Fès : Réhabilitation d’un épicentre du dialogue cultuel et culturel

Mardi 5 Mars 2013

La visite du Souverain Marocain à la ville de Fès, lundi 04 mars 2013, lors de laquelle il a présidé la signature de deux conventions pour la réhabilitation des monuments historiques de la cité impériale, rappelle aux observateurs de la scène internationale, toute l’importance de la dimension culturelle et cultuelle dans les relations entre les peuples et les Etats. 

La doctrine du « Choc des civilisations » de Samuel Huntington apparue en 1996 n’est que la théorisation de cette idée selon laquelle, il existe plusieurs civilisations qui seront amenées à s’affronter dans l’avenir. Dans ce cadre, Huntington oppose les civilisations, arabo-musulmane et chinoise, à la civilisation occidentale. Cette théorie est loin d’être nouvelle, puisque les plus grands affrontements de l’histoire occidentale eurent lieu sur la base de justifications cultuelles et culturelles, à l’instar des différentes croisades, ou encore de l’inquisition. Toutefois, si cette doctrine a eu un écho positif chez les théoriciens des relations Internationales, c’est surtout du fait de leur perméabilité à ce type de grille d’analyse.

Or aujourd’hui, il apparaît clairement qu’il n’y a pas de « choc des civilisations » en perspective à un niveau systémique, mais uniquement quelques manifestations conflictuelles dues au caractère « auto-réalisateur » de cette doctrine. Ce qui signifie que cela arrive parce qu’on y croit.

La réalité est différente, surtout lorsqu’elle est perçue hors du prisme « européo-centré » de l’étude des relations Internationales. En effet, la civilisation arabo-musulmane a très tôt trouvé un grand intérêt dans le développement du dialogue cultuel et culturel comme fondation de ses relations sociales, internes et internationales.

A ce titre, l’histoire du Maroc est tout aussi singulière. En effet, l’histoire ancienne montre non seulement la prédisposition du Maroc à cette pratique, mais également sa systématisation.

Nous pouvons donner à titre d’exemple la nomination par le sultan Moulay Ismail, en 1691, d’un ambassadeur marocain de confession juive, Haim Toladano, auprès de la Cour britannique du roi William III.

Dans l’histoire plus récente, nous pouvons citer le refus catégorique du roi Mohamed V, lors de la seconde guerre mondiale, de remettre à l’autorité de Vichy les juifs du Maroc, au motif que tous les sujets du roi du Maroc jouissent de la même protection royale quelle que soit leur confession.

Cette approche doctrinale historique du Maroc est incessamment rappelée dans les discours royaux, dont le dernier prononcé à l’occasion du sommet de l’Organisation de la Coopération Islamique, qui s’est tenu au Caire les 6 et 7 février 2013, ne fait pas exception.

Le Roi Mohammed VI a appelé au développement du dialogue entre les religions et les sociétés afin de permettre la protection des minorités musulmanes dans le monde, de faire face à la montée de l’islamophobie, et d’accroître la compréhension et le respect entre les peuples.

Si ce discours peut apparaître comme une liturgie stérile aux plus pessimistes des lecteurs, la réalité est tout autre. L’exemple le plus inédit de cette singularité marocaine est à trouver en Iran. Malgré l’absence de relations diplomatiques, le Maroc, pays sunnite, continue à jouir d’un immense respect en Iran, pays chiite, parce qu’il est considéré comme étant l’un des plus proches du prophète de l’Islam (Ahl al Bayt).

Il s’agit là de l’exemple le plus convaincant, qu’il puisse exister un sincère respect entre les peuples malgré une divergence de point de vue en matière de politique étrangère. Ce respect offre alors la possibilité d’ouvrir de nouvelles voies de dialogue, qu’empêche l’approche négative de la doctrine du « choc des civilisations ».

La restauration et la préservation de la cité impériale de Fès, Capitale spirituelle du Maroc et de la région nord-africaine est alors une nécessité, permettant la transmission de cette histoire, de cette pratique et de ce message de paix, propre aux valeurs de l’Islam et incarné par l’histoire du Maroc.

Mehdi Bennani
Conseiller auprès du Centre d’Etudes Internationales


Mehdi Bennani