Aicha Benbaba, une cheffe cuisinière avant-gardiste à cheval entre le Maroc et la Finlande

Jeudi 5 Mars 2020

Helsinki – Après seulement trois ans sur les bancs de l’école, Aicha Benbaba a débuté jeune sa carrière en assistant son père dans une boucherie à Agadir, une expérience qui l’a conduit plus tard jusqu’à la Finlande pour se lancer dans le monde de l’auto-entrepreneuriat.


Passionnée par le monde de la cuisine, Aicha a ouvert un magasin de pâtisserie marocaine, après avoir accumulé une expérience de huit ans dans la boucherie familiale, en plus de quelques boulots saisonniers comme cuisinière pour des occasions spéciales. Un parcours qui a duré au total vingt-deux ans.

Déterminée et soucieuse de relever les défis, cette dame qui a franchi le cap de la trentaine retournera de nouveau en classe en Finlande, après plus de deux décennies d’abandon. Une décision idoine et réfléchie qui, assurément, lui garantira une intégration optimale dans la société et l’aidera à concrétiser son rêve de jeune fille: créer un projet dans lequel elle traduira sa passion pour la cuisine et assurera son indépendance financière dans ce pays nordique.

Dans un entretien à la MAP, Aicha explique que cette période de trois ans de cours intensifs lui a permis de maîtriser la langue du pays d’accueil, ajoutant que les formations qu’elle a suivies dans bon nombre de restaurants de la capitale d’Helsinki l’ont également aidé à se familiariser avec les exigences de son nouveau milieu de travail et à assimiler le cadre réglementaire régissant l’entrepreneuriat.

“Bien que j’ai postulé pour des instituts de formation spécialisés, les responsables de l’agence pour l’emploi, en concertation avec l’établissement d’enseignement, ont jugé que 22 ans d’expérience dans le domaine de la cuisine, en plus des évaluations positives des différents restaurants dans lesquels j’ai été formée, étaient suffisants pour me permettre d’accéder au marché du travail”, a-t-elle ajouté.

L’agence de l’emploi n’a pas eu tort, car Aicha n’a pas tardé à rejoindre l’un des restaurants de la capitale pour une expérience qui a duré deux ans et demi, avant de recevoir une proposition pour gérer un autre restaurant à la ville d’Espoo, située à une vingtaine de kilomètres d’Helsinki. En l’espace d’une année, celui-ci a été noté 5 étoiles.

Ce fût un tournant dans la carrière professionnelle de Aicha. Grâce à cette note, le restaurant a été qualifié pour participer au concours des meilleurs restaurants en 2017, dans lequel il a été classé troisième dans toute la Finlande. Un exploit qui a surpris de nombreux proches et spécialistes du domaine.

L’ambition de cette cheffe cuisinière marocaine ne s’est pas arrêtée là. Dix ans depuis son arrivée en Finlande, au cours desquels elle a accumulé des connaissances dans la gestion, en plus de sa maîtrise de l’art culinaire – marocain en particulier -, elle a décidé de relever un nouveau défi en septembre dernier, en lançant son propre projet avec l’aide de son mari.

“On reçoit un grand nombre de clients. A peine une semaine après son ouverture, le restaurant a été classé 5 étoiles, une note que l’on n’obtient généralement qu’après des années”, s’est-elle réjouie.

En quelques semaines, le restaurant est devenu une référence incontournable pour les amoureux de la cuisine marocaine, et de la cuisine méditerranéenne et orientale en général, que ce soit parmi les membres de la communauté marocaine et arabe ou certains Finlandais attirés par les plats savoureux que concocte la cheffe Aicha avec amour et dévouement.

Soucieuse de garantir la meilleure qualité possible, elle tient à apporter plusieurs produits et ingrédients du Maroc malgré leur disponibilité dans certaines surfaces d’Helsinki, comme l’huile d’olive, les épices, le tajine ou encore la “théière” marocaine, a-t-elle souligné en toute fierté.

D’ailleurs, la réussite de cette affaire n’est pas une sinécure. “Les Finlandais mangent souvent tôt leurs repas. Il y a aussi des végétariens, et certains clients sont sensibles au gluten … Nous tenons à répondre aux exigences des différents clients qui fréquentent le restaurant, en préparant un buffet varié de 11h à 19h”, a-t-elle confié, notant que cela exige un effort important et constant.

Au cours de quelques occasions spéciales, Aicha explique qu’elle tient à adapter le menu du buffet et de créer une ambiance de joie qui procure au lieu une certaine intimité, en particulier pour les expatriés.

Malgré ce que cette cheffe cuisinière marocaine a pu accomplir tout au long de son parcours en Finlande, la nostalgie la ramène toujours à la mère patrie, qu’elle visite dès que l’occasion se présente. Faisant part de sa volonté d’investir dans un projet similaire au Maroc, surtout avec la rareté des restaurants qui proposent un buffet avec des prix abordables, elle a souligné que cela risquera de prendre encore du temps pour rassembler les moyens afin d’atteindre le niveau de qualité requis.

Rachid KAROM - MAP