Limiter sa production, arme à double tranchant pour l'Opep

Mardi 3 Mars 2020

Londres - L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) joue de l'ouverture plus ou moins grande de ses robinets d'or noir pour influencer les cours du brut, au risque de perdre en influence sur le marché mondial.


Les dernières coupes en date, décidées lors de la précédente réunion interministérielle début décembre à Vienne, représentent un volume de 500.000 barils par jour (b/j) en moins, à se partager entre les différents membres et leurs partenaires unis par l'accord Opep+.

L'Arabie saoudite, en qualité de chef de file du cartel, en assume à elle seule un tiers (167.000 b/j), soit davantage que les trois suivants, les Emirats arabes Unis (60.000 b/j), le Koweït (55.000 b/j) et l'Irak (50.000 b/j) additionnés. Le royaume a même ajouté à son quota un autre 400.000 b/j "volontaire".

Moscou, associée à l'Organisation via l'accord Opep+, est quant à elle plus réticente et dispose d'une restriction plus réduite de 70.000 b/j, malgré un niveau de production légèrement plus élevé que Ryad.

La crédibilité de l'Organisation et l'efficacité de ses décisions reposent aussi sur la capacité de chacun de ses membres à tenir ses engagements, l'Arabie saoudite ne manquant pas de rappeler à l'ordre les mauvais élèves qui dépassent leurs quotas, comme en septembre le Nigeria et l'Irak.

Mais la politique de limitation de la production a son point faible: devant une offre croissante des pays non membres de l'Opep, dont les Etats-Unis qui ne se privent pas de pomper à des niveaux records, elle restreint la part de marché du cartel et son emprise sur le marché mondial de pétrole.

"Acter de nouvelles coupes dans la production est un véritable casse-tête pour l'Opep qui a récemment vu sa part de marché tomber à un niveau historiquement bas de 35%" avertit Ipek Ozkardeskaya, analyste chez Swissquote Bank.

Tous les pays membres du cartel ne participent pas à l'effort commun: ainsi l'Iran, le Venezuela et la Libye en sont tout simplement exemptés, leurs situations politiques et économiques internes étant déjà des fardeaux jugés suffisants par leurs partenaires.

Ils n'ont d'ailleurs pas eu besoin de quotas pour assister à la chute de leur production. Téhéran, sous le coup des sanctions américaines, a par exemple vu sa production baisser de 40% en deux ans. Tripoli subit une division par dix depuis plusieurs semaines du fait des blocages des terminaux pétroliers par les forces loyales au maréchal Haftar, dans l'est du pays.

Mais là encore, un retour à la normale des exportations libyennes, de même qu'un hypothétique assouplissement des embargos sur le pétrole vénézuélien ou iranien sans relance de la demande au moins équivalente, pourrait forcer le cartel et ses alliés à de nouvelles diminutions de la production et fragiliser l'entente sur le juste partage de celles-ci.

AFP