Visite de François Hollande au Maroc : Les impératifs de la Realpolitik ou des relations sous le signe de la continuité

Vendredi 5 Avril 2013

Beaucoup de questionnements ont fait écho à l’élection de François Hollande à la tête de la république française. Un gouvernement socialiste, cela rappelle les relations tendues entre François Mitterrand et Hassan II. Il n’en était rien. Des deux côtés, à Rabat comme à Paris, ces interrogations étaient attendues. Très vite, on y a répondu par des faits et des actes politiques rassurants. 

Charles Fries, ambassadeur de la France au Maroc, a été très clair pour définir les rapports « hors normes » qui lient les deux pays : « Après le changement de pouvoir au Maroc et en France, d’aucuns pensaient que les relations entre nos deux pays allaient se normaliser voire se banaliser. 

Bien au contraire, l’on constate une très forte continuité du partenariat d’exception ». En effet, l’avènement des islamistes du Parti de la Justice et du Développement (PJD) au pouvoir à Rabat, tout comme celui de la gauche à l’Elysée, a jeté un léger brouillard quant à la prévision des interdépendances politico-économiques. Le maître mot avancé est la continuité.  Pour le Maroc, comme pour la France, les intérêts de l’Etat sont plus forts que les divergences idéologiques des partis au pouvoir. 

Entre islamistes et socialistes, la lune de miel politique est imposée par les impératifs de la Realpolitik.

De nombreux enjeux sont pris en compte. Et la voix de la raison est souveraine dans la vision de Rabat et de Paris. La conjoncture économique mondiale justifie, au contraire, une accélération des échanges et une meilleure intégration des deux pays dans l’espace méditerranéen. 

Avant son arrivée au pouvoir et alors que Jacques Chirac était président de la République, François Hollande, accompagné de Laurent Fabius, avait été reçu par le roi Mohammed VI à Tanger. Certes, il n’y a pas un véritable lobby pro-marocain au sein du Parti socialiste (PS), mais la gauche française a su évaluer à leur juste valeur les avancées réalisées dans le Maroc de Mohammed VI. 

Dans ce sens, les socialistes français parlent du Maroc comme de l’expérience la plus exemplaire dans l'espace maghrébin et même dans le Monde arabe.

Les arguments qui plaident pour cette nouvelle mouvance politique sont nombreux. D’abord, des élections législatives du 25 novembre 2011, jugées crédibles ; ensuite un gouvernement à majorité islamiste dirigé par le PJD  qui est issu des urnes ; enfin un Islam qui tranche avec les idéologies radicales en pratique dans d’autres pays arabes. Il faut aussi citer l’élargissement des espaces de liberté dans une vision démocratique de plus en plus affirmée. Ce sont là des points traités à la loupe par l’Union européenne qui ne laissent aucune place au doute, le Maroc étant un allié stratégique important. Et pour Paris, Rabat demeure le premier investisseur et le premier client dans la région. 

D’autres dimensions que l’on traitera avec plus de détails plus loin entrent en ligne de compte, dont la dimension culturelle et humaine des relations bilatérales. Celle-ci se manifeste à travers la présence d'une importante communauté marocaine en France, couplée à des dizaines de milliers d'étudiants. 

En décembre 2012, Jean-Marc Ayrault a effectué une visite officielle au Maroc.  Le premier ministre avait appelé à la redynamisation du « partenariat d'exception » entre la France et le Maroc tout en insistant sur l’urgence de relancer les relations économiques avec le royaume. 

Mieux encore, le rôle stratégique du Maroc n’est pas en reste. Loin s’en faut. Le 5 mars 2013, c’est la France qui salue l'annonce du lancement des négociations d'un Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) entre le Maroc et l'Union européenne. C’est là un pas majeur pour le Maroc, premier pays du Sud de la Méditerranée à s'engager dans de telles négociations, comme cela a été déclaré par le porte-parole du Quai d'Orsay, Philippe Lalliot. Cet accord peut  « stimuler la croissance économique et la compétitivité en Méditerranée ». Et de fait, si le volume des échanges commerciaux avec l'Union européenne, supérieur à 24 milliards d'euros en 2011, est déjà un grand acquis, le lancement de ces négociations est l’illustration parfaite de la relation de confiance qui a été confirmée ces dernières années avec la signature de deux accords majeurs : l’accord d'association de 1996 et la reconnaissance en 2008 d'un statut avancé.

On le voit bien, les relations entre les deux pays sont stables. Ils sont même renforcés par d’autres engagements solides. Car, au-delà des questions économiques qui semblent au cœur des tractations franco-marocaines, « le Maroc et la France partagent des valeurs communes, preuve en est la convergence sur la plupart des conflits régionaux », comme le précise l’Ambassadeur français à Rabat.  

Le Maroc a salué l’intervention française au Mali et ouvert son espace aérien à l’aviation de l’Hexagone. Ce rapprochement est aussi perceptible au niveau des positions des deux pays dans les conflits, syrien et israélo-palestinien. Et même sur la question épineuse du Sahara, « la France continue de considérer le plan d’autonomie marocain comme une solution viable et politiquement acceptable pour la résolution du conflit », conclut le diplomate français. 

Ce que confirme l’allocution faite par le président Hollande devant le Parlement marocain le jeudi 4 avril 2013, à l’occasion de sa visite officielle au Royaume. En effet, ce dernier avait qualifié la proposition marocaine d’autonomie de sérieuse et crédible.

La visite officielle de François Hollande au Maroc des 3 et 4 avril 2013 conforte les analyses susmentionnées.  Et, s’exprimant devant le parlement du Maroc, « Le président français, François Hollande a souligné, (…) la profondeur des liens séculaires entre le Maroc et la France mus par des valeurs partagées, unis par un passé commun et des relations tournées vers l'avenir ».

Abdelhak Najib

Journaliste


Abdelhak Najib