Aid Al-Adha à Guelmim : des traditions en voie de disparition

Vendredi 3 Octobre 2014

Guelmim- Malgré les mutations sociales et l'extension urbanistique, les familles dans la province de Guelmim, à l'instar des autres régions du Royaume, restent attachées à des traditions et coutumes ancestrales qu'elles ressuscitent particulièrement lors des fêtes religieuses comme Aid Al-Adha.


Parmi ces traditions, qui matérialisent les valeurs de la solidarité et de la cohésion sociale, figure la réunion, après la prière d'Al-Aid, des membres de la même famille au domicile du plus âgé parmi eux, pour procéder au rituel du sacrifice et prendre le déjeuner, avant de s'engager dans des conversations chaleureuses autour de verres de thé servis selon des procédés bien précis.


Parmi les autres coutumes, qui sont en voie de disparition, le fait de ne manger, au premier jour de l'Al-Aid, dit localement "de la viande", que les tripes, appelés "Afechay" et de laisser intact le corps, ou "Ne pas blesser Al-Aid", selon l'expression d'usage.

Dans ce sens, le chercheur en patrimoine populaire hassani, Brahim El-Hissen souligne que beaucoup de familles sahraouies "bannissent" la consommation de la viande le premier jour d'Al-Aid, afin de se prémunir, selon certaines croyances, de toute malédiction ou risque de dissension familiale.

Dans une déclaration à la MAP, il a souligné que d'autres rituels puisent leur explication dans "le désir d'épurer l'âme de tout délire ou anxiété", comme c'est le cas de cette pratique qui consiste à suspendre la vésicule biliaire de l'animal abattu, jusqu'à ce qu'elle sèche, à un coin de la demeure, de préférence à la porte qui donne sur la direction de la mer.

Les croyances entourant cette pratique varient entre le désir de s'attirer la bénédiction et s'assurer une année faste, éloigner le mauvais sort ou d'entretenir une relation tendre et harmonieuse entre les conjoints, explique-t-il, ajoutant que d'autres attribuent à la vésicule biliaire séchée des vertus médicinales, notamment pour la guérison de certaines maladies de la peau.

De son côté, le chercheur dans la culture populaire, Bouzid Leghla, fait référence à d'autres pratiques ancrées dans l'imaginaire collectif en relation avec Al Aid, comme la conservation du sang de l'animal abattu pour l'utiliser dans le traitement de certains abcès difficiles à diagnostiquer, dits "Akharaj", ou le bannissement de la consommation de la rate de l'animal pour les personnes dont les parents sont toujours vivants.

Il observe, dans ce sens, que les rituels à caractère purement social existent toujours, en général, malgré quelques légers changements, alors que les pratiques liées à l'imaginaire collectif, dont les mythes et les représentations qu'entretiennent des personnes qui représentent la mémoire vive de la société, sont en train de disparaitre avec les générations précédentes.

Mais le constat général reste que la consolidation des liens sociaux occupe une place de choix dans la célébration d'Al-Aid dans cette région, qui connait une multiplication des invitations entre proches et voisins, qui se réunissent autour de festins, ou d'"Adoual" pour les amazighophones, de verres de thé ou de "Zrig", qui est une boisson à base de lait, d'eau et de sucre. Ces festivités, qui commencent l'après-midi du jour d'al-Aid, peuvent durer jusqu'à plus d'une semaine après.

Dans ce sens, Rachid, enseignant originaire de la région, souligne que ces traditions, qui commencent à disparaitre, visent à renforcer les liens familiaux, à discuter des questions de la vie quotidienne, voire même d'engager de médiations pour résoudre les problèmes en suspens.

Ce sont là des coutumes et des traditions qui résistent, tant bien que mal, aux mutations sociales, mais qui habitent la mémoire collective et donnent à Aid Al-Adha sa saveur et sa dimension spirituelle.


MAP - Mohamed Ouahi