La profondeur historique des relations maroco-africaines

Vendredi 15 Mars 2013

La profondeur des relations maroco-africaines n’est pas à démontrer. Tel un arbre dont les racines plongent en Afrique, selon une formule bien consacrée, le Maroc est culturellement une terre de brassage civilisationnel, dont les confluences sont multiples et se nourrissent de plusieurs sources.

La Constitution marocaine de juillet 2011 n’a pas manqué de rappeler la dimension africaine du Maroc. Elle dit d’emblée vouloir « Consolider les relations de coopération et de solidarité avec les peuples et les pays d’Afrique, notamment les pays du Sahel et du Sahara ».

L’histoire renseigne, en effet, que les relations entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne sont multiséculaires. L’islamisation d’une bonne partie de l’Afrique noire a été le fait de l’empire chérifien. Qui plus est, le Maroc continue à œuvrer en faveur d’un Islam tolérant en Afrique. La confrérie Tidjaniya a une influence subrégionale certaine. Le Royaume s’investit également dans des projets de construction de mosquées dans plusieurs pays subsahariens, dont le Sénégal, le Mali et le Niger. L’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), créée sur une initiative marocaine, constitue l’un des espaces de solidarité religieuse entre le Royaume et les pays de l’Afrique musulmane.

Sur le plan de l’action politique, le Maroc a été membre fondateur de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1963. En effet, il a été l’un des membres actifs du groupe de Casablanca qui envisageait la création d’une organisation continentale de type confédéral, au moment où le groupe de Monrovia mettait davantage l’accent sur l’unité économique du continent. Feu le Roi Mohammed V était l’un des fervents défenseurs du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de la lutte anticoloniale, actions d’ailleurs qui lui ont valu deux ans d’exil à Madagascar avec le reste de la famille royale. En outre, il a été l’un des fondateurs du Mouvement des non-alignés dont beaucoup de leaders africains se sont inspirés à l’instar de Léopold Sédar Senghor, Kwame Nkrumah, Ahmed Sékou Touré ou encore d’Houphouët Boigny. Une indépendance certes dans l’interdépendance lorsque l’on sait que les pays africains francophones ont maintenu des relations de coopération denses avec la France, ancienne puissance coloniale.

Le Maroc œuvre encore à faire de ses relations avec les pays de l’Afrique subsaharienne, dont le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Gabon, un modèle de coopération sud-sud. Les deux premiers font partie aussi bien de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) que de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Or, depuis quelques années, le Maroc mène des pourparlers avec ces deux groupements subrégionaux en vue de la conclusion d’accords de coopération économique qui évolueront peut-être vers des accords de libre-échange. Lors de la récente crise du Mali, le Royaume a apporté un soutien politique à l’action de la CEDEAO visant à recouvrer l’intégrité territoriale de ce pays.

L’action du Maroc en faveur des pays africains revêt aussi des dimensions concrètes. Lors du sommet titré, « Europe-Afrique », tenu au Caire en l’an 2000, le Roi Mohammed VI a pris une décision courageuse visant à annuler la dette des pays les moins avancés africains à l’égard du Maroc.

Plusieurs modèles de partenariat économique ont fait leur preuve dans les relations du Maroc avec les pays africains et ce, dans divers domaines dont le transport aérien, l’extraction minière, le bâtiment ou encore l’expertise. En matière d’enseignement, le Royaume s’investit, depuis les années 1980, dans la formation de milliers d’étudiants africains à travers l’Agence marocaine de coopération internationale. De même, plusieurs cadres administratifs africains ont poursuivi leurs études au Maroc, en formation initiale ou complémentaire. En outre, plusieurs élèves-officiers africains sont formés au sein des diverses Académies militaires du Royaume. On soulignera également que le Maroc a mis à contribution son expertise technique et financière en vue du redressement de la Banque africaine de développement.

Ce n’est pas la première fois que le Roi Mohammed VI effectue une visite dans les pays africains avec qui le Royaume a tissé des liens de coopération très étroits. L’actuelle visite revêt néanmoins une connotation particulière, du moins pour le Sénégal et la Côte d’Ivoire, deux pays qui ont connu en 2011 et en 2012, respectivement, des élections ayant porté au pouvoir deux nouveaux présidents, Macky Sall et Alassane Ouattara. La visite qu’entame le Roi Mohammed VI au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon à partir du 15 mars 2013, sera donc l’occasion de raffermir les liens politiques, économiques et culturels avec ces pays qui comptent aussi des communautés marocaines assez importantes. Elle ouvrira aussi de nouvelles perspectives en matière d’approfondissement de ces relations dans un contexte régional en mutation. Ainsi, même si le Maroc s’est retiré en 1984 de l’OUA dans les circonstances que chacun sait, cela ne l’empêche pas d’œuvrer en faveur de la solidarité africaine. C’est ainsi qu’il contribue activement aux divers fora liant l’Europe à l’Afrique, la Chine à l’Afrique » et le Japon à l’Afrique. Il est aussi membre de certaines organisations subrégionales africaines comme la Communauté des Etats Sahélo-Sahariens (CENSAD). Il promeut pareillement, depuis quelques années, une action visant à fédérer les pays africains riverains de l’Atlantique. D’où le rôle moteur joué par le Maroc en vue de l’intégration des divers pays de l’Afrique, un continent qui a été victime de plusieurs morcellements préjudiciables à son unité.

Zakaria Abouddahab
Conseiller au Centre d’Etudes Internationales


Zakaria Abouddahab