Relations russo-américaines : fortes tensions et divergences sans précédent sur les questions régionales et internationales

Mercredi 20 Décembre 2017

Moscou - Les relations russo-américaines ont été marquées, en 2017, par une forte détérioration et des divergences sans précédent tant au niveau bilatéral qu'à celui des questions régionales et internationales, entre autres, le conflit de la péninsule coréenne et la crise syrienne.


Ces divergences entre Moscou et Washington on été manifestes à tous les niveaux des responsabilités de la présidence aux parlementaires en passant par les gouvernements et ce, via de mutuelles accusations et sanctions politiques, économiques et médiatiques ou encore par les tentatives de chacune de convaincre d’autres pays de la justesse de ses positions tout en n’oubliant pas de "diaboliser" les approches des événements de l’autre.

Pour les experts russes, l’Administration Trump est devenue, depuis son investiture en novembre 2016, d’une "hostilité féroce envers Moscou" et a opté à traiter de manière "vigoureuse" et "emballée" les dirigeants russes en "lançant une campagne soudaine et agressive" débutée par la fermeture du consulat russe de San Francisco, ses missions commerciales à New York et Washington ainsi que la réduction des missions diplomatiques russes aux Etats-Unis, ce que Moscou a considéré comme une "humiliation", un "acte hostile" et une agression "flagrante" des symboles de l’Etat russe et une violation du droit international.

En représailles à ces mesures, "provocations" et sanctions imposées aux compagnies russes opérant dans les secteurs pétrolier et gazier, le président Poutine a décidé d’expulser 755 diplomates américains.

Selon l’expert russe Sivkov Konstantin, le durcissement des sanctions américaines contre les compagnies pétrolières et gazières russes ainsi que les industries lourdes priverait les géants russes "Gazprom" et "Rosneft" de l’obtention des prêts et technologies américaines et, par conséquent, auraient de grandes difficultés à réaliser leurs projets à l’instar du "Nord Stream" et "Turkish Stream".

Il n’y a nul doute, Washington "cherche à frapper l’économie russe, qui repose lourdement sur les revenus pétroliers et gaziers, en bloquant les projets russes à l’étranger et en excluant un concurrent direct sur le marché gazier d’Europe", a martelé Sivkov.

Les évolutions de la crise dans les relations russo-américaines ont été accompagnées d’un ressentiment des Européens à l’égard des Etats-Unis, qui portent un préjudice au continent et à ses liens avec Moscou et soulèvent plus d’une interrogation sur le fait de savoir si le président Trump envisage effectivement de fermer toute voie de normaliser les relations avec Moscou et sur les dommages causés à Washington par les mesures de rétorsion russes, a expliqué Viktor Mikhin.

Et d’assurer que la plupart des pays européens n’appuient pas les sanctions américaines contre Moscou mais certains pays tentent de satisfaire, d’une manière ou d’une autre, Washington, puisque l’Association européenne des entrepreneurs a annoncé qu’elle ne soutient pas de nouvelles sanctions contre la Russie qui provoqueront "des réductions importantes de la production et de l’emploi dans les secteurs touchés par les sanctions".

D’autre part, la crise de la péninsule coréenne a pris les allures de la principale controverse entre Moscou et Washington, cette dernière soutenant une solution militaire pour résoudre la crise et ne montrant aucune volonté de négocier avec Pyongyang.

Moscou, qui défend la solution politique via le dialogue et la désescalade entre les deux parties, a même établi une "feuille de route" pour une paix durable en Asie du nord-est aux côtés d’une solution de la crise nord-coréenne y compris l’élimination des armes nucléaires. Mais elle "n’a pas eu un écho positif" à Washington qui a persisté dans "ses démarches agressives et provocatrices" en menant des manœuvres conjointes avec le Japon et la Corée du Sud tout en agitant toujours le "va-t-en-guerre" et excluant les autres options.

Et parce que les divergences russo-américaines ont atteint un niveau de complexité sans précédent, les américains ont pris, en septembre, une série de mesures à l’encontre des médias russes opérant aux Etats-Unis, notamment "Russia Today" (R.T) et "Sputnik" accusés de "propagande" sur le sol américain, réclamant que "R.T america" s’enregistre comme "agent étranger", ce qui implique des restrictions supplémentaires et la fourniture d’informations personnelles sur ses employés, ses invités et ses collaborateurs et même jusqu’à son interdiction.

Des mesures que le président Poutine a dénoncées comme étant "en totale contradiction avec les valeurs démocratiques que les Etats-Unis prétendent défendre et soutenir et une violation flagrante de la liberté d’opinion et d’expression" et contre lesquelles les membres du Parlement russe (Douma et Conseil de la Fédération) ont unanimement insisté de riposter fermement en imposant des restrictions strictes à plusieurs médias américains opérant en Russie tels "Washington Post", "New York Times" et "Wall Street".

"La réaction des parlementaires russes est naturelle et justifiée, d’autant que l’activité des médias américains a longtemps soulevé de nombreuses questions des autorités russes", a déclaré, dans ce sillage, Nikita Daniuk, professeur à l’Institut russe des études stratégiques, expliquant que nombre de médias américains exerçant en Russie ont des liens avec des intermédiaires du Département d’Etat américain et de la Maison Blanche et traitent les événements selon les intérêts de Washington à tel point qu’ils portent, des fois, atteinte aux intérêts de la Russie et menacent directement sa sécurité nationale.

Et en application du principe de réciprocité, le président Poutine a promulgué, fin novembre, la loi classifiant les médias financés par des pays ou des organisations étrangères comme "agents étrangers" et les soumettant aux mêmes restrictions et obligations imposées aux ONG classées comme "agents étrangers".

Le ministère russe de la Justice a, ainsi, classé, dans ce rayon, neuf médias américains, dont la radio "Voice of America", "Radio Liberty", la chaîne "Nastuyashi Fremia", "Radio Free Europe" et "Faktograph".

Face à cette escalade mutuelle, il n’y a pas d’espoir à l’horizon d’un retour à la normale des relations russo-américaines, compte tenu notamment de la grande divergence des positions et des points de vue des deux pays sur la plupart des questions régionales et internationales. Ce qui semble clair est que son intensité ne va pas s’estomper maintenant et peut même s'amplifier dans les jours à venir.


MAP - Azzelarab Moumeni