Un axe inaltérable : La continuité des relations maroco-gabonaises

Mardi 26 Mars 2013

Réussir une alliance de circonstance requiert du talent, bâtir une amitié stable et pérenne réclamerait, davantage que du talent, des convictions et un engagement dans la loyauté. Les relations maroco-gabonaises crient cette vérité. Jamais un tandem africain n’a autant survécu aux contingences caractéristiques des relations bilatérales. Dès l’aube de leur indépendance, les deux pays avaient compris qu’il fallait d’une certaine manière forcer le destin en édifiant une entente bilatérale équilibrée, évolutive et réciproquement avantageuse. Inutile de s’attarder ici sur le caractère inaltérable qui marquait l’amitié entre les regrettés Feu Hassan II et Feu Omar Bongo. On en voudra pour illustration le nombre de conventions et accords de coopération bilatéraux conclus, sous la supervision de deux chefs d’État, dans le cadre des commissions mixtes dont celles qui se sont tenues alternativement à Rabat et à Libreville en 1980, 1984, 1983 et 1992. 

Ceci explique pourquoi l’actuel Président gabonais, alors fraîchement élu à la magistrature suprême de son pays, a résolument choisi de persévérer sur la voie de son prédécesseur. La visite officielle effectuée au Maroc par le Président Ali Bango en mars 2010 et l’intensification des échanges entre les deux pays fournissent un indice révélateur de cette conviction. De même, le Souverain marocain est un familier de ce formidable pays qu’il connaît depuis qu’il était encore Prince héritier. Pour preuve, le 20 mars 2013, le Roi Mohammed VI en sera à sa cinquième visite au Gabon, après s’y être rendu régulièrement à quatre reprises, en 2002, 2004, 2005 et 2006. 

Mais, si les relations bilatérales entre les deux pays sont marquées du sceau de la constance, c’est bien parce que ces derniers partagent les mêmes convictions sur la majorité des questions internationales et continentales, dont en particulier le développement socioéconomique de  l’Afrique, les crises frappant le Sahel et le Proche-Orient et le conflit du Sahara occidental marocain. Sur ce dernier dossier, le soutien du Gabon au Maroc n’a jamais été démenti, le droit au parachèvement de l’intégrité territoriale des États étant la doctrine la mieux partagée entre Libreville et Rabat. Faut-il rappeler qu’en novembre 1975, une importante délégation gabonaise est arrivée à Rabat pour prendre part à la Marche verte et témoigner son combat aux côtés du Maroc pour le recouvrement de sa souveraineté sur le Sahara ? Le Gabon n’a-t-il pas été un des premiers pays africains à fermement soutenir le projet marocain d’autonomie pour le territoire saharien ? 

La continuité des relations bilatérales entre Libreville et Rabat est aussi appréciable au niveau économique. On le sait, pour donner corps à ses engagements en termes de politique de co-développement, le Maroc a déployé ces dernières années un remarquable activisme entrepreneurial sur le marché gabonais. Avec des opérateurs comme la Royal Air Maroc (RAM), Attijariwafa Bank et Maroc Telecom, le Royaume contribue à la relance économique du Gabon dans des secteurs en croissance exponentielle. À vrai dire, l’implantation optimale de ces opérateurs et les apports en termes de capitaux et de compétences éprouvées donnent la mesure d’un partenariat Sud-Sud autant stable que prometteur. 

Sur le plan macroéconomique, le Gabon serait le 3e fournisseur africain pour le Maroc et le 10e client dans le monde. La diversification des échanges entre les deux pays s’est affirmée ces dernières années. Ainsi, les exportations du Maroc vers le Gabon sont essentiellement constituées de produits alimentaires, d’équipements industriels, de fils et câbles électriques et de bien d’autres produits finis, alors que le Gabon exporte vers le Maroc notamment du bois et des produits agricoles. Ces échanges sont confortés par l’existence de flux humains relativement importants. Les quelques milliers de Marocains résidant au Gabon et leurs homologues gabonais, dont une majorité de jeunes en formation au Maroc, constituent un vivier humain assez actif pour soutenir la dynamique de co-développement entre les deux pays.

Sans doute est-il que la visite royale au Gabon, attendue pour le 20 mars 2013, insufflera une nouvelle impulsion au partenariat maroco-gabonais. Patronné depuis le sommet, le partenariat stratégique entre les deux pays ne manquera pas alors de valider la thèse sur l’étonnante inaltérabilité de l’axe Rabat-Libreville. 

Abderrahim El Maslouhi

Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal


Abderrahim El Maslouhi