Zakaria Boualem et la polémique de la chanteuse Mennel

Zakaria Boualem a beaucoup hésité avant de produire cette page. C’est qu’il n’aime pas trop critiquer ce qui se passe à l’étranger, c’est un résidu de sa bonne éducation. Il est suffisamment lucide, le bougre, pour savoir que nous produisons nous mêmes un délire assez puissant pour éviter de donner des leçons au reste du monde. Puis il s’est dit que, chez nous, quand un ami déconne, il n’y a aucun mal à le lui faire remarquer. Ça peut arriver à n’importe qui de perdre les pédales, et quand ça vous tombe sur la tête, il est bon d’avoir des proches qui vous le signalent avant de plonger dans la honte. Voilà comment il faut prendre ce qui va suivre. La France, donc, traverse une mauvaise période, les amis, et une nouvelle polémique est venue le démontrer.

L’affaire concerne Mennel, une jeune chanteuse d’origine syrienne qui a eu la très mauvaise idée de participer à un concours de chant sur une télévision nationale avec un voile sur la tête. Elle interprète pourtant “Hallelujah” de Leonard Cohen, et elle séduit le jury. Aussitôt, une poignée de héros de la France libre vont farfouiller dans ses tweets et exhument une production qui laisse penser que la demoiselle est une adepte de la théorie du complot. La malheureuse égarée pense que les attentats ne sont pas ce qu’on nous dit. Exactement comme Marion Cotillard ou Mathieu Kassovitz par exemple, deux acteurs couverts de gloire. Et comme une bonne partie de la jeunesse de par le monde, qui exprime tous les jours son scepticisme sur les réseaux sociaux. Il faut dire qu’on a affaire à une génération qui a eu droit à ce bon Colin Powell qui a réussi à nous faire passer de la lessive pour de l’anthrax au Conseil de sécurité de l’ONU, et qui a déclenché une guerre dans la foulée, c’est le genre de scène qui forme l’esprit critique.

Mais malgré l’infamie de son mensonge, l’ineffable chef de la défense n’a pas eu à subir les épreuves que cette malheureuse chanteuse a dû traverser. Un véritable lynchage, les amis, un tsunami d’indignation à l’encontre d’une jeune femme qui a fini par jeter l’éponge et abandonner le jeu.  Pendant la semaine qu’a duré cette affaire, la France a produit du malaise en quantité abondante et de bonne qualité. Il ne fallait pas traîner sur leurs chaînes télé, c’était affreux. On retiendra cette phrase, prononcée par une chroniqueuse professionnelle qui faisait la remarque que “déjà pour chanter en arabe par les temps qui courent…”. Il faut sans doute répéter que cette demoiselle chantait une chanson de Leonard Cohen intitulée “Hallelujah”, dont le texte est à la fois imprégné d’érotisme et de spiritualité. On imagine que si elle s’était laissé aller à un traditionnel gnaoui ou malhoun farci de références religieuses, on l’aurait fait passer pour la branche musicale de Daech. Ils sont en roue libre, les malheureux, c’est un spectacle désolant que de les voir s’acharner sur une artiste en voulant la faire passer coûte que coûte pour une illuminée. Il aurait fallu leur expliquer que les extrémistes ne chantent pas à la télé, même avec un voile sur la tête, et surtout pas du Leonard Cohen, il aurait fallu leur dire qu’à force de taper sur tout ce qui est musulman, on loupe sa cible, et on crée du ressentiment.

On pourrait aussi leur expliquer qu’au pays de la laïcité, vu de l’extérieur, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, et que c’est une évidence. Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais ils n’écoutent pas, ils sont terrorisés. S’ils se calmaient, on aurait aussi pu leur expliquer que les victimes d’attentats les plus nombreuses dans le monde se comptent chez les Arabes et qu’elles portent souvent le voile. On en trouve beaucoup en Irak par exemple, le pays justement dont on parlait plus haut (attaqué suite à l’exhibition d’une fausse fiole d’anthrax, on peut dire ça aujourd’hui sans être complotiste, hamdoulillah). Bref, chers amis français, c’est une bien triste affaire que celle de cette chanteuse. Il n’y a pas de quoi être fier, et c’est Zakaria Boualem, un spécialiste, qui vous le dit. Et même pas merci.