement surveillés et subissent en permanence les harcèlements policiers et judiciaires.
Comment dans ces conditions feindre de s’étonner que le CMA se réunisse ailleurs qu’en Algérie ? D’ailleurs c’est l’occasion pour nous de déclarer de nouveau notre volonté de réunir nos membres dans ce pays. Nous ne sollicitons aucune forme d’aide de la part des autorités algériennes mais nous leur demandons seulement de ne pas nous empêcher de nous réunir et de permettre à nos collègues des autres pays d’entrer en Algérie sans la crainte d’être expulsés et d’accorder les visas à nos amis étrangers. Nous mettons au défi le gouvernement algérien de ne pas faire obstacle à une réunion du CMA en Algérie !
Comme l’ont fait d’autres pays plus développés, l’Algérie doit faire l’effort d’évoluer dans le sens du respect effectif des droits humains et des libertés fondamentales et progrès humain. Le CMA a la prétention et la volonté de l’y aider.
Le Bureau du CMA