Conférence internationale à Paris sur l'Islam au XXIème siècle

Mercredi 27 Février 2019

Paris – Le siège parisien de l’Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO) a été le cadre, mardi, d’échanges fructueux entre personnalités de différents horizons autour du thème : «L’Islam au XXIème siècle» 

Un éventail de questions en rapport avec l’Islam ont été ainsi abordées, sous un angle souvent critique, par les participants venus de plusieurs pays européens et arabes dont le Maroc, notamment celles confrontant la religion musulmane à la modernité, à la science, à l’évolution des sociétés humaines ou encore à l’économie.

Au premier jour d’une conférence organisée à l'initiative de l'Association l'Islam au XXIème siècle, les intervenants, dont des chercheurs, des théologiens et des penseurs, ont plaidé, lors de différents panels, pour de nouvelles approches et démarches intelligentes dans la manière d’aborder le fait islamique, en donnant notamment la parole aux Musulmans engagés dans la gestion de leur propre religion.

Ils ont mis également l’accent sur la nécessité de rompre avec les discours démagogiques et de proposer de nouvelles pistes plus audacieuses et modernistes dans la façon de percevoir la religion musulmane.

Les travaux de cette conférence de deux jours, dont la séance inaugurale, a été marquée par la présence de nombreux invités de marque, parmi lesquels l'ancien ministre français des affaires étrangères, Hubert Védrine, seront sanctionnés par une Déclaration dite de Paris, après qu'une équipe de «sages» en aura fait la synthèse, a annoncé le secrétaire général de l'association, M. Michel de Rosen.

Intervenant lors du panel sur «Islam et égalité», l’écrivaine et essayiste marocaine, Asma Lamrabet, a indiqué qu’en Islam, l’égalité dans sa dimension morale, de dignité, de respect et de liberté de l’être humain, est reconnue aussi bien au sein du Texte Coranique que de la pensée musulmane en général, reconnaissant toutefois que malgré l’existence d’une éthique égalitaire initiale spirituelle et humaniste, sa traduction sociale et juridique a toujours été problématique. 

Pour elle, la pensée musulmane sur cette question de l’égalité bute essentiellement sur deux grandes problématiques théologiques, à savoir : l’égalité avec les non croyants ou croyants des autres religions et celle hommes-femmes. Cependant, c’est cette dernière qui symbolise l’une des impasses théologiques les plus sensibles, les plus complexes et les plus difficiles à déconstruire, a-t-elle observé. 

Ce concept illustre à lui seul la peur de perdre une identité religieuse, qui aux yeux de beaucoup repose sur l’autorité et la supériorité masculine mises à mal par l’émancipation de la femme, a-t-elle ajouté en évoquant à ce propos l’anachronisme dans lequel vivent la majorité des sociétés musulmanes entre référentiel juridique dit universel où l’égalité est inscrite officiellement et le référentiel dit islamique où l’on préfère parler de complémentarité et de justice, voire d’équité.

L’essayiste marocaine a ainsi mis l’accent sur l’urgence de repenser l’égalité et d’offrir de nouvelles clés de lecture de l’intérieur mais aussi de l’extérieur de la tradition musulmane, à partir du monde où nous vivons et des valeurs fondamentales de l’héritage humain universel.

« Il faudrait aujourd’hui s’accorder sur le fait qu’il nous faut dépasser le conformisme théologique dans lequel les traditionalistes nous enferment, voire refuser l’autoritarisme des Oulémas qui nous imposent une misogynie juridique séculaire que l’on ne retrouve pas dans l’éthique spirituelle du Coran et dont on veut absolument nous faire croire qu’elle est une prescription divine ! », a-t-elle souligné.

Elle a déploré dans ce sens que la dynamique féminine aujourd’hui en cours reste «invisibilisée», alors qu’elle est en train de faire un travail monumentale sur la déconstruction de toutes les interprétations patriarcales.

Mme Lamrabet a enfin émis le vœu de voir bousculé, au sein d’un monde musulman pluriel et complexe, ce refus commun à toute lecture réformiste de la tradition. 

«Au Maroc par exemple, nous avons une égalité au niveau de la constitution et la Moudawana a constitué une avancée très importante pour les droits des femmes, mais son applicabilité sur le terrain pose toujours problème, en raison d’une certaine impasse sur la réforme de l’éducation», a-t-elle confié dans une déclaration à la MAP.

Il y a encore un travail à faire en ce qui concerne le changement des mentalités, a-t-elle affirmé en soulignant que rien dans notre tradition religieuse ne nous empêche d’avoir une égalité hommes- femmes et d’avancer. Cela ne peut se faire que grâce à une réforme de l’éducation, a insisté l’écrivaine.

Dans une déclaration similaire, l’islamologue et politologue franco-marocain, Rachid Benzine, s’est réjoui de la tenue d’une telle conférence qui permet aux intellectuels musulmans de se pencher sur les questions intéressant leur religion.

« Il faut que les Musulmans comprennent que leur religion pose des questions, d’abord à l’intérieur du Monde musulman mais aussi aux autres, ceux qui vivent avec eux », a-t-il dit. «L’Islam n’appartient pas aux seuls Musulmans, c’est une religion mondiale», a-t-il insisté.

L’Islam est une religion universelle qui touche aussi bien les Musulmans dans les pays islamiques que ceux installés dans des pays qui ne le sont pas, a poursuivi dans le même sens M. Tareq Oubrou, Imam de la Grande mosquée de Bordeaux, en précisant que chacun des intervenants, à l’occasion de cette conférence, a abordé l’islam à partir de son angle de vue scientifique et intellectuel.

«Réformer l’Islam oui, mais il faut commencer par réformer les Musulmans, puisque c’est de l’homme dont il s’agit », a-t-il estimé.

Pour M. Oubrou, il faut s’intéresser « plus à l’installation du Musulman dans son époque, à réformer le Musulman avant de réformer le texte, qui lui, ne parle pas de lui-même»

L’association L’islam au XXIème siècle a pour objectifs de contribuer à ce que l’islam soit mieux connu et compris, mais aussi à donner une tribune à l’Islam moderne. 

MAP