Considérations sur le mode opératoire des éléments armés impliqués dans les incidents de Gdim Izik

Vendredi 1 Février 2013

Au-delà des aspects politiques et juridiques, qui sont avec le recul temporel, clairement établis, les évènements de Gdim Izik posent indubitablement la question du mode opératoire emprunté par les éléments armés qui se sont violemment opposés aux forces de l’ordre. Ainsi, comment ces derniers se sont-ils infiltrés au milieu de manifestants, et comment ont-ils conduit le harcèlement systématique de ces forces de l’ordre lors du démantèlement du camp de Gdim Izik ? 

A cet égard, pour tout observateur ayant eu accès aux images vidéo relatives aux affrontements qui se sont déroulés le 08 novembre 2010 lors du démantèlement du camp, images disponibles au demeurant sur Internet, leur étude s’avère éclairante à plus d’un titre.

Le 08 novembre 2010, à 06h45, les forces de l’ordre susdites ont procédé aux sommations d’usage qui ont conduit à l’évacuation pacifique du camp par la majorité des protestants qui y avait élu domicile pour la durée des manifestations. A ce moment, une des sept caméras de surveillance déployées par les autorités a clairement montré un groupe mobile d’individus armés et cagoulés s’opposant à l’évacuation et menaçant les civils répondant aux injonctions des autorités.

A la suite de cette évacuation, les forces de l’ordre ont progressé vers le camp afin de le défaire. C’est à cette occasion que plusieurs éléments se sont opposés à elles en usant de jets de pierres, d’engins incendiaires et en mettant le feu à plusieurs bouteilles de gaz afin de ralentir la progression des gendarmes, ainsi que l’intervention des pompiers visant à mettre fin au danger encouru par les personnes aux alentours de ces dispositifs déflagrateurs. Au contact rapproché, ces éléments armés ont fait usage d’armes blanches dans le but avéré de porter atteinte à l’intégrité physique des forces de l’ordre marocaines dans l’exercice de leur mission. Ainsi, une caméra installée par les autorités a pu enregistrer quelques éléments des forces de l’ordre isolées, mises à terre par les activistes armés qui leur jetaient des pierres à courte distance en visant leurs têtes. Par ailleurs, un téléphone portable confisqué à l’un des mis en cause a servi à filmer l’exécution par égorgement d’un des représentants des forces de l’ordre. A la suite de ces évènements, ce groupe d’éléments armés a pris la direction de la ville de Laâyoune située à proximité pour y attirer les forces de l’ordre et y étendre l’affrontement.

Ce mode opératoire n’est pas sans rappeler ce dont il est d’usage dans un conflit asymétrique de type guérilla, où un groupe peu nombreux, très mobile et légèrement armé, mène des actions de harcèlement, cherchant à frapper l’adversaire à l’aide de jets de pierre par exemple, à le fixer via l’immobilisation par l’utilisation éventuelle d’engins incendiaires, puis à l’isoler pour lui infliger des pertes symboliques mais spectaculaires comme la lapidation ou l’égorgement, dans le but de créer un effet psychologique certain pouvant être utilisé pour affaiblir politiquement l’adversaire. A cette fin, pourrait être utilisé le téléphone portable pour filmer certaines exécutions, ou mis en place un dispositif de propagande pour gérer l’après confrontation. Ce mode opératoire s’accompagnant de l’infiltration des éléments subversifs au milieu de populations civiles afin d’enrayer l’intervention des forces de l’ordre soucieuses du respect du cadre légal et humain dans lequel sont menées leurs interventions. Ce qui signifie que ce schéma théorique de la guérilla est conforme au modus operandi usité par des activistes pro-Polisario lors du démantèlement du camp en question.

Cela correspond précisément en tout point à ce qui avait cours en Algérie, lorsque le Groupe Islamique Armé (GIA) algérien menait de telles actions de harcèlement contre les militaires du régime d’Alger, et se fondait dans la population locale en la terrorisant pour mener sa lutte de guérilla, à la différence près que les autorités algériennes n’ont peut être pas fait preuve du même discernement que les autorités marocaines.

Quoi qu’il en soit, la similitude des modes opératoires, que l’on retrouve toujours au sein d’Al Qaïda aux Pays du Maghreb Islamique (AQMI), héritée de ce GIA, amène beaucoup de questions, d’autant plus que la tête du séparatisme au Sahara est représentée par le mouvement paramilitaire du Polisario qui a élu domicile dans les camps de Tindouf, et qu’Alger arme et forme.

En définitive, il faudra sans aucun doute chercher à lever le voile opaque qui obscurcit la gestion des camps de Tindouf, car réfugiés et armes ne font pas bon ménage. De surcroît, une situation caractérisée par des miliciens armés bénéficiant de la bienveillance des Etats, est porteuse d’une menace à la paix et à la sécurité internationales. Il s’agit là de toute l’histoire d’AQMI avec l’Algérie. Pourvu que cela ne se reproduise pas avec le Polisario.

Pascal Fritscher
Spécialiste de la politique étrangère des Etats-Unis d’Amérique
Conseiller auprès du Centre d’Etudes Internationales


Pascal Fritscher