Mounir Mahjoubi sur l'affaire Facebook : "Nous ne pouvons tolérer que nos données puissent être transmises sans notre consentement"

Lundi 26 Mars 2018

22h45 , le 24 mars 2018, modifié à 16h10 , le 25 mars 2018

"Nous ne pouvons tolérer [...] que nos données puissent être, comme dans le cadre de l’affaire Cambridge Analytica, transmises par Facebook à des tiers sans notre consentement" : voici le message au géant américain du secrétaire d'Etat chargé du numérique Mounir Mahjoubi. Dans une tribune publiée dans le JDD, il indique que "les plateformes ont une responsabilité engagée dans le respect de notre intimité numérique" : "C’est ici qu’intervient le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD), qui entrera en vigueur en mai prochain et imposera des amendes massives en cas de pratiques de ce type."

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Gain de temps mais pratiques discutables

"L'actualité de ces derniers jours l'a rappelé : la révolution numérique s'est accompagnée de l'émergence de nouveaux acteurs dont les actions ne peuvent nous laisser indifférents. Communément appelés "plateformes", ce sont des moteurs de recherche, des sites de mise en relation, des interfaces de vente en ligne ou encore des réseaux sociaux, qui ont pour particularité d'interagir avec des millions voire des milliards d'utilisateurs. Leurs noms nous sont désormais familiers : ils sont américains (Amazon, Facebook, Google), chinois (Alibaba, Baidu) et, trop peu souvent, européens (Cdiscount, Zalando).

Ces plateformes, nous les aimons : elles nous font gagner du temps, mettent une multitude de choix à portée de nos clics, peuvent favoriser l'accès à l'information ou encore nous permettent, même à des milliers de kilomètres de distance, de maintenir des liens fréquents avec nos proches. Elles sont devenues incontournables à l'échelle internationale. Pour autant, ces acteurs nous attirent tout autant qu'ils nous interrogent voire, parfois, nous indignent : pratiques d'optimisation fiscale, modifications de tarifs sans sommation et usage contesté des données personnelles sont autant de critiques qui leur sont adressées.

Dans ce contexte, il est important de travailler, sans diabolisation ni naïveté, à l'établissement d'une vraie responsabilité des plateformes. Ou plus précisément, de la triple responsabilité des plateformes : la responsabilité économique, la responsabilité sociale et la responsabilité sociétale. C'est ce que fait le gouvernement, en agissant résolument sur ces trois fronts.

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Nous ne pouvons plus accepter un monde dans lequel les géants du numérique amassent des milliards de bénéfices mais paient si peu d'impôts

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En matière économique tout d'abord, nous ne pouvons plus accepter un monde dans lequel les géants du numérique amassent des milliards de bénéfices mais paient, sur nos territoires, si peu d'impôts. C'est là tout l'objet du projet de taxe sur le chiffre d'affaires porté par le président de la République avant son élection, et qui a conduit à une proposition présentée en début de semaine par la Commission européenne. Les discussions avec nos pays partenaires les plus impactés sont intenses, mais elles sont décisives et l'année 2018 sera charnière.

L'autre enjeu économique, c'est celui de l'équilibre de la relation entre les plateformes et leurs clients, notamment les TPE et les PME. Il s'agit d'une préoccupation forte, qui a justifié en France des actions judiciaires récentes à l'encontre d'Amazon, Apple et Google, pour pratiques commerciales abusives. Cette préoccupation est aussi au cœur de notre demande de règlement européen, attendu pour avril, en faveur de la transparence et de la loyauté de ces acteurs. De plus, à l'heure de l'économie des données, la question de l'accès à celles réunies par les plateformes doit être posée. Ainsi, est-il normal que les pouvoirs publics ou des start-up ne puissent accéder, sous un format agrégé, bien sûr, et avec de justes compensations, aux informations brutes amassées par ces entreprises, dès lors qu'un objectif d'intérêt général est poursuivi (par exemple, optimiser un service public de transport – la fréquence d'un bus, le tracé d'une ligne de tramway – grâce à l'analyse de données entrées sur Google Maps ou sur Waze)?

En matière sociale aussi, les activités des plateformes interrogent. Elles peuvent favoriser l'insertion professionnelle de publics éloignés de l'emploi, et cela doit être clairement salué, mais elles soulèvent de nouvelles questions : par exemple, quelles possibilités de dialogue social pour les travailleurs qui entretiennent une relation régulière avec une plateforme donnée? Nous devons mieux accompagner ces personnes, dans leur présent et pour leur développement professionnel futur. C'est le sens du dialogue initié avec la ministre du Travail et les plateformes depuis l'automne dernier, et nous le poursuivons.

Une responsabilité dans l'"intimité numérique"

En matière sociétale enfin, l'activité des plateformes n'est pas neutre. Longtemps a prévalu l'idée selon laquelle elles étaient soit des éditeurs, dès lors pleinement responsables des contenus présentés, soit de simples hébergeurs. Or, aujourd'hui, cette logique n'est plus tenable. Sans être des éditeurs, certaines plateformes brassent en effet des volumes d'informations tels que leur rôle devient pivot pour, notamment, retirer dans les plus brefs délais des contenus terroristes ou encore lutter contre la manipulation de l'information. C'est pourquoi nous avons promu une proposition de loi sur ce dernier sujet ou encore lancé, à l'initiative du président de la République, une mission sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme sur Internet.

Par ailleurs, les plateformes ont une responsabilité engagée dans le respect de notre intimité numérique. Nous ne pouvons tolérer en effet que nos données puissent être, comme dans le cadre de l'affaire Cambridge Analytica, transmises par Facebook à des tiers sans notre consentement. C'est ici qu'intervient le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD), qui entrera en vigueur en mai prochain et imposera des amendes massives en cas de pratiques de ce type. Sur l'ensemble de ces sujets, le gouvernement est déterminé. Nous avançons, dans un plein dialogue avec les plateformes et sans oublier, bien sûr, les indispensables volets offensifs de notre action."



Source : http://www.lejdd.fr/medias/internet/mounir-mahjoub...