France: l'Europe en ligne de mire pour Marine Le Pen

Mardi 21 Mai 2019

Défaite par Emmanuel Macron il y a deux ans lors du second tour de l'élection présidentielle, Marine Le Pen, cheffe de l'extrême droite française, se sent le vent en poupe pour les Européennes de dimanche prochain.

"Tout a changé", soulignait-elle la semaine dernière, lors d'un entretien avec l'AFP dans le bureau de l'Assemblée nationale qu'elle occupe depuis son élection en 2017.

"Avant, nous étions très seuls sur la scène européenne, nous n'avions personne pour changer cette Union européenne de l'intérieur, nous n'avions pas d'alliés. Mais en l'espace de quelques mois, toute une série de forces politiques sont montées en puissance, de manière spectaculaire", se réjouit-elle, face à son bureau sur lequel trônent sa cigarette électronique et un livre, "10 + 1 questions sur l'Union européenne".

Depuis 18 mois, des partis partageant ses positions anti-immigration et anti-UE sont en effet entrés dans des gouvernements en Italie et en Autriche, tout en progressant dans les Parlements, de Berlin à Stockholm et même à Madrid.

En France néanmoins, Emmanuel Macron et son parti, La République en Marche, ont empêché les populistes de prendre le pouvoir en 2017, laissant un goût de défaite amère au Front National et à sa candidate.

Depuis, le FN a entrepris une "refondation", changeant son nom en Rassemblement national, toilettant ses statuts, abandonnant l'idée d'une sortie de l'UE (un "Frexit") et de la zone euro pour prôner une transformation de l'intérieur des institutions.

"Nous avons tenu compte de ce que les Français nous ont dit. Ils ne souhaitent pas quitter l'Euro, mais ça n'empêche pas que l'on puisse l'améliorer", dit Marine Le Pen, pour expliquer ce revirement.

Mais pour cette femme politique de 50 ans, l'adversaire d'aujourd'hui reste celui d'hier et elle entend faire des européennes un référendum anti-Macron.

"Emmanuel Macron, s'il arrive en tête, va évidemment en tirer une illusion de légitimité à engager ce qu'il appelle l'acte II de son quinquennat... Eh bien moi, je dis aux Français gênez-le, je vous en supplie ! Et même: stoppez-le en votant pour la seule liste capable d'arriver devant celle d'Emmanuel Macron", alors que le président français de 41 ans, semble se remettre de six mois de manifestations anti-gouvernementales organisées par les "gilets jaunes".





Dans les sondages, le Rassemblement national est crédité de 22 à 24% des intentions de votes, devançant très légèrement La République en Marche et son allié centriste Modem.

Ainsi, selon le dernier publié lundi par Ipsos game Changers, le RN et LREM allié au Modem étaient au coude-à-coude, avec respectivement 23,5% et 23% d'intentions de vote.

Au plan européen, les nationalistes d'extrême droite devraient progresser lors des élections du 26 mai, même si le scandale autrichien (le numéro 2 d'extrême droite du gouvernement a dû démissionner après une vidéo le montrant prêt à se compromettre avec la Russie) pourraient leur coûter des points.

Marine Le Pen estime que le groupe auquel le RN est rattaché - l'Europe des nations et des libertés - devrait glaner de 80 à 120 des 751 sièges du Parlement européen. Selon les sondages, il devrait se classer quatrième, avec environ 70-80 sièges, soit le double de son nombre actuel.

"Ça n'est jamais arrivé, donc c'est quelque chose qui est historique, mais il n'y a pas qu'au Parlement européen que les choses vont changer. Il y a déjà une chose qui est sûre, c'est que (...) cette course folle de l'Union européenne vers le fédéralisme est arrêtée", se félicite la Française.

Malgré ce ton confiant, la partie n'est pas exempte de risques politiques pour Mme Le Pen qui était sortie avec une image écornée de la présidentielle, au sein même de son parti, après une campagne jugée mauvaise entre les deux tours de scrutin.

"Bien sûr, je serais déçue" si la liste RN conduite par un jeune homme de 23 ans, Jordan Bardella, ne se place pas en tête, concède-t-elle.

En 2014, le Front national s'était imposé avec 25%. Le RN fera-t-il moins ?

Marine Le Pen a également eu des difficultés à trouver des alliés malgré ses rêves - et ceux du stratège de Donald Trump, Steve Bannon - de créer un "super-groupe" paneuropéen d'ultra-nationalistes.

AFP