Sahara : une conjoncture qui conforte le Maroc dans son droit

Mercredi 6 Novembre 2019

Sahara Maroc

La question du Sahara est-elle en train de connaître un changement de fond ? Plusieurs donnes en attestent du moins. Ainsi, à l’heure où nous mettions sous presse, le Conseil de sécurité devrait voter une nouvelle résolution prorogeant d’une année la mission de la Minurso, jusqu’au 31 octobre 2020. Les Etats-Unis, rédacteurs du projet de la résolution, ou «pen-holder» (porte-plume) dans le jargon consacré du droit international, ont proposé cette fois dans le projet de résolution soumis au Conseil de sécurité, contrairement à leurs positions antérieures, le prolongement d’une année alors qu’ils étaient derrière sa réduction à six mois. Ce point a été au centre d’un différend entre la France et les Etats-Unis qui a retardé le vote de la résolution en avril dernier. La France avait, en effet, considéré que «les mandats de 12 mois doivent rester la norme et ceux de six mois l’exception». Pour elle, une période d’un an permet la continuité et une plus grande prévisibilité dans la gestion de la Mission, tout en réduisant les incertitudes quant à son futur. La France a donc insisté pour qu’en ce mois d’octobre, le renouvellement d’un an soit acquis. Bien plus, cette fois, les Etats-Unis, qui avaient imposé un mandat de six mois, estiment qu’il est nécessaire de donner suffisamment de temps au Secrétaire général pour nommer un nouvel envoyé personnel en remplacement de l’ancien Président allemand Horst Köhler, démissionnaire depuis fin mai dernier. D’aucuns verraient dans cet «assouplissement» de la position américaine une conséquence du limogeage, début septembre, de l’ancien conseiller à la sécurité nationale du Président Trump, et néanmoins allié déclaré du Polisario et de l’Algérie, John Bolton. Le rapprochement est, certes, légitime, mais ce n’en est pas forcément une conséquence directe. Le fait est que la rédaction du projet de résolution intervient presque en même temps que la tenue du 4e round du dialogue stratégique. Rencontre au cours de laquelle les deux parties ont discuté des domaines de la «future coopération américano-marocaine dans le cadre du dialogue stratégique Maroc-Etats-Unis». Le Secrétaire d’Etat américain a d’ailleurs exprimé sa gratitude pour le soutien continu de S.M. Mohammed VI à ces questions d’intérêt commun telles que la paix au Moyen-Orient, la stabilité et le développement en Afrique, ainsi que la sécurité régionale. Les deux parties ont discuté «des moyens d’approfondir la coopération militaire au niveau de la politique stratégique».

MINURSOMINURSO

Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni…

Est-ce pour autant un signe du changement de la position américaine sur la question du Sahara ? Difficile de trancher, quoique la prorogation d’une année, au lieu de six mois, du mandat de la Minurso est certainement la bienvenue pour le Maroc qui ne sera plus sous la pression qu’implique un délai resserré de six mois. A priori, à part cette nouveauté, qui est de taille d’ailleurs, la résolution du Conseil de sécurité ne devrait pas différer de la précédente. Et ce, bien que ce soit l’Afrique du Sud, membre non permanent et l’un des rares alliés sur lequel le Polisario peut encore compter, qui a assumé la présidence tournante du Conseil de sécurité pendant tout le mois d’octobre. La présidence de l’Afrique du Sud semble, au demeurant, n’avoir en rien changer l’agenda du CS relatif à la question du Sahara en ce mois. Les changements viennent d’ailleurs, en fait. Ainsi, organisant la semaine dernière le premier sommet Russie-Afrique, la Fédération de Russie a su éviter le piège dans lequel sont tombés d’autres. Les organisateurs ont en effet adressé des invitations individuelles aux Etats africains reconnus par l’ONU. Résultat, le Polisario n’a pas fait partie de la fête. Cette fois, les subterfuges habituels de l’Algérie et du Polisario n’ont pas fonctionné. L’on se souvient que lors de la dernière Ticad (Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique), malgré le fait qu’ils n’y soient jamais invités, les membres du Polisario ont néanmoins pu se glisser dans les réunions sous le manteau algérien qui leur fournit couverture et passeports diplomatiques. Ce fut le cas également pour les sommets Inde-Afrique et Chine-Afrique co-organisés avec l’Union africaine. Mais pas en Russie. Autre manifestation, autre signe. Intervenant le 25 octobre 2019, à Bakou, en Azerbaïdjan, à l’occasion du dernier Sommet du Mouvement des pays non-alignés, le Président cubain, Miguel Díaz Canel, n’a pas exprimé le soutien «historique» de la République insulaire à la chimérique «Rasd». Pourtant le chef d’Etat cubain, dont le pays vient d’ouvrir une ambassade à Rabat, a fait un tour d’horizon des principaux foyers de tension de par le monde, allant du Moyen-Orient à l’Amérique Latine, en passant par l’Asie et l’Afrique, qui, a-t-il affirmé, «continue d’être déchirée par les guerres».

Quand la vérité sort de la bouche des responsables

Selon les observateurs, les vents, en Amérique Latine, «sont bel et bien en train de tourner à l’avantage du Maroc, sur le dossier de son intégrité territoriale». En d’autres termes, le soutien que les pays latino-américains n’ont eu de cesse de manifester à la «Rasd» est en train de s’effriter. La preuve en est cette cascade de désaveux infligés dernièrement par les Républiques du Pérou, du Salvador, du Brésil, du Chili, du Panama, entre autres pays latino-américains où s’opère une prise de conscience du conflit créé autour du Sahara marocain, et surtout des nouvelles réalités géopolitiques de la région. Rappelons à ce sujet que le Maroc est, depuis peu, membre observateur permanent, au même titre que l’Espagne, le Mexique et le Panama, du Parlement andin composé du Chili, de l’Equateur, de la Colombie et du Pérou. Samedi 26 octobre, une autre déclaration, forte cette fois, du Royaume-Uni avec lequel le Maroc vient de signer un accord d’association. Ainsi, la Déclaration politique conclue, samedi à Londres, entre le Maroc et le Royaume-Uni en marge de la signature de cet accord, réaffirme la position britannique sur la question du Sahara marocain en marquant «son appui aux efforts sérieux et crédibles menés par le Maroc dans le cadre de son initiative d’autonomie». Il faut noter à cet égard qu’outre cet accord, les deux parties ont signé trois instruments juridiques. Il s’agit d’une déclaration politique et de deux accords sous forme d’échange de lettres, portant, d’une part, sur un mécanisme de règlement des différends, et, d’autre part, sur un accord mutuel relatif à l’accès au marché britannique de l’ensemble des produits issus, notamment, de la région du Sahara marocain. On notera que le Maroc a carrément contrecarré le Polisario et ses mentors évitant ainsi toute tentative de déstabilisation de son accord, comme ce fut le cas avec l’UE. On notera également qu’avec cet accord, surtout ce dernier instrument juridique, le Maroc a coupé court aux tentatives de guerre économique menées par le Polisario depuis le territoire anglais. Autre signe d’évolution positive, cette déclaration qui n’est certainement pas passée inaperçue de l’ancien numéro 1 du FLN algérien, Ammar Saâdani. Le 17 octobre, Amar Saâdani avait pris de court tout le monde, surtout dans son pays. «Je considère que le Sahara est marocain et rien d’autre», a-t-il déclaré dans un entretien publié par la presse algérienne. Et d’ajouter que «le Sahara a été enlevé au Maroc au Congrès de Berlin. Aussi, je pense que l’Algérie a versé pendant cinquante ans des sommes faramineuses à ce qui est appelé le Polisario».

Zone à haut risque

Lundi 21 octobre, le gouvernement algérien, et après un silence radio de quatre jours, a fini par répondre aux propos de Amar Saâdani. Pour lui, la sortie de l’ancien président de l’Assemblée nationale populaire (Parlement) «n’engage que son auteur. La position (NDLR. pro-polisario) de l’Algérie vis-à-vis de cette question est claire». Ammar Saâdani n’en démord pas, sa position, explique-t-il, «est bien en cohérence avec l’Histoire et le combat de mes prédécesseurs et les résolutions des partis de l’Etoile nord-africaine». M. Saâdani, faut-il le préciser, n’est d’ailleurs pas le seul ancien responsable algérien à soutenir la marocanité du Sahara.

Sur le terrain, la situation est plutôt inquiétante. Le dernier rapport du Secrétaire général de l’ONU, soumis au Conseil de sécurité le 2 octobre, fait état de multiplication de «cas de contrebande et d’autres activités illégales», notamment le trafic d’armes, au delà du dispositif de sécurité. Dans son rapport, Antonio Guterres a également parlé de «risque d’attentats terroristes contre la Minurso» qui «reste une source d’inquiétude en raison de la présence importante d’éléments dangereux dans la région élargie». En avril 2019, poursuit le rapport, le chef de «l’État islamique de l’Iraq et du Levant», Abu Bakr Al Baghdadi, tué il y a quelques jours dans un raid américain, «a appelé les militants opérant en Afrique de l’Ouest à multiplier les attaques contre ‘‘la France croisée et ses alliés’’, ce qui soulève des préoccupations liées au terrorisme». Autre source d’inquiétude exprimée par l’ONU, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), «il y aurait une augmentation des mouvements de migrants et de la traite des êtres humains à destination de l’Europe». Nul besoin de rappeler que le Maroc avait déjà soulevé ce genre de dangers qui planent sur la région depuis plusieurs années. Il va sans dire, également, que l’enlisement de ce conflit qui a duré plus de 40 ans risque de peser davantage sur la sécurité de toute la région du Maghreb et du Sahel. Cela alors que (depuis 2007) le Maroc a mis sur la table une proposition «sérieuse, crédible et réaliste» et qui a connu une large adhésion de la communauté internationale.

Bien que son nom fait référence à un référendum, cette option n’est plus d’actualité.

En effet, n’en déplaise à l’Algérie et au Polisario, la nouvelle tendance au Conseil de sécurité indique que l’option du référendum n’est plus à l’ordre du jour. Dans sa résolution 2468 votée en avril dernier, le Conseil de sécurité parle d’une «solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, basée sur le compromis».

Sa mission est donc réduite essentiellement au contrôle du respect de l’accord du cessez-le feu. Ainsi, au 31 août, la composante militaire de la Minurso comptait 236 membres, dont 49 femmes, pour un effectif autorisé de 245 personnes. Du 1er mars au 31 août, la mission a effectué environ 427 913 kilomètres de patrouilles terrestres et 989 heures de patrouilles aériennes. La coopération entre les commandants des bases d’opérations de la Mission et les parties a été généralement satisfaisante. Au cours de la période considérée, 1 076 quartiers généraux, unités, sous-unités, places fortes et postes d’observation à l’est et à l’ouest du dispositif de sécurité ont fait l’objet d’un suivi mensuel, soit un total de 6 866 visites de contrôle par des patrouilles terrestres ou aériennes. Selon le rapport du Secrétaire général de l’ONU, la mission a cependant continué de se heurter à des obstacles dans l’exécution de ses activités, en raison des conditions générales de sécurité.

Les patrouilles nocturnes ont été, ainsi, interrompues. Pour des raisons de sécurité, les patrouilles terrestres à l’est du dispositif de sécurité ont été limitées à un rayon de 125 kilomètres autour des bases d’opérations. Le déploiement d’un troisième hélicoptère a permis à la Minurso d’accroître sensiblement le nombre de vols de reconnaissance aérienne et de combler de la sorte les lacunes des patrouilles terrestres, de couvrir une plus grande zone, d’augmenter la fréquence des patrouilles et de réduire celles des patrouilles terrestres qui sont les plus dangereuses et les moins efficaces. Rappelons que la Minurso a été créée par la résolution 690 (1991) du Conseil de sécurité en date du 29 avril 1991, suite à l’acceptation des propositions de règlement par le Maroc et le Front Polisario, le 30 août 1988. Elle compte actuellement un total de 486 membres dont 230 civils. Elle est financée au moyen d’un compte séparé approuvé annuellement par l’Assemblée générale. Son budget pour l’actuel exercice (juillet 2019-juin 2020) est d’un peu plus de 60,45 millions de dollars. Les Etats-Unis, la France, le Japon, l’Allemagne, la Chine et le Royaume-Uni sont les plus grands contributeurs à ce budget.

 

Ce qui se passe à El Guerguerat depuis quelque temps est très inquiétant. C’est le Secrétaire général de l’ONU qui l’affirme dans son rapport. L’augmentation du trafic commercial à travers la zone tampon et l’intensification des activités civiles menées pour l’entraver suscitent des tensions dans cette zone sensible. En effet, note le rapport, le 23 juillet, le Représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU, Omar Hilale, a écrit au Secrétaire général adjoint aux opérations de paix pour lui dire que les personnes qui bloquaient la route étaient des contrebandiers qui se faisaient passer pour des manifestants. Le Maroc, a-t-il affirmé, ne pouvait tolérer plus longtemps les entraves à la circulation des civils et des marchandises et informait le Secrétaire général-adjoint que le Maroc pourrait être amené à intervenir si les barrages routiers persistaient. Le Polisario, lui, vient, dans un geste complètement illogique, de demander à l’ONU la fermeture immédiate de ce passage frontalier entre le Maroc et la Mauritanie dans une lettre transmise en son nom par la Namibie.

Le Secrétaire général ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, le trafic commercial ne doit pas être interrompu dans cette zone. Pour ce faire, la Minurso a continué de suivre la situation de près à El Guerguerat par l’intermédiaire d’une patrouille quotidienne composée d’observateurs militaires des Nations Unies basés dans la zone. Elle est, d’ailleurs, intervenue de manière informelle à plusieurs reprises pour apaiser les tensions et rétablir la circulation, ainsi que pour aider des touristes étrangers bloqués dans la zone tampon. Mais cela reste insuffisant tant que l’autre partie continue à prendre en otage le commerce international à travers cette zone. Dans cette perspective, une évaluation spéciale des risques de sécurité de cette zone tampon est en cours. L’ONU envisage, en fait, de faire d’elle une cinquième zone de sécurité «en raison de l’augmentation des tensions, de l’absence d’autorité locale garante de la sécurité de la Minurso et de quelques manifestations d’agressivité envers le personnel non armé de l’ONU».

 

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Source : https://www.lavieeco.com/politique/sahara-une-conj...

Tahar Abou El Farah