Les autorités marocaines, elles, assurent que le procès s’est tenu conformément aux normes de la justice internationale, en présence d’observateurs indépendants et de médias.
A l’issue d’un procès fleuve de neuf mois, le leader du mouvement Nasser Zefzafi et trois de ses compagnons ont été condamnés mardi soir à Casablanca à 20 ans de prison pour « atteinte à la sécurité de l’Etat ».
Jugés avec eux, 49 autres militants ont écopé de peines comprises entre un et quinze ans de prison. Les charges retenues vont de « tentatives de sabotage, de meurtre et de pillage », à « réception de fonds destinés à une activité de propagande » en passant par la « participation à l’organisation de manifestations interdites ».
Les prévenus ont boycotté les dernières audiences en dénonçant dans une déclaration commune la « partialité de la justice ».
Après le verdict, leurs proches ont quitté le tribunal en criant leur colère et en scandant « vive le Rif », en référence à la région historiquement frondeuse et marginalisée du nord du Maroc, qui a vu naître le « Hirak » suite à la mort en octobre 2016 d’un vendeur de poissons, broyé dans une benne à ordures.
« Simulacre de justice », a tweeté l’Association marocaine des droits de l’Homme, tandis qu’Amnesty International appelait dans un communiqué à « annuler le verdict de culpabilité du procès injuste du Hirak ».
Une pétition lancée sur Internet pour « une loi d’amnistie générale des citoyens condamnés dans les procès du #Hirak #Rif », a enregistré 2.900 signatures en quelques heures.
Mercredi, quelques centaines de manifestants se sont rassemblés devant le Parlement à Rabat, brandissant des photos de Zefzafi, des banderoles « Liberté pour les détenus du Hirak » et des drapeaux berbères, et scandant des slogans contre « la corruption ».
Sur Facebook, des milliers de personnes ont remplacé leur photo de profil par un fond noir, avec des commentaires sur la « honte » ressentie face à cette « injustice », comparant les peines avec celles plus « clémentes » prononcées contre les « pédophiles » et les « criminels ».
Certains ont pointé un « retour vers les années de plomb » marquées par les exactions commises sous le règne de l’ancien roi Hassan II, entre les années 1960 et 1990.
Des appels à la grève générale circulent sur les réseaux sociaux, avec des images de commerces fermés, mais il est difficile d’évaluer l’impact du mot d’ordre.
Dans la nuit de mardi à mercredi, des rassemblements ont eu lieu à Al-Hoceïma -épicentre du mouvement- et dans la cité voisine d’Imzouren, où un collège a été incendié, selon des médias locaux.
Les autorités locales ont confirmé à l’AFP qu’un collège avait brûlé dans la nuit, en indiquant « ne pouvoir se prononcer sur le lien entre l’incendie et les sentences ». Les manifestations de la nuit se sont limitées à des « sorties isolées », à l’exception d’un rassemblement de « moins de 80 personnes » à Al-Hoceïma, réunissant la famille d’un détenu et ses voisins, selon cette source.
« Le verdict renvoie un message très clair: la justice ne peut pas tolérer des actes qui portent atteinte à la sécurité de citoyens et la stabilité de l’Etat », a souligné l’universitaire marocain Mohamed Benhamou, joint par l’AFP.
« J’ai espoir que les peines prononcées en appel seront plus justes », a commenté le ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme, Mustapha Ramid sur un site d’information.
Sollicité pour un geste de clémence, le Premier ministre marocain Saad-Eddine El Othmani a affirmé que « la justice est indépendante du gouvernement » et qu’il « faut attendre la phase d’appel, c’est le processus judiciaire ».
« Je souhaite qu’aucun Marocain n’aille en prison », a-t-il écrit sur son compte personnel Twitter en réponse à un tweet.
Les peines, « très sévères, ne correspondent pas aux acquis de notre pays dans le domaine des droits de l’Homme », a estimé Hakim Benchemach, président de la Chambre des conseillers et secrétaire général du PAM, principal parti d’opposition. Il a aussi regretté « les dégâts matériels et les blessés » parmi les forces de l’ordre qui ne faisaient « que leur devoir national ».
AFP
Source : https://www.lalettre.ma/2018/06/27/indignation-au-...