Le mécanisme de l’exception d’inconstitutionnalité : Une consolidation des libertés individuelles au Maroc

Mercredi 3 Avril 2013

Le Royaume du Maroc appartient à une région où les droits de l’Homme et les libertés individuelles font malheureusement l’objet de violations récurrentes. Ainsi, la situation régionale est des plus préoccupantes où l’instabilité laisse craindre une probable faillite d’un système étatique centralisé.

Pourtant, dans ce paysage d’instabilité, le Maroc fait figure d’exception. S’il est vrai que son passé connaît des zones d’ombre sur la question des droits de l’Homme, le chemin désormais emprunté sur la voie de la démocratisation est à l’opposé de celui dans lequel s’enferme son voisinage immédiat. Ainsi, le Royaume du Maroc a choisi de se développer par la consolidation des droits individuels et des libertés fondamentales de sa population. Cette démarche qui ne peut, intrinsèquement, s’inscrire que dans la durée, a connu plusieurs étapes. La mise en place de l’Instance Equité et Réconciliation a eu pour objectif de faire table rase du passé et de faire l’évaluation de la situation des droits de l’Homme au Maroc. Après cela, il a fallu doter le Royaume d’une plateforme de référence qui guidera et orientera les réformes démocratiques du pays. La nouvelle Constitution de 2011 remplit parfaitement ce rôle. Enfin, pour s’assurer de l’effectivité imprimant une telle démarche de réforme démocratique, il a fallu mettre en œuvre des mécanismes de suivi crédibles et indépendants. Il s’agit en la matière de l’un des rôles fondamentaux du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH).

Cette dernière institution a confirmé toute la légitimité qui est la sienne de prendre part pleinement au processus de réformes démocratiques du Maroc. Ainsi, dans un rapport qu’il a remis au souverain marocain en application de l’article 24 du dahir portant sa création, le CNDH propose des modalités de fonctionnement à l’important mécanisme d’« exception d’inconstitutionnalité » qui constitue un outil de protection des libertés individuelles.

En effet, une des conditions nécessaires à la promotion des droits de l’Homme et des libertés individuelles est la protection de ceux-ci par le système judiciaire. Dans ce cadre, la notion de sécurité juridique, qui garantit aux populations la cohérence de l’ensemble du corpus normatif auquel elles sont soumises, revêt une importance cruciale. Considérant que le cadre normatif suprême d’un Etat est la Constitution, et que les libertés fondamentales y sont gravées, la  constitutionnalité des lois et le contrôle de celles-ci sont capitaux.

Le mécanisme appelé « exception d’inconstitutionnalité » met une partie du pouvoir de  contrôle entre les mains du peuple. Concrètement, chaque individu se voyant opposer une loi votée et promulguée a le droit de soulever l’exception d’inconstitutionnalité s’il considère qu’elle contrevient à la lettre ou à l’esprit de la Constitution. Dès lors, le juge en charge du contrôle fait face à une question préjudicielle qui gèle l’action judiciaire en cours, ainsi que ses effets, jusqu’à vérification de la constitutionnalité de la loi en question. Ce mécanisme permet de prévenir non seulement l’arbitraire du système juridique, mais aussi, les excès du législateur. Un tel mécanisme n’est pas facile à mettre en place car il peut conduire à une lenteur excessive de la justice par la multiplication de manœuvres visant à entraver son action. La France, berceau des libertés fondamentales occidentales, n’a mis en place ce mécanisme que durant l’année 2009. Ce qui illustre le degré de complexité qui est le sien.  

Le Maroc, porté par son évolution institutionnelle qui s’inscrit dans la stabilité du régime, semble démontrer sa maturité politique à travers son choix de mettre en œuvre ce mécanisme de protection des libertés individuelles.

Pascal Fritscher
Spécialiste de la politique étrangère des Etats-Unis d’Amérique


Pascal Fritscher