Revue de la presse quotidienne internationale maghrébine du 29/05/2018

Mardi 29 Mai 2018

Tunis, - La suspension des négociations sur le sort du chef du gouvernement tunisien, la polémique suscitée par les tarifs des nouveaux documents biométriques sur fond de crise en Algérie et la grève dans le secteur de la santé en Mauritanie sont les principaux sujets abordés, mardi, par la presse maghrébine. 

Sous le titre "Impérieuse responsabilité", "La Presse de Tunisie" souligne que plus que jamais, la sagesse doit être de mise non parce que les discussions sur l'avenir de Carthage II ont été suspendues sine die lundi matin (signe très grave en lui-même), mais c'est parce que le présent et l'avenir de la Tunisie sont pleinement en cause.

Le constat, c'est que sur fond de continuation de divergences profondes entre les deux camps opposés quant au sort du chef du gouvernement en exercice, l'enjeu est devenu non le sort d'une personne ou d'un gouvernement mais un pays entier, explique-t-il.

Il note que la Tunisie avec tous les problèmes chroniques qu'elle endure depuis bientôt huit ans, n'en peut plus avec ces tergiversations qui font malheureusement descendre très bas le niveau des discussions politiques et envoient des messages franchement négatifs au peuple tunisien tout comme à l'étranger.

Pour sa part, "Le Temps", qui titre "Suspension du pacte de Carthage II: une lutte pour le pouvoir..usante", écrit que les signataires de ce document ne cessent d'étonner la galerie avec leurs errements, leurs divergences et leurs tentatives pour convaincre du bien-fondé de leur prise de décision, sans être sérieux dans leur démarche pour soit disant sortir le pays de la crise.

"En face, il y a tout un peuple qui désespère et qui ne voit pas le bout de tunnel, avec une dégradation au quotidien du pouvoir d'achat et appauvrissement de la classe moyenne surtout que l'Etat n'est plus capable de tenir ses engagements, même au niveau de la gestion des affaires publiques", poursuit le quotidien.

Il fait remarquer que le paysage que présentent les signataires du Document de Carthage est des plus désolants, avec un comité d'experts à qui "il a fallu plus de deux mois pour nous sortir un Document de Carthage II avec pas moins de 100 points à régler, au niveau politique, économique et social, pour les amputer par la suite de 35 points, relégués aux oubliettes, les réduisant à 65, à cause des divergences notamment sur le point 64 qui a fait déborder le vase".

Pour "Le Quotidien", il est vrai que le président Béji Caïd Essebsi s'est retrouvé entre le marteau et l'enclume et n'a pas pu nettement trancher entre les principaux antagonistes.

Il relève qu'il s'agissait de son propre fils, Hafedh Caïd Essebsi, devenu, l'une des pièces maitresses du paysage politique du pays et qui veut à tout prix la tête du chef du gouvernement, pourtant membre du même parti (Nidaa Tounès), et désigné par le fondateur de cette formation politique, et de son compagnon au pouvoir, cheikh ou le professeur Rached Ghannouchi, le leader d'Ennahdha qui lui, tient à garder Youssef Chahed à la tête de l'Exécutif.

La publication estime que le président tunisien a finalement préféré annoncer un "temps mort" pour gagner du temps et trouver le meilleur consensus possible qui ne lèse aucune des deux parties, ajoutant qu'entre-temps, le marchandage bat son plein entre les différents participants à ce manège .

Dans ce sens, elle fait savoir que Hafedh Caïd Essebsi s'est réuni avec les ministres "nidaïstes" du gouvernement Chahed comme pour les inciter à n'appliquer que les principes du parti et à revoir leur dévouement au chef du gouvernement.

Le journal ajoute que pour sa part, Rached Ghannouchi et le conseil de la Choura d'Ennahdha restent fidèles à leur tactique : Il vaut mieux aider Chahed à rester là ou il est, en contrepartie d'un remaniement qui les débarrasse de certains ministres "dangereux" dont, en premier lieu, le ministre de l'Intérieur.

Reste l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) qui souffle le chaud et le froid, note le quotidien qui explique que la centrale syndicale tient au départ de Chahed pour pouvoir mieux se positionner au moment de la formation du nouveau gouvernement.

Les autres journaux, dont "Echourouq", "Al Maghreb" et "Al Bayane", soulignent que la suspension sine die du Document de Carthage II au moment où tout le monde s'attendait à ce que le pays trouve une issue à la crise politique, ne fait que compliquer davantage une situation déjà inextricable.

Plongé dans une profonde léthargie, depuis plusieurs semaines au rythme des pourparlers autour du Document de Carthage qui s’est finalement focalisé sur le changement ou non du chef du gouvernement Youssef Chahed, le pays se retrouve aujourd’hui accusant un recul aux conséquences désastreuses, déplorent-ils.

Ils notent qu'au regard des difficultés économiques auxquels le pays est confronté, la prolongation de la crise politique accentuera davantage les problèmes et surtout ternira l’image de la Tunisie.

Dépendant des prêts et des investissements extérieurs pour sortir de la crise économique, la Tunisie a besoin de sérénité sur le plan politique pour rassurer ses partenaires et préserver sa crédibilité, insistent ces journaux, pour qui, les différentes parties du Document II auraient dû mettre leurs intérêts particuliers en sourdine en faisant prévaloir celui du pays et œuvrer à le sortir de cette situation difficile.

En Algérie, la presse se fait écho de la polémique suscitée par les tarifs des nouveaux documents biométriques annoncés par le gouvernement et contenus dans l'avant-projet de loi de finances complémentaire pour l’année 2018.

C’est ainsi que «Liberté» estime que c’est une lapalissade de dire que le gouvernement algérien manque d’imagination et il ne se prive pas de l’étaler à travers ses décisions, projets de loi et mesures qui ne cadrent même pas avec les objectifs de son programme.

Dans son éditorial intitulé «Gouverner par la sanction», le journal déplore que l’exécutif s’attaque au maillon faible de la société pour renflouer les caisses de l’État avec la même légèreté avec laquelle il a dépensé des années durant sans compter, sans souci aucun et pour les résultats que l’on sait.

«Et maintenant que le sou manque, il va le chercher là où il n’en reste que peu pour maquiller ses errements budgétaires. Là où la conjoncture incite à plus de pragmatisme, l’exécutif se livre à un exercice d’arithmétique qui le rapproche davantage des calculs d’épicier que pour conquérir un équilibre macroéconomique tout aussi hypothétique», souligne-t-il.

L’éditorialiste relève que la dernière trouvaille est de vendre les documents biométriques avec une marge bénéficiaire majorée plus que n’aurait osé un spéculateur sur les produits alimentaires. Alors qu’il est censé combattre ce phénomène, il l’accentue en donnant le mauvais exemple en imposant la réification du service public, s’indigne-t-il.

Et d’ajouter que paradoxalement, celui qui est le mieux indiqué pour le défendre, le ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui, s’est replié dans l’argumentaire de celui qui veut quitter le front pour laisser seul dans la tranchée le Premier ministre faire face aux salves de critiques.

Abondant dans le même sens, le quotidien arabophone «El Fadjr» retient qu’avec ce gouvernement et sa loi de fiances 2018, le voyage devient le projet de la vie comme l’est déjà l’accès au logement. Et il se trouvera, du genre du Secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbes, qui s’étonne des raisons de ces vagues de harragas qui quittent le pays où il «fait bon vivre».

Le journal indique que rien qu’en France, 10.000 Algériens en situation irrégulière sont interpellés annuellement et cela n’interpelle, outre mesure, aucun officiel, considérant le phénomène comme relevant de la petite délinquance confiée à la charge de la police.

Avec sa batterie de taxes, le gouvernement algérien donne l’air de légiférer par la sanction de la majorité des Algériens, estime-t-il.

Un point de vue que partage «Al Hayat» qui observe qu’alors que le Premier ministre Ahmed Ouyahia a affiché un ton ferme sur ce sujet, le ministre de l’Intérieur a choisi, lui, d’évoluer sur une position moins tranchée. Bedoui a, en effet, affirmé que les nouvelles taxes "sont toujours en phase d'étude au niveau du gouvernement" et qu’il ne s’agit, en définitive, que de propositions. 

«Les nouveaux tarifs de délivrance des documents biométriques sécurisés sont toujours au stade d'examen et d'étude de comparaison avec les expériences des autres pays», a-t-il dit, précisant que son département “s'attelle à la présentation de toutes ces données et à l'examen de l'ensemble des propositions en collaboration avec le ministère des Finances au niveau du gouvernement”. Donc, à en croire M. Bedoui, aucune décision n’est prise, contrairement aux affirmations d’Ahmed Ouyahia à ce sujet, relève la publication.

MAP