Gdeim Izik : Un devoir de mémoire

Vendredi 15 Février 2013

Gdeim Izik : Un devoir de mémoire

A l’aube du 8 novembre 2010, les premières lueurs de soleil éclairaient déjà les tentes obstinément campées à Gdeim Izik, dans la banlieue de la ville marocaine de Laâyoune. On n’imaginait guère que cette journée était différente du quotidien paisible de la population locale et qu’elle restera durablement gravée dans leur mémoire. Soudainement, un avertisseur sonore provenant d’un hélicoptère de la Gendarmerie royale appela les protestataires, dont la majorité était formée de femmes et jeunes enfants, à évacuer le campement vers des véhicules de transport public stationnés à une dizaine de mètres près.

Au fur et à mesure que les manifestants s’exécutaient à un appel devenu persistant, les infiltrés séparatistes à l’intérieur du campement, qui croyaient pouvoir l’éterniser, tombèrent dans un réel désarroi et déchargèrent ainsi leur haine à l’encontre des forces de l’ordre qui reçurent ainsi des coups de pierre intensifs. Extrêmement agités, les infiltrés séparatistes étaient passés à des formes d’action plus violente, privilégiant désormais des armes blanches de toutes sortes.

Les sirènes accolées aux véhicules de police émettaient leur ultime alerte, prédisant une intervention imminente. Ce fut une alerte étourdissante, ainsi qu’elle devait anticiper un drame. Les forces de l’ordre dirigeaient leurs canons à eau contre les protestataires armés encore regroupés devant le campement évacué. Etaient-elles conscientes que cette opération n’avait rien des exercices routiniers de dispersion des manifestants ? Savaient-elles que leurs seules matraques conventionnelles ne suffisaient pas à venir à bout d’une barbarie sans précédent ? Imaginaient-elles que des tentes muettes et reposantes allaient dissimuler un sort aussi terrible ?

Les protestataires armés n’avaient eu de cesse d’attaquer les forces de l’ordre de pierres et de cocktails Molotov. Pis, ils avaient sorti des bouteilles de gaz qu’ils avaient soigneusement stockées et décidèrent d’y mettre le feu dans ce qui a semblé devenir un film hollywoodien des plus horrifiants. Une caméra infiltrée à l’intérieur du campement était parvenue à filmer la scène traumatisante de deux corps immobiles, appartenant à des agents des forces de l’ordre, inondés de coups de pierre par des jeunes protestataires que plus rien ne semblait en mesure de dissuader.

Sur la route pétrée et rocailleuse vers Laâyoune, des ambulances se bousculaient pour prêter assistance aux blessés lorsque l’une d’entre elles, écartée de sa direction sous l’effet de pierres torrentielles, tomba entre les mains des protestataires qui y expérimenteront toutes les techniques du lynchage. Dans les guerres les plus atroces, l’on sait que les secouristes demeurent à l’abri du danger. Mais cet ambulancier ignorait que ceux qui l’avaient embusqué ne prêtaient point d’importance à de telles considérations humanitaires. La haine paraît avoir primé en eux la miséricorde. Et comme c’en était le cas, il reste à envisager le pire. Des cadavres furent mutilés et profanés. Les âmes malveillantes étaient allées jusqu’à défier le diable dans ses manœuvres maléfiques.

Les affrontements de Gdeim Izik ayant pris fin, les protestataires armés décidèrent de transporter la terreur à l’intérieur de la ville de Laâyoune. Les forces de l’ordre, à peine relevées du choc enduré à Gdeim Izik, ne pouvaient-elles pas, alors qu’elles sombraient dans un fossé aussi meurtrier, réviser leur mode opératoire et permettre à un personnel mieux équipé d’intervenir pour baisser le rideau sur une tragédie qui a tant duré ? Non, leur sens de responsabilité en a voulu autrement, préférant sacrifier leur propre vie que de provoquer un massacre dont allaient marchander les profils sanguinaires des ennemis de l’intégrité territoriale.

* Abderrahmane HADDAD
Professeur à la faculté de droit de Meknès
Conseiller auprès du Centre d’Etudes Internationales


Abderrahmane HADDAD