Evaluation du travail des muscles abdominaux chez les patients lombalgiques
Dominique Bragard et Corinne Jouret, Bruxelles.
Evaluation fonctionnelle des muscles stabilisateurs lombaires chez les patients lombalgiques
Dominique Bragard et Anne-Marie Lecomte,
IES Parnasse Deux-Alice, HE L de Vinci, Bruxelles
La lombalgie demeure aujourd'hui une affection est très fréquente mais ses causes sont mal connues et les traitements peu satisfaisants. La réflexion des thérapeutes se focalise autour de la notion de stabilisation lombaire et place au premier plan les structures musculaires de la cavité abdomino-pelvienne. Parmi ces muscles, on distingue 1) le groupe des muscles globaux correspondant à des muscles superficiels, polyarticulaires dont les insertions principales se situent sur le bassin et le thorax et 2) le groupe des muscles locaux, plus profonds dont les fibres s’insèrent sur chacune des vertèbres lombaires et réalisent une série de jonctions inter segmentaires. Les muscles globaux sont principalement des muscles mobilisateurs alors que les muscles locaux sont des stabilisateurs.
Lors d'un premier épisode lombalgique, les muscles locaux sont inhibés et la récupération du niveau d'activité normal n'est pas automatique, même après la disparition des symptômes douloureux [4]. Afin de compenser cette source d'instabilité, l'organisme adapte la réponse musculaire avec une hyperactivité des muscles globaux. A long terme cette stratégie devient problématique car elle s'accompagne d'une augmentation des contraintes intersegmentaires et d'une diminution de la mobilité [6]. Cette observation conduit à plusieurs pistes thérapeutiques :
1) un travail spécifique des muscles locaux comme le transverse de l'abdomen (TrA) et le multifide (MF),
2) une priorité sur les aspects de coordination musculaire parallèlement aux propriétés de force ou d'endurance.
Plusieurs tests ont été développés afin de dresser un bilan précis des dysfonctions musculaires présentes chez des patients lombalgiques. L'objectif d'un tel bilan sera
1) de distinguer l'activité des muscles globaux et des muscles locaux
2) de mettre en évidence l'endurance et la force mais aussi la coordination musculaire
3) d'objectiver l'activité musculaire en situation de contraction volontaire ou automatique
Les tests décrits ci dessous ont été développés dans le cadre d'une utilisation clinique et vont permettre au thérapeute d'objectiver les différentes facettes de la stabilisation lombo-pelvienne.
La contraction volontaire du TrA peut être perçue lors un examen palpatoire en demandant au sujet de rentrer le ventre. Le résultat normal est le développement d'une tension des muscles profonds. Des compensations telles qu'une flexion du tronc, une rétroversion du bassin ou une élévation de la cage thoracique montrent une utilisation des muscles globaux [1]. Richardson [6] trouve une bonne corrélation entre l'exécution correcte de ce test et la capacité de mobiliser le TrA lors de perturbations posturales. La co-activation du MF peut être perçue par palpation en demandant à nouveau au sujet une contraction du TrA. Cet examen reste difficile à interpréter sur un plan clinique car ces muscles sont profonds et sont souvent atrophiés chez des patients lombalgiques chroniques [5,6].
La force développée globalement par les extenseurs du tronc ou par les muscles abdominaux a souvent été testée dans des études cliniques. Certains résultats montrent qu'une diminution de la force isométrique est un facteur de risque de lombalgie mais d'autres montrent une absence d'association de la force avec des variables cliniques. Ces résultats divergents reflètent probablement la capacité de tester spécifiquement des muscles locaux ou globaux. Ils peuvent être encore influencés par un état de déconditionnement physique global souvent observé chez les patients lombalgiques chroniques [1]
L'endurance des muscles du tronc est objectivée suivant des procédures précises de maintien d'une position déterminée pendant un temps maximum. Le test de Sörensen-Bjerring est largement utilisé pour évaluer l'endurance des extenseurs du rachis. Ce test évalue globalement l'action des muscles extenseurs du rachis et de la hanche. Il semble difficile de séparer l'action spécifique des muscles stabilisateurs (MF), même si leur structure les rend plus aptes à développer une activité de longue durée. Plusieurs études objectivent une diminution de l'endurance des extenseurs du rachis chez les sujets lombalgiques [2,5].
Le test de compétence abdominale [3] va explorer la capacité du muscle TrA à se contracter de manière automatique lors d'un effort volontaire de toux. Le clinicien va apprécier, par palpation, le déplacement de la paroi abdominale résultant de l'augmentation de la pression intra-abdominale (PIA). D'après Guillarme, une musculature abdomino-pelvienne compétente va anticiper l'augmentation de la PIA pour protéger le plancher pelvien et assurer une stabilisation lombaire. Ce test est très facile à mettre en place en clinique, c'est un des seul test à évaluer une activation automatique du TrA mais il n'est pas toujours facile à interpréter et ne permet pas de quantifier l'activité musculaire.
Un appareil de rétroaction manométrique ('Stabilizer Pressure Biofeedback') permet d'objectiver les déplacements de la région lombo-pelvienne et donc d'évaluer les performances de stabilisation [6]. Cet appareil est constitué d'un coussin gonflable relié à un manomètre de pression. Le coussin est placé sous l'abdomen ou sous le dos du patient et le thérapeute pourra noter les variations de pressions enregistrées lors de mouvements volontaires ('rentrer le ventre'). Cette information pourra encore être utilisée comme rétroaction auprès du patient pour l'aider à prendre conscience du travail correct des muscles stabilisateurs.
Références
Barr KP; Lumbar stabilization, core concepts and current literature - part 2; Am J Phys Med Rehabil 2005; 86:72-80
Demoulin C; Recommandations pour l'élaboration d'un bilan fonctionnel de base du patient lombalgique; Rev Med Liege 2005; 60:661-668
Guillarme L; Rééducation thoraco-abdomino-pelvienne par le concept abdo-MG : la renaissance abdominale par le soufflé; 2004 Frison-roche
Hides JA; Multifidus muscle recovery is not automatic after resolution of acute, first episode of low back pain; Spine 1996; 21:2763-2769
McGill S; Low back disorders, evidence-based prevention and rehabilitation; 2002 Human Kinetics
Richardson CA; Therapeutic exercises for spinal segmental stabilization in low back pain; 2004 Churchill Livingstone
Dominique Bragard et Corinne Jouret, Bruxelles.
Evaluation fonctionnelle des muscles stabilisateurs lombaires chez les patients lombalgiques
Dominique Bragard et Anne-Marie Lecomte,
IES Parnasse Deux-Alice, HE L de Vinci, Bruxelles
La lombalgie demeure aujourd'hui une affection est très fréquente mais ses causes sont mal connues et les traitements peu satisfaisants. La réflexion des thérapeutes se focalise autour de la notion de stabilisation lombaire et place au premier plan les structures musculaires de la cavité abdomino-pelvienne. Parmi ces muscles, on distingue 1) le groupe des muscles globaux correspondant à des muscles superficiels, polyarticulaires dont les insertions principales se situent sur le bassin et le thorax et 2) le groupe des muscles locaux, plus profonds dont les fibres s’insèrent sur chacune des vertèbres lombaires et réalisent une série de jonctions inter segmentaires. Les muscles globaux sont principalement des muscles mobilisateurs alors que les muscles locaux sont des stabilisateurs.
Lors d'un premier épisode lombalgique, les muscles locaux sont inhibés et la récupération du niveau d'activité normal n'est pas automatique, même après la disparition des symptômes douloureux [4]. Afin de compenser cette source d'instabilité, l'organisme adapte la réponse musculaire avec une hyperactivité des muscles globaux. A long terme cette stratégie devient problématique car elle s'accompagne d'une augmentation des contraintes intersegmentaires et d'une diminution de la mobilité [6]. Cette observation conduit à plusieurs pistes thérapeutiques :
1) un travail spécifique des muscles locaux comme le transverse de l'abdomen (TrA) et le multifide (MF),
2) une priorité sur les aspects de coordination musculaire parallèlement aux propriétés de force ou d'endurance.
Plusieurs tests ont été développés afin de dresser un bilan précis des dysfonctions musculaires présentes chez des patients lombalgiques. L'objectif d'un tel bilan sera
1) de distinguer l'activité des muscles globaux et des muscles locaux
2) de mettre en évidence l'endurance et la force mais aussi la coordination musculaire
3) d'objectiver l'activité musculaire en situation de contraction volontaire ou automatique
Les tests décrits ci dessous ont été développés dans le cadre d'une utilisation clinique et vont permettre au thérapeute d'objectiver les différentes facettes de la stabilisation lombo-pelvienne.
La contraction volontaire du TrA peut être perçue lors un examen palpatoire en demandant au sujet de rentrer le ventre. Le résultat normal est le développement d'une tension des muscles profonds. Des compensations telles qu'une flexion du tronc, une rétroversion du bassin ou une élévation de la cage thoracique montrent une utilisation des muscles globaux [1]. Richardson [6] trouve une bonne corrélation entre l'exécution correcte de ce test et la capacité de mobiliser le TrA lors de perturbations posturales. La co-activation du MF peut être perçue par palpation en demandant à nouveau au sujet une contraction du TrA. Cet examen reste difficile à interpréter sur un plan clinique car ces muscles sont profonds et sont souvent atrophiés chez des patients lombalgiques chroniques [5,6].
La force développée globalement par les extenseurs du tronc ou par les muscles abdominaux a souvent été testée dans des études cliniques. Certains résultats montrent qu'une diminution de la force isométrique est un facteur de risque de lombalgie mais d'autres montrent une absence d'association de la force avec des variables cliniques. Ces résultats divergents reflètent probablement la capacité de tester spécifiquement des muscles locaux ou globaux. Ils peuvent être encore influencés par un état de déconditionnement physique global souvent observé chez les patients lombalgiques chroniques [1]
L'endurance des muscles du tronc est objectivée suivant des procédures précises de maintien d'une position déterminée pendant un temps maximum. Le test de Sörensen-Bjerring est largement utilisé pour évaluer l'endurance des extenseurs du rachis. Ce test évalue globalement l'action des muscles extenseurs du rachis et de la hanche. Il semble difficile de séparer l'action spécifique des muscles stabilisateurs (MF), même si leur structure les rend plus aptes à développer une activité de longue durée. Plusieurs études objectivent une diminution de l'endurance des extenseurs du rachis chez les sujets lombalgiques [2,5].
Le test de compétence abdominale [3] va explorer la capacité du muscle TrA à se contracter de manière automatique lors d'un effort volontaire de toux. Le clinicien va apprécier, par palpation, le déplacement de la paroi abdominale résultant de l'augmentation de la pression intra-abdominale (PIA). D'après Guillarme, une musculature abdomino-pelvienne compétente va anticiper l'augmentation de la PIA pour protéger le plancher pelvien et assurer une stabilisation lombaire. Ce test est très facile à mettre en place en clinique, c'est un des seul test à évaluer une activation automatique du TrA mais il n'est pas toujours facile à interpréter et ne permet pas de quantifier l'activité musculaire.
Un appareil de rétroaction manométrique ('Stabilizer Pressure Biofeedback') permet d'objectiver les déplacements de la région lombo-pelvienne et donc d'évaluer les performances de stabilisation [6]. Cet appareil est constitué d'un coussin gonflable relié à un manomètre de pression. Le coussin est placé sous l'abdomen ou sous le dos du patient et le thérapeute pourra noter les variations de pressions enregistrées lors de mouvements volontaires ('rentrer le ventre'). Cette information pourra encore être utilisée comme rétroaction auprès du patient pour l'aider à prendre conscience du travail correct des muscles stabilisateurs.
Références
Barr KP; Lumbar stabilization, core concepts and current literature - part 2; Am J Phys Med Rehabil 2005; 86:72-80
Demoulin C; Recommandations pour l'élaboration d'un bilan fonctionnel de base du patient lombalgique; Rev Med Liege 2005; 60:661-668
Guillarme L; Rééducation thoraco-abdomino-pelvienne par le concept abdo-MG : la renaissance abdominale par le soufflé; 2004 Frison-roche
Hides JA; Multifidus muscle recovery is not automatic after resolution of acute, first episode of low back pain; Spine 1996; 21:2763-2769
McGill S; Low back disorders, evidence-based prevention and rehabilitation; 2002 Human Kinetics
Richardson CA; Therapeutic exercises for spinal segmental stabilization in low back pain; 2004 Churchill Livingstone