Raquel Bitton, la fière diva marrakchie qui fait renaître de ses cendre l'âge d’or français en Amérique

Lundi 6 Mars 2017

New York - Chanteuse aux talents avérés, dotée d’une voix somptueuse, douce et toujours séduisante, et d’un engagement sans faille à l’art de grande qualité, Raquel Bitton, cette fière diva marrakchie, a réussi à redonner vie à l’âge d’or français, dont elle a dépoussiéré les plus belles chansons, en particulier le répertoire d’Edith Piaf, qu’elle présente avec beaucoup de grâce à un public américain heureux de retrouver l’élégance de la première moitié du siècle passé.


Raquel Bitton
Raquel Bitton
Arrivée, enfant, avec sa famille à San Francisco en 1970 depuis Marrakech, Raquel Bitton s’est frayée un chemin singulier dans le monde très compétitif du showbiz américain, où elle s’est démarquée par son interprétation prodigieuse de Piaf, à laquelle elle a consacré son spectacle phare, Piaf.. Her Story, Her Songs.

Mais si elle s’est fait connaître comme une interprète irremplaçable d’Edith Piaf, avec laquelle est a conquis le prestigieux Carnegie Hall, où les performances sont triées sur le volet, Raquel Bitton est catégorique: "Je n’imite pas Edith Piaf, ni la remplace". 

Dans sa première interview à la presse marocaine, accordée à la MAP, Raquel Bitton revient sur son parcours, son enfance, ses choix artistiques, et ses liens avec un Maroc qu’elle porte dans son coeur avec une énorme fierté, et dont elle a transmis l’amour à ses deux enfants.

À ce sujet, Raquel insiste: “nous sommes d’une très fière famille marocaine de six enfants”. C’est également d’une famille artistique que Raquel est issue, le cousin de son père étant l’artiste Sami Al Maghribi, le célèbre chanteur de la musique andalouse, connu depuis les années 50.

“Ce qui importe le plus, c’est cette fierté que nous avons d’être Marocains”. 

À l’âge de onze ans, encore au Maroc, Raquel se rappelle que, chaque vendredi soir, elle chantait au Casino de Marrakech, avec une voix “curieuse, disait-on, car très mûre pour mon âge. Les gens disaient que cette jeune fille chante comme une femme âgée”. 

Une fois à San Francisco, Raquel, dont le père est un passionné des chansons de l’âge d’or, s’est mise à “fouiller” ses archives. Elle tombe alors sur le trésor des chansons des années 20, 30 et 40, et c’est là que “je me suis rendue compte que ma voix appartenait à ce répertoire, et surtout aux chansons obscures qui racontaient le Paris de 1830”.

De fil en aiguille, Raquel commence à interpréter les voix sublimes de cette période. Edith Piaf était son choix de prédilection. “Pour moi, l’imitation n’existe pas. Je n’imite pas Edith Piaf. Je ne la remplace pas. Je fait honneur à ce répertoire qui lui appartenait”, tranche-t-elle.

Au fil de ses recherches, Raquel découvre que la grand-mère d’Edith Piaf était Marocaine. “On l’appelait Aicha. Elle venait des montagnes du Maroc. Et c’est de là qu’Edith a hérité la force et la passion de sa voix”.

En avançant dans sa carrière, Raquel Bitton écrit une pièce pour Le Ballet de San Francisco, qui regroupait 14 des chansons les plus inconnues d’Edith Piaf, comme Le Ballet des Coeurs, Le Diable de la Bastille, Le Boulevard du Crime.

En 1999, sort son spectacle phare, Edith Piaf.. Her Story Her Songs, avec lequel Raquel Bitton a rencontré un franc succès aux Etats-Unis et au Canada, accompagnée des grands orchestres symphoniques. Le spectacle fut plus tard adapté pour le grand écran. Elle a remporté le prix de la Classic Telly Awards, et reçu le prix spécial du jury pour “most moving film” au festival international de Fort Lauderdale.

À mesure qu’elle avance dans sa brillante carrière, Raquel Bitton se lance dans le jazz Afro-cubain. Elle reprend le répertoire du grand Tino Rossi, qu’elle a “habillé en afro-cubain, avec le plus grands musiciens de Cuba”. Deux discs ont été le fruit de cette fusion, d’abord Boleros, où elle chante en espagnol, en anglais et en français, et puis Le Rythme du Coeur, du pur “cuban-jazz”. “Ces deux discs ont d’ailleurs été pris par Sony Music, et c’était un très grand succès”, se réjouit-elle. 

En 2016, Raquel déménage à New York, où elle s’était déjà produite en 2002, 2003 et 2004 au prestigieux Carnegie Hall. “Je retourne à New York en 2016, avec le but de faire cette fois une pièce de théâtre racontant la vie et les chansons d’Edith Piaf, et qui sortira à la mi-2017”. 

La pièce, toujours en phase de finalisation, est intitulée: “Piaf, starring Raquel Bitton”. Elle est préparée avec de grands producteurs de Broadway, et co-écrite par Raquel Bitton et Gretchen Law. “Après Broadway, la pièce sera en tournée à travers les Etats-Unis”. 

Tout au long de sa carrière, Raquel a perçu un engouement remarquable du public américain, traditionnellement acquis au Jazz américain et aux chansons rythmée. “Ce phénomène s’explique par le fait qu’Edith Piaf avait une voix extraordinaire et inoubliable”, explique-t-elle. “Les Américains me disent toujours: 'On n’a pas besoin de comprendre ce qu’elle chante, on la ressent’”. 

Raquel Bitton croit à une “destinée” qui l’a préparée à interpréter Edith Piaf. “Son style avait beaucoup de ressemblance avec celui qui régnait dans le pays de ses grands-parents, le Maroc. Ses goualantes avaient tellement d’affinités avec le Melhoune, qui reflète le quotidien des gens”. 

Si elle interprète Edith Piaf, Raquel Bitton affirme qu’elle arrive toujours à laisser son emprunte. “Au-delà de la simple interprétation, il y a le reflet du sentiment de l’artiste que je suis, l’amour de ce que je fais et l’engagement personnel que j’y mets. Si mon orchestre est composé de 24 artistes, j’y suis le 25ème instrument”.

Revenant sur son enfance qu’elle dit “merveilleuse” au Maroc, Raquel se fait nostalgique. “C’était la cuisine marocaine, les mets que préparait ma mère, les couleurs de ce beau pays. Je me rappelle de ces discussions interminables que je tenais dans mon imagination chaque nuit avec les étoiles, et que venait embellir la voix du muezzin qui appelait à la prière”.

Elle dit garder du Maroc l’image d’un pays “fantastique et féérique”. Ses liens avec le Maroc n’ont jamais été rompus. “J’y vais chaque année. Et je garde des belles relations avec les artistes marocains, notamment la star internationale, Said Tagmaouti, et la star montant du melhoune, Nouhaila Elkalai”. 

Cet amour du Maroc, Raquel Bitton a pu le transmettre à ces deux enfants, Julien et Natalie. “Nés à San Francisco, ils se présentent toujours comme Marocains. Il y a quelques jours, Natalie a participé à une grande manifestation à New York contre l’interdiction des migrants originaires de pays musulmans. Elle mettait un T-shirt où était inscrit: +I AM MUSLIM+”.

MAP - Aziz RAMI