Afrique du Sud: Prisonnière de son image terne, Pretoria tente de trouver une notoriété perdue en Afrique

Jeudi 19 Septembre 2019

Johannesburg - La semaine dernière, des vidéos tournaient en boucle sur les réseaux sociaux, montrant des centaines de ressortissants nigérians, malawites, zambiens, mozambicains et zimbabwéens faisant la queue pour quitter l’Afrique du Sud au lendemain de meurtrières violences xénophobes.
Afrique du Sud: Prisonnière de son image terne, Pretoria tente de trouver une notoriété perdue en Afrique
Les séquences pénibles ont frappé de plein fouet l’image de l’Afrique du Sud dans une Afrique qui a consenti tant de sacrifices pour aider la lutte de l’icône continentale Nelson Mandela et ses compagnons contre le régime de l’apartheid.

Le ras le bol africain a résonné dans plusieurs contrées du continent d’autant plus que le pays arc-en-ciel n’est pas à sa première vague de violences contre les ressortissants subsahariens. 

En 2008, une vague similaire a fait 62 morts. En 2015, 15 autres subsahariens ont payé de leur vie le prix du rêve d’un lendemain meilleur qu’ils étaient venus chercher en terre sud-africaine.

Les violences de cette année 2019, qui ont principalement eu lieu à Johannesburg, hub économique et financier de l’Afrique du Sud, ont suscité une réaction africaine forte et décisive.

Le Nigeria, dont les relations avec l’Afrique du Sud n’ont jamais été au beau fixe en raison d’une rivalité économique et politique, a pris les devants de la scène. Au plus haut niveau de l’Etat nigérian, la condamnation a été forte. Le président Muhammadu Buhari a dépêché le patron des services de renseignement pour exprimer au président Cyril Ramaphosa le mécontentement d’Abuja.

D’autres pays africains ont également exprimé leur colère et condamnation. Paul Kagame, président du Rwanda, a réagi avec force, appelant à l’expulsion de l’Afrique du Sud des instances de l’Union africaine (UA).

Accusant les autorités sud-africaines de complicité avec les xénophobes, Kagame n’a pas mâché ses mots. «Lorsque j’entends mon homologue Ramaphoza déclarer que le bilan de ces récentes attaques est de 10 morts dont 1 seul étranger, je me dis qu’il faudrait une mise à l’écart temporaire de l’Afrique du Sud de toutes les instances de l’UA et des autres organisations sous régionales, afin qu’elle comprenne que l’Afrique est appelée en ce 21è siècle à être unie et indivisible face aux enjeux de la mondialisation», a-t-il dit.

Le 11 septembre, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA (CPS) a tenu une réunion imprévue à Addis-Abeba, où siège de l’organisation panafricaine, pour débattre des attaques en Afrique du Sud, qui ont fait au moins 15 morts. 

Ce n’est pas une affaire de routine. Pour que les crises sur le continent atteignent l’ordre du jour du CPS, qui compte 15 membres, l’UA doit considérer la situation comme une menace sérieuse pour la paix et la sécurité en Afrique, estiment les analystes.

Rattrapée par cette colère continentale, Pretoria a dépêché des Envoyés spéciaux auprès de plusieurs pays du continent «pour les rassurer quant à l’engagement de l’Afrique du Sud en faveur des idéaux panafricains d’unité et de solidarité».

Au-delà de l’actuelle tension, les relations de l’Afrique du Sud avec le reste du continent souffraient depuis 1994, date de la fin de l’apartheid, d’un manque d’engagement ferme de la part de Pretoria, commentent les analystes.

Les récentes violences pourraient servir d’appel à l’éveil pour Pretoria, indique Liesl Louw-Vaudran, experte des questions africaines au sein de l’Institut des études sécuritaires (ISS, basé dans la capitale sud-africaine).

Les violences portent une grave atteinte au statut de l’Afrique du Sud en Afrique et au-delà dans le monde entier, indique-t-elle.

Les analystes s’interrogent si l’offensive diplomatique lancée par l’Afrique du Sud auprès des pays africains serait suffisante redorer son image d’autant plus que le pays s’apprête à prendre la présidence de l’UA en 2020.

Sur le cas précis de la xénophobie, Mme Louw-Vaudran souligne que les responsables sud-africains doivent adopter une nouvelle approche plus humaine à la question de la migration, un problème qui figure parmi les dossiers les plus importants posés aux dirigeants du continent.

L’Afrique du Sud doit cesser prendre les immigrés pour responsables des problèmes dont elle souffre, poursuit l’experte, soulignant que Pretoria a besoin du soutien des autres pays africains.

Il s’agit d’un soutien qui ne sera pas facile à réaliser au regard des récentes violences. Dans les rangs de la communauté diplomatique africaine à Pretoria on estime que les autorités sud-africaines n’ont pas déployé suffisamment d’efforts pour protéger les ressortissants africains sur leur sol.

Les diplomates africains accusent même certains responsables sud-africains d’avoir souvent fomenté les sentiments de haine envers les Africains, devenus bouc émissaire de l’actuelle crise économique et sociale qui frappe le pays arc-en-ciel.

La position s’avère donc intenable pour un pays qui doit se battre dur pour regagner sa crédibilité perdue et envisager sous de bons auspices sa future mission à la tête de l’UA et dans les forums internationaux où il représente le continent, indiquent les analystes. 



Source : https://www.maafrique.com/Afrique-du-Sud-Prisonnie...

MAP - Abdelghani AOUIFIA