Tabaski ou Aïd al Adha : la fête qui métamorphose le quotidien des Sénégalais

Mardi 30 Septembre 2014

Dakar - Aïd Al Adha, communément appelé "Tabaski" en Wolof, se prépare activement sur l'étendu du Sénégal, plongeant le quotidien de la population dans une ambiance effervescente qui s'avive crescendo à mesure que le jour "J" de la plus grande fête musulmane approche.


A Dakar, au Plateau précisément, ouïe sensible s'abstenir. Le brouhaha habituel des marchés et ruelles de cet espace animé du centre-ville, en constante ébullition, s'amplifie. A la sempiternelle symphonie des hauts parleurs des commerçants, et ceux aussi de mendiants "branchés", et au harcèlement agaçant d'un océan de marchands ambulants, s'ajoute depuis quelques jours un nouveau son-bruit : le bêlement des moutons!


Objet de toutes les convoitises en ces jours de la Tabaski, le mouton occupe déjà une place particulière dans les traditions et mœurs de la société où, pour le Sénégalais, élever un bélier est source de "weursseuk" (chance).

Selon la croyance populaire, si quelque chose de mal, un malheur ou un mauvais sort, devait s'abattre sur une famille et qu'il y a un mouton dans la demeure, c'est celui-ci qui paie de sa vie "les pots cassés", en servant de pare-chocs et de paravent.

Animal "domestique" le plus prisé par les Sénégalais et souvent présent au détour d'une ruelle ou au fond d'une cour, le mouton devient omniprésent à l'approche de la Tabaski, célébrée avec ampleur et éclat particuliers au Sénégal, où 95 pc de la population est de confession musulmane.

Mais l'immense problème est que tous les musulmans du pays, même les plus démunis, se sentent obligés d'acheter un mouton, dont le prix flambe à plus de 600.000 Fcfa (10.200 DH) surtout pour les plus engraissés.

Les enclos sont érigés par catégories. Si pour certains vendeurs, c'est un troupeau ordinaire qui est proposé aux acheteurs, pour d'autres plus "High classe", ce sont des moutons de race au prix astronomique qui "narguent" les rares Sénégalais qui osent faire un tour dans le rayon.

La situation est d'autant plus critique, que le démarrage tardif de l'actuelle saison des pluies a impacté le secteur de l'élevage, plongeant le pays depuis plus d'un mois dans la psychose de la pénurie du mouton.

Selon le département chargé de l'élevage, pour les 13 millions de Sénégalais, le cheptel disponible s'élève à près de 5,5 millions de têtes, dont seul 11 pc de mâles utilisés pour la Tabaski. La seule alternative offerte consiste à importer le mouton de la Tabaski des pays voisins, en particulier le Mali et la Mauritanie qui ont approvisionné le Sénégal en 367.095 moutons lors de la Tabaski, en 2012.

Face à cette dépense devenue "socialement obligatoire", de nombreux Sénégalais se ruinent, s'endettent et hypothèquent le reste de l'année pour acheter le plus beau bélier.

Emportés par la crue de la Tabaski, les commerçants de Dakar tentent d'écouler leurs stocks de marchandise à très bas prix et s'arrachent une clientèle écrasée par le prix du mouton mais obligée de se soumettre aux autres dépenses parallèles liées à la célébration de l'Aïd.

L'agglomération dakaroise qui se vide d'une bonne partie de sa population pendant l'Aïd, se métamorphose durant les jours qui précèdent la fête. Les artères et rues de la cité connaissent un embarras inextricable de la circulation causé par les mouvements d'une population pressée de tout faire avant d'aller passer la Tabaski en famille, généralement dans le village natal.

S'il sort ''indemne'' du labyrinthe des interminables dépenses liées aux préparatifs, le Sénégalais se trouve affronté à un dilemme d'une autre dimension: religieuse et confrériste cette fois : Quand célébrer l'Aïd ?

En effet, la Tabaski 2014 sera fêtée cette année dans la division. Alors que beaucoup de Sénégalais retiennent la date du 5 octobre pour la célébration de l'Aïd, la Coordination des Musulmans de Dakar (CMD) annonce la date du 4 octobre.

La Commission nationale d'observation du croissant lunaire (CNOCL) soutient dans un communiqué que la date du 5 octobre avait été fixée après la rencontre mensuelle de scrutation de la lune, alors que la CMD affirme que la lune a bien été aperçue en Arabie Saoudite et que, par conséquent, la Tabaski sera célébrée le samedi 4 octobre.

Les Sénégalais avaient déjà célébré la fête de Korité (Aïd Al Fitr) dans la division. C'est dire l'embarras des musulmans du Sénégal, pieux jusqu'à la moelle.


MAP - Hassan AOURACH