Un an après l’élection de Donald Trump: un bilan controversé, une Amérique divisée

Vendredi 15 Décembre 2017

Washington - Contre toute attente et au terme d'une campagne d’une rare férocité, le milliardaire imprévisible et iconoclaste new-yorkais Donald Trump, a été élu, le 8 novembre 2016, 45è président des Etats-Unis. Un an après, les Américains semblent encore divisés sur les succès et les échecs de l’actuel locataire de la Maison Blanche qui avait promis d’"assécher le marigot de Washington".


"L’arrivée de Donald Trump au Bureau ovale a créé des ondes de choc qui continuent de chambouler en profondeur le paysage politique américain", estime Rick Klein, directeur de la division politique de la chaîne américaine +NBC News+, relevant que les Américains semblent aussi anxieux et en colère aujourd'hui que le jour des présidentielles de 2016.

Il s’agit d’une première année de mandat pour le moins "atypique" pour d’autres observateurs, qui pointent du doigt l'ombre d'une collusion- qui reste toutefois à démontrer- avec la Russie, et qui plane toujours sur le président Trump, les démissions et départs forcés de nombre de ses proches conseillers, ainsi que ses multiples joutes verbales avec les médias US auxquels il reproche de recourir à des "informations fausses" pour saper son administration. Certains médias de gauche ont, en effet, déclaré ce que beaucoup ont qualifié de "jihad" contre l’exécutif Trump.

Par ailleurs, il semble difficile d’évaluer le bilan du nouveau président sans tomber dans le piège partisan. Selon un sondage récent de l’Institut Gallup, seulement 35 pc des Américains sont satisfaits de la manière dont il gère le pays. Cependant, M. Trump jouit d’un soutien ferme auprès de sa base avec une cote de popularité s’élevant à 80 pc chez les Républicains.

Tandis que M. Trump continue à vanter les records historiques des principaux indicateurs économiques, notamment en matière de création d’emplois et de croissance, ainsi que la nomination du juge conservateur Neil Gorsuch au neuvième siège vacant de la Cour suprême US, il n’arrive pas jusqu’à maintenant à se prévaloir de sa première grande réforme avec la bénédiction du Congrès américain. La Chambre des représentants a, toutefois, voté le projet de réforme fiscale qui devra bientôt faire l’objet d’un vote similaire au Sénat avant qu’il ne soit promulgué par le président.

A défaut de réformes législatives, Trump, qui veut démanteler l’héritage de Barack Obama, a eu recours plusieurs fois aux décrets présidentiels pour renverser nombre de réformes et politiques de son prédécesseur dans plusieurs domaines comme la santé, l’environnement et l’immigration sans encore bâtir le sien.

L’abrogation de l’Obamacare, une promesse phare de campagne, s’est avérée particulièrement difficile à tenir. Les Républicains, qui contrôlent à la fois la Chambre des représentants, le Sénat et la Maison Blanche, ont essuyé un très lourd revers après avoir échoué, à plusieurs reprises, à adopter leur projet de réforme du système de santé pour remplacer la loi sur la couverture médicale controversée. Trump a promis que ce n’est que partie remise.

Un an après son investiture, le président américain a honoré ses promesses de lutte contre l’immigration illégale et de durcissement de la politique migratoire. Cependant, il s’agit de promesses "partiellement tenues".

La construction d’un mur au long des frontières avec le Mexique, dont le coût s’élève à 20 milliards de dollars, n’a toujours pas commencé et Mexico ne semble pas enclin d’en assurer le financement. Même les nombreuses versions du décret présidentiel anti-immigration, qui interdit aux ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane l'accès au pays, ont été bloquées par la justice.

Mais aux yeux de ses partisans, le président Trump est resté quand même fidèle à son credo "l'Amérique d'abord", en confirmant le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat et de l’Accord de partenariat transpacifique (TPP), et en proposant la réforme fiscale, toujours en phase de validation.

S'agissant de la politique étrangère, le chef de la Maison Blanche, élu sur un programme isolationniste, a opéré des virages à 180 degrés notamment sur le dossier syrien, le conflit en Afghanistan, l’avenir de l’OTAN ou même les relations avec la Russie.

Pour Jon Bernstein, un consultant politique basé à Washington, il s’agit bien d’un signe d'une normalisation de sa diplomatie, loin des prises de positions fracassantes de sa campagne en faveur d’une "une grande continuité" avec celle de l’ère Obama.

"Malgré le fait que les grandes lignes de la politique étrangère de l’administration Trump ressemblent beaucoup à celles de Barack Obama, l’approche du nouveau président en la matière a semé l'incertitude", estime, pour sa part, Mylven Leffler dans un article publié par +Foreign Policy+, pointant du doigt la montée des tensions avec la Corée du Nord et le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le Climat.

Cette incertitude semble avoir plombé l’image des Etats-Unis dans le monde, selon une enquête du Pew Research Center, qui fait ressortir que les trois quarts des personnes interrogées dans 37 pays ne font pas confiance au président américain pour prendre les bonnes décisions sur la scène mondiale, par rapport à 64 pc pour son prédécesseur.

Un an après les élections, la polarisation politique bat encore son plein et l’écart entre démocrates et républicains ne cesse de se creuser au moment où leurs partis se trouvent "en faillite moralement et intellectuellement", selon Michael Gerson, un journaliste du +Washington Post+.

Le parti démocrate, qui souffre d’une crise profonde de leadership après le départ de Barack Obama et la défaite de sa candidate aux présidentielles de 2016 Hillary Clinton, jouit dorénavant de 37 pc seulement d'opinions favorables, selon un sondage de +CNN+.

"Les Démocrates sont profondément divisés entre l'Establishment soucieux de reprendre le contrôle du Congrès lors des élections de mi-mandat l'an prochain, et une partie des militants, partisans d'une remise en question plus profonde", explique Jason Gold, professeur de sciences politiques à George Washington University.

Le Grand Old Party ne semble pas épargné non plus après l’éruption d'une guerre ouverte entre plusieurs ténors du GOP, notamment au Sénat comme John McCain (Arizona), Jeff Flakes (Arizona), et Bob Corker (Tennessee) et la Maison Blanche.

"L'impopularité croissante du président Trump et sa personnalité clivante, ont fait exploser l’unité qui s’est formée au sein du parti républicain au lendemain de sa victoire", confie Bill Kristol, un stratège du GOP.

Mais le premier vrai test de la présidence de Trump aura lieu d’ici un an lors des élections de mi-mandat, d'après Elaine Kamarck du Brookings Institute. "Jusque-là, nous ne pouvons que spéculer sur l'effet Trump", estime-t-elle.

Cependant, une chose est certaine: un an après la victoire de Donald Trump, l’Amérique semble comme l'a décrit Charles Dickens dans les premières lignes du Conte des deux villes: c’est la meilleure des époques (à Trump land), c’est la pire des époques (ailleurs).


MAP - Safae El Yaaqoubi