Algérie. Le coup de trop ?

Vendredi 1 Mars 2019

Jusqu'à présent, c'était « Bouteflika ou le chaos » . Les candidatures à répétition d'un président de moins en moins alerte - doux euphémisme - étaient présentées comme un moindre mal. Un rempart contre un retour aux années de plomb de la violence islamiste. Ce discours pétrifié a fini par lasser. La perspective d'un cinquième et surréaliste mandat du président fantôme a réveillé la rue. Désormais, ce pourrait être « Bouteflika et le chaos » .

Le discours sur le décalage entre les peuples et les élites est à la mode. En Algérie, il est encore plus de saison qu'ailleurs. Dans la fronde actuelle, il y a à l'évidence le rejet du « coup de trop » . L'insupportable perspective de repartir pour cinq années avec un régime fossilisé et un pays à l'arrêt. Surtout, l'épouvantail de la guerre civile ne fonctionne plus. Ou moins. Les jeunes Algériens n'ont pas connu la décennie noire, la peur et les massacres. En revanche, ils n'ont connu qu'Abdelaziz Bouteflika et son clan... Les réseaux sociaux leur ont ouvert des champs nouveaux. On les croyait passifs, ils se lèvent aujourd'hui.

Pour l'heure, le régime fait le gros dos. En se disant que la fièvre retombera, encore une fois. Et que l'affaire électorale passera, une fois de plus... Peut-être. Mais rien ne dit que la vague de protestation ne va pas se muer en déferlante faisant basculer le pays dans l'incertitude, voire la violence.

Nul ne peut prédire jusqu'où ira ce « printemps algérien » . Mais à Paris, on est en veille active. Si la crise s'emballe, la France risque d'être dans l'embarras diplomatique. Le dossier algérien se manie comme une bouteille de nitroglycérine. Les sources d'inquiétude sont nombreuses. Un basculement algérien dans l'abîme pourrait provoquer une vague d'immigration et des tensions dans la communauté d'origine algérienne en France.

L'écrivain Boualem Sansal tire encore la sonnette d'alarme dans nos pages.

Sans prédire l'apocalypse, on doit prendre acte d'un fait : la proximité géographique et humaine des deux pays. Les failles et les secousses algériennes ne peuvent pas ne pas courir sous la Méditerranée.

Nul ne peut prédire jusqu'où ira ce « printemps algérien »

Arnaud de La Grange - Le Figaro