En Amérique, une année électorale chamboulée par la pandémie et la crise sociale

Jeudi 17 Décembre 2020

​Washington - Du procès de destitution à la présidentielle, en passant par la pandémie de coronavirus et les manifestations contre le racisme, c'est lessivés que les Américains tournent le dos à une année 2020 tumultueuse.


Dès janvier, les Américains ont observé avec plus ou moins d’indifférence le procès de destitution du président Donald Trump au Sénat, un exercice dont il sortira finalement indemne, et, de l’avis de beaucoup, renforcé en prévision de son duel annoncé avec les démocrates lors de la présidentielle.

Les démocrates, de leur côté, sont fascinés par une primaire inédite, où ils ont eu du mal à départager la dizaine de candidats toujours en lice lors du caucus de l’Iowa, le 03 février. Ce dernier, attendu avec effervescence après des mois de spéculation dans une campagne plus ouverte que jamais, sera finalement un fiasco. Les résultats des votes n’auront en effet été connus que plusieurs jours plus tard, alors que les candidats se disputaient déjà le New Hampshire et le Nevada.

Au terme des votes dans les premiers Etats, c’est le candidat autoproclamé socio-démocrate Bernie Sanders qui semblait en bonne voie de remporter la primaire. Mais ce fut sans compter la surprise de Super Tuesday.

Grâce à sa victoire éclatante en Caroline du Sud trois jours plus tôt, Joe Biden, dont la campagne semblait jusque-là en perdition, a réussi a convaincre deux de ses adversaires de centre-gauche, Pete Buttigieg et Amy Klobuchar, à se rallier à lui la veille du vote décisif du Super Tuesday, le 03 mars. 

Grâce à cette alliance au timing impeccable, Biden a pu fédérer les votes des électeurs démocrates modérés, assommant Sanders qui restera incapable de surmonter son déficit en terme de super-électeurs face à l’ancien vice-président.

Pendant ce temps, le Locataire de la Maison Blanche se délecte de la bataille fratricide entre démocrates, fort du soutien infaillible de sa base électorale et de l’ensemble de son parti.

Toutefois, tout va changer en l’espace de quelques semaines en mars et avril, lorsque les Etats-Unis, à l’image du monde entier, se sont retrouvés à l’arrêt, frappés de plein de fouet par une pandémie aux proportions inédites depuis cent ans. 

Fermeture des frontières, confinement à domicile, distanciation sociale, les Américains se voient transposés dans un monde dystopique, où le papier toilette est une denrée rare et l’objet de toutes les convoitises. 

Alors que le nombre de morts et d’infections augmente sans cesse, voilà que le meurtre tragique de George Floyd vient raviver les vieux démons du racisme aux Etats-Unis. 

La vidéo, insoutenable, d’un policier s’agenouillant pendant neuf minutes sur le cou de cet afro-américain de 46 jusqu’à l’asphyxier, fait le tour du monde. Elle enflamme le mouvement Black Lives Matter, qui prend de l’ampleur à mesure que d’autres incidents de violences policières et d’actes racistes sont largement partagés sur les réseaux sociaux et les médias. 

C’est le cas notamment du meurtre d’Ahmaud Arbery, un autre afro-américain abattu en Géorgie par un père et son fils alors qu’il faisait un footing dans un quartier résidentiel.

C’est le cas aussi de Breanna Taylor, abattue par des policiers blancs qui se sont introduits sans mandat dans son appartement le 13 mars, au Kentucky. 

Pendant des semaines, des couvre-feu sont décrétés, et les Américains se réveillent aux nouvelles d’affrontements entre policiers et manifestants dans les grandes villes du pays. Les magasins, qui sont déjà à l’agonie à cause de la crise sanitaire, doivent désormais barricader leurs devantures pour survivre aux actes de vandalismes nocturnes. 

Accablé par la double crise sanitaire et sociale, l’Amérique n’a jamais été aussi divisée depuis les années 1960. 

Pour couronner le tout, la juge de la Cour suprême Ruth Bader Ginsberg, une icône des progressistes aux Etats-Unis, s’éteint à un peu plus d’un mois de l’élection du 03 novembre, au grand dam des démocrates qui doivent se résigner à souffrir la nomination de la conservatrice Amy Coney Barrett à la plus haute juridiction du pays. 

C’est donc dans cette ambiance délétère que les Américains se rendent enfin aux urnes le 3 novembre, non sans subir un dernier coup de chaud avec le diagnostique de Donald Trump au coronavirus. Plus de peur que de mal au final, le président sortant sain et sauf de ce contre-temps qui l’a tout de même tenu à l’écart de la campagne pendant une dizaine de jours. 

L’élection, elle aussi, aura son lot de surprises. Grâce à sa capacité à mobiliser sa base dans les dernières semaines de la campagne, Donald Trump réussit à défier les sondages dans plusieurs Etats pivots. Au soir de l’élection, il est même en bonne passe de rempiler pour un nouveau mandat. 

Mais, pandémie oblige, les Américains ont été nombreux cette année à voter par courrier, avec pour conséquence de retarder le décompte des voix, et donc l’annonce du vainqueur.

Au bout du suspens, c’est finalement le démocrate Joe Biden qui est déclaré gagnant en récoltant plus de de 81 millions de votes contre 74 millions pour son adversaire. Le taux de participation, quant à lui, atteint 66,2%, battant un record datant de 1908. 

Décembre arrive donc, et avec lui, son lot de bonnes nouvelles. Grâce à l'expertise du scientifique maroco-américain Moncef Slaoui, l’Operation Warp Speed (Vitesse de l'éclair) réussit à livrer un vaccin contre la Covid-19 en un temps record. Interrogée par la MAP sur ses espoirs pour 2021, Katherine, une habitante d'Arlington, dans la région de Washington DC, résume à merveille l'ambiance générale. "Tout ce que je veux, c'est une année 2021 monotone, sans surprise". 

MAP - Farouq El Alami