Dette: la Zambie techniquement en défaut de paiement

Jeudi 19 Novembre 2020

Lusaka - Plongée dans un lourd déficit encore aggravé par la crise du Covid-19, la Zambie, en passe de devenir officiellement le premier pays africain en défaut depuis le début de la pandémie, a reconnu mercredi "une genèse de défaut de paiement".
Dette: la Zambie techniquement en défaut de paiement
La banque centrale zambienne a déclaré mercredi que le pays d'Afrique australe, dont la dette extérieure est estimée à plus de 10 milliards d'euros, ne rembourserait plus aucun créancier.

"Nous avons pris la décision, délibérée, de ne plus payer aucun de nos créditeurs", a déclaré le gouverneur de la banque centrale, Christopher Mvunga, lors d'une conférence de presse à Lusaka.

Officiellement, ce choix a été fait par souci d'"équité".

"Ce n'est pas que nous ne pouvions pas payer", a souligné M. Mvunga, précisant que le pays était en mesure de rembourser environ 36 millions d'euros sur sa dette. Mais "si nous payons un créditeur, alors nous devons tous les payer", a-t-il déclaré, reconnaissant "une genèse de défaut de paiement".

Mi-octobre, la Zambie a manqué une échéance de 33,7 millions d'euros prévue dans le remboursement d'une obligation de plus de 632 millions, qui arrive à échéance en 2022.

Mardi, l'agence de notation Fitch a baissé la note du pays à RD, pour les pays en défaut. Standard & Poor's avait déjà relégué la Zambie dans la catégorie défaut de paiement fin octobre.

Alertant sur une situation macroéconomique et fiscale "très difficile", le gouvernement avait demandé fin septembre à ses créanciers internationaux une suspension de six mois du paiement des intérêts de trois euro-obligations.

Le moratoire a été rejeté vendredi par les créanciers.

"Techniquement, ils sont en défaut, mais officiellement, cela doit être déclaré par un comité spécial composé d'analystes de crédit des principales banques d'investissement", explique à l'AFP Robert Besseling, directeur d'une société de conseil en risques politiques et économiques basée en Afrique du Sud, EXX Africa.

"Ce n'est plus un secret pour personne qu'il y a un défaut", renchérit l'économiste indépendant Mambo Hamaundu à Lusaka, joint par l'AFP.

Selon les spécialistes, la Zambie n'aura pas beaucoup d'autre choix que de faire marcher la planche à billets pour acheter plus d'obligations. Le risque: hausse de l'inflation et une monnaie qui s'effondre.

"La Zambie s'oriente vers un scenario similaire à ce qui s'est passé au Zimbabwé", met en garde Robert Besseling.

Pour l'instant, le gouvernement zambien tente encore de négocier avec ses créanciers. Le ministre des Finances, Bwalya Ngandu, a déclaré mercredi au parlement demander à continuer les négociations pour un rééchelonnement du remboursement, "malgré leur décision de refuser de suspendre la dette".

"Il est généralement admis que l'impact du Covid-19 a été ressenti dans le monde entier et il y a un consensus général sur le fait qu'il devrait y avoir une suspension de la dette pour les pays les plus touchés", a souligné M. Mvunga.

Pays aux ressources limitées, la Zambie est un des principaux débiteurs de la Chine, à qui elle doit officiellement environ trois milliards de dollars, entre six et neuf milliards, selon les spécialistes.

Le G20 a dévoilé la semaine dernière une feuille de route pour la restructuration de la dette de 38 pays africains dont l'économie a été ravagée par le coronavirus. La Zambie a demandé la suspension de sa dette dans ce cadre.

"La meilleure option serait une annulation de la dette", a déclaré à l'AFP la directrice de l'ONG ActionAid, Nalucha Nganga, en Zambie.

La Banque africaine de développement a évalué la dette publique zambienne à 80% de son PIB en 2019, contre 35% à la fin 2014.

Deuxième producteur africain de cuivre, qui a pâti de la chute du cours de certains métaux, la Zambie devrait voir son Produit intérieur brut reculer de 4% en 2020 après +1,7% l'année dernière et +4% en 2018. La croissance du PIB par habitant, elle, va plonger de 6,7% cette année.



Source : https://www.maafrique.com/Dette-la-Zambie-techniqu...

AFP