Le Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger : Le fond et l’embrouille

Vendredi 12 Janvier 2018

Qu’il soit dit de prime à bord, vertement et une fois pour toute, le CCME est un acquis institutionnel et un bien commun de tous les MRE. La seule bonne idée qui vaille aujourd’hui se résume en quelques mots : rendre effectif l’article 163 de la Constitution de 2011, dans le sens de sa consolidation et sa pérennisation. Toute manœuvre qui viserait à le discréditer, à l’affaiblir pour mieux le domestiquer est pour le moins inadmissible, nulle et non avenue.

Trêve donc de balivernes. Les subterfuges politiciens et les calculs partisans de bas étage ne prennent plus, personne n’est dupe. Les chamailleries, les attaques personnalisées et ciblées qui polluent les débats, et les stratégies d’embrouille qui emplissent les réseaux sociaux d’accusations infamantes et de vociférations, ne font que grossir les rangs des déçus et confirmer une chose : les MRE n’ont pas les représentants qu’ils méritent et qu’exigent les circonstances actuelles et les défis du moment que compte relever le pays.

Allons donc plutôt au fond des choses, car les MRE, qui ont bu le calice de l’humiliation et des promesses non tenues (2005, 2011) jusqu’à la lie, méritent mieux. Ils aspirent à des politiques publiques ambitieuses et prospectives, à des débats sérieux qui respectent leur intelligence et à une représentation institutionnelle juste et effective. Cette manière dont leurs affaires sont abordées et cette perception déformante de leur intérêt pour la chose publique et les institutions qui leurs sont dédiées, sont vraiment déplorables. Elles sont, à ne pas en douter, la source de déception et motif de colère. Et il y a vraiment de quoi être furieux lorsqu’on voit, on lit ou on entend, ce qui se trame dans les officines partisanes comme manœuvres et tentatives d’appropriation et de contrôle des instances énumérées dans le Titre XII (De la bonne gouvernance) de la Constitution de 2011, notamment celles dédiées à plus de cinq millions de marocains. Cela sans leur avis ni leur consentement.

Que ceux qui s’agitent aujourd’hui, ces vertueux de la dernière heure, qui prétendent vouloir remettre de l’ordre dans la maison CCME, daignent répondre à ces questions simples :  
  • Quelles initiatives et quelles idées « géniales et prometteuses » ont-ils produit pour débloquer la situation et pour mériter la confiance des MRE et l’honneur qui leur a été fait en 2007 ?
  • Ont-ils satisfait à cette condition essentielle que SM le Roi a évoquée dans le discours de novembre 2005 à savoir : « leur implication remarquable dans la défense des droits des immigrés marocains et des intérêts supérieurs de la nation… » ?
  • Quel est réellement le degré d’implication de chacun d’entre eux, surtout les encartés politiquement, dans la promotion des droits civiques des MRE, au moins depuis 2011 ?
  • Quelle posture et signe de solidarité tangible ont adoptés ces mêmes membres, lorsque l’un d’eux (Pays-Bas) a décidé, en son âme et conscience, avec courage, de démissionner du CCME ?
 
Et pourtant, ce n’est pas le temps qui leur manquait ; dix longues années sont passées et tant d’opportunités gâchées. Même la question de la représentation institutionnelle des MRE, qui d’ailleurs, a été magistralement réglée en 2005 par le Souverain Chérifien, et élevée au rang de la Constitution en 2011 (Articles 16-17-18-163), n’a pu franchir le moindre pas grâce à eux.

Que ceux qui ont la mémoire courte se souviennent du discours royal de novembre 2005. Le Souverain n’a-t-il pas annoncé en des termes limpides des idées judicieuses en la matière « en application du principe de l'égalité dans la citoyenneté » ? SM le Roi est même allé, dans la confirmation de ce principe de l’égalité, plus loin que ce que les MRE escomptaient : élargissement du champ de leur représentation : « Notre volonté de répondre aux aspirations légitimes de nos citoyens résidant à l'étranger, Nous dicte d'aller au-delà de cet objectif, en ouvrant devant eux tous les espaces et toutes formes de participation » a-t-il précisé.

Le tout couronné par une « quatrième décision » royale qui est celle de la création sous la présidence de SM le Roi, d’un CSCM (Conseil Supérieur de la Communauté marocaine à l'étranger), « constitué de façon démocratique et transparente, et bénéficiant de toutes les garanties de crédibilité, d'efficience et de représentativité authentique ».
 
Douze ans après le discours de 2005 et dix ans après la création du CCME en 2007, les MRE sont, par conséquent, en droit de s’interroger sur les raisons de fonds qui ont empêché la concrétisation des instructions royales clairement signifiées dans différents discours depuis 2005. Ils sont en droit de demander des comptes à tous les partis qui ont participé à des majorités en charge de la gestion du pays depuis 2011. Qu’ont-ils fait de concret pour sortir la question de la représentation politique et institutionnelle des MRE des labyrinthes des commissions parlementaires ?

Somme toute, la trajectoire, les vicissitudes et les insuffisances, qui ont marqué les dix années de vie du CCME, ainsi que les mérites et les efforts des uns et des autres, membres comme dirigeants, méritent en effet d’être soumis à une évaluation prompte, juste et sérieuse. Après cela « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » (Evangile Jean ch. 8 à 14).  
 
Pour aller un peu plus loin dans ce registre d’examen des responsabilités et d’évaluation des efforts et des bilans, une dernière question mérite d’être posée pour boucler la boucle : qu’ont fait de notable les partis politiques qui manœuvrent actuellement pour faire main basse sur le CCME, pour sortir de la difficulté où se trouvent :
  • Les marocaines honteusement exploitées, humiliées voire retenues contre leur volonté dans des pays du Golfe, par ailleurs considérés comme « frères » ;
  • Les marocains séquestrés dans les geôles libyennes, dont certains sont vendus comme du bétail sur les places publiques ;
  • Les enfants mineurs marocains qui couchent sous les ponts parisiens ou errent dans les rues en Allemagne et en Italie ;
  • Les MRE humiliés à Melilla par la Guardia Civil et les marocaines battues et écrasées aux portes de Sebta.
C’est à ces questions qui engagent l’image du pays, le destin et la vie même de milliers de marocains démunis, toutes générations confondues, éparpillés à travers les Continents, qu’il convient de se consacrer urgemment et sérieusement.
Quant aux basses manœuvres partisanes, politiciennes et dilatoires, quant aux débats stériles qui restent à la surface des choses, les MRE n’en ont que faire, ils en ont même assez.
 
Mohammed MRAIZIKA
Docteur en Histoire (EHESS-Paris)
Diplômé de Philosophie Morale et Politique (Sorbonne IV)
Chercheur en Sciences Sociales/ Consultant en Ingénierie Culturelle

Mohammed MRAIZIKA