Le Maroc et la France face au printemps arabe

Jeudi 5 Avril 2012

Les événements du printemps arabe ont eu le mérite de remettre en cause certaines certitudes européennes et notamment françaises sur le monde arabe et maghrébin plus particulièrement. En ce qui concerne la France, il était tout à fait normal que les pouvoirs publics de cet Etat aient été brusqués par ce mouvement rapide de l’histoire. Cette hésitation n’a cependant pas duré longtemps. Elle a laissé la place à un positionnement clairement établi autour d’une vision réaliste qui allie la défense des valeurs de démocratie et des droits de l’Homme et la nécessité de prémunir tout le pourtour méditerranéen des risques d’insécurité.

Il faut dire d’ailleurs que, dans certains cas, le printemps arabe a été accompagné de ruptures violentes qui ont légitimement suscité l’inquiétude. La guerre civile en Libye et en Syrie, l’émergence du salafisme djihadiste en Tunisie et en Egypte ne pouvaient qu’amplifier les craintes occidentales d’une probable déviation des aspirations légitimes des peuples arabes conduisant à compromettre les chances de faire de la Méditerranée une région de paix et de stabilité.

La trajectoire singulière suivie par le Maroc dans le sillage du Printemps arabe constitue la meilleure réponse à cette équation qui s’était vivement posée : comment les Etats arabes peuvent accéder à l’universalisme démocratique sans une déstructuration des équilibres géopolitiques et sociaux susceptibles de constituer une menace réelle sur les pays de la région ? En effet, en choisissant d’inscrire la réforme de l’Etat dans le cadre d’un processus durable, guidé par une autorité politique et morale qui suscite l’unanimité, à savoir la Monarchie, le Maroc a pu faire de la démocratisation un élément d’ancrage de l’Etat nation et non le contraire. La France a d’ailleurs, à plusieurs occasions, salué le modèle marocain de démocratisation qui se base notamment sur la continuité et la durabilité, mais surtout qui fait de la modernité un socle fondamental des réformes. Ainsi, lors d’une conférence de presse ayant eu lieu à Rabat, le jeudi 4 avril 2013, le président François Hollande a affirmé que « le Maroc n’a pas connu le printemps arabe, il l’a anticipé ». 

Ce socle moderniste fait défaut dans les différents cas de transition consécutifs au Printemps arabe. Le Maroc a fait de l’ancrage des valeurs de modernité un élément non négociable et sur lequel aucun retour n’est possible grâce notamment aux acquis historiques et aux garanties offertes par le système monarchique. 

Dès lors, la France se doit de soutenir davantage ce modèle marocain qui présente une chance pour sortir les transitions arabes des méandres de la régression. Il est vrai que chaque Etat a sa propre trajectoire historique, mais il est autant vrai que quelques-uns peuvent constituer une source d’inspiration et livrer la preuve de la pertinence de leurs choix. La France a tout intérêt également à continuer à soutenir toutes les initiatives qui visent à ancrer les sociétés sud-méditerranéennes dans un modernisme qui leur est propre, c’est-à-dire respectueux de leurs propres valeurs. 

Khalid Ben Fadel

Chercheur en relations internationales


Khalid Ben Fadel