Surpêche des thons rouges et des requins : des pêcheurs âpres de gain et des ONG en colère
L’amélioration des techniques de pêche, l’utilisation de gros navires dotés des équipements de détection les plus sophistiqués et la demande de plus en plus croissante ont contribué à cette surpêche qui met en péril les stocks de ces deux espèces menacées d’extinction.
Devant cette situation aux répercutions écologique, économique et sociale dangereuses, nombreuses sont les ONG, comme le Fonds mondial pour la nature (WWF) et The Pew charitable trusts, qui se sont élevées pour attirer l’attention contre la pression de plus en plus accrue mise sur ces stocks fragiles.
En effet, dans la pêcherie méditerranéenne du thon rouge, l'essentiel de ces poissons sont capturés par des navires à senne coulissante qui utilisent un grand filet capable d’encercler des bancs entiers de thon rouge et de capturer jusqu’à 100 tonnes de poissons.
Depuis 2007, un plan de reconstitution du stock des thons rouges a été adopté par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) qui visait à rétablir ce stock d’ici 2020.
Bien que ce stock n’est pas complètement reconstitué, ce plan a porté ses fruits au point de pousser le comité scientifique de cette ONG à proposer une augmentation du quota de prises jusqu’à 36.000 tonnes d’ici 2020, soit plus du double du quota de 2015, alors que l’Union européenne suggère d’interrompre prématurément ce plan qui court jusqu’à 2022.
Ainsi, une rencontre a eu lieu en novembre dernier au Maroc, entre l’UE et d’autres pays membres de la CICTA pour discuter de cette éventuelle augmentation du quota de thons rouges en Méditerranée et dans l’Est de l’Atlantique.
Le WWF qui voit en cette augmentation "un manque de prudence", a alerté contre tout relèvement brutal des quotas de nature à entamé le processus de reconstitution de la population des thons et ruiné le résultat de dix ans de combat.
Dans ce sens, M. Alessandro Buzzi, responsable des projets pêche au WWF-Méditerranée, avait appelé à poursuivre les mesures mises en place jusqu'à ce que les scientifiques annoncent la reconstitution totale du stock des thons rouges.
"Nous pressons les gouvernements à miser sur ce succès et à patienter jusqu’à une complète restauration des populations de thons rouges", a-t-il dit, soulignant qu’il a fallu plus de dix ans pour réintroduire le thon rouge dans les mers.
Pour sa part, l’ONG The Pew charitable trusts a formulé plusieurs recommandations pour la 25è réunion annuelle de la CICTA (14-22 novembre à Marrakech), notamment la définition des limites de capture de thon rouge de l’Atlantique, en prenant en compte les connaissances et avis des scientifiques.
Cette organisation a également appelé la CICTA à respecter l'engagement pris en vertu de la Résolution 15-12 qui consiste à "utiliser une approche de précaution lorsque les informations scientifiques sont incertaines".
Pour ce qui est du requin, la majorité de ses espèces souffrent d’une surexploitation due notamment à leur lent rythme de croissance et leur faible taux de reproduction.
Les principales menaces pour les requins sont en effet, la prise accessoire ou la capture involontaire d’espèces non ciblées, la demande croissante sur les ailerons de requin ainsi qu’un environnement marin perturbé par des pratiques de pêches destructrices, outre les déchets déversés en mer, les changements climatiques et leur impact sur l’écosystème marin.
C’est dans ce sens que The Pew Charitable Trusts a exhorté la CICTA à améliorer la viabilité des populations de requins par l’adoption de limites de capture.
Selon l’ONG, la CICTA "doit renforcer les mesures de protection des espèces de requins menacées et vulnérables et toutes les captures de requins au sein de la zone de la Convention doivent se faire de manière durable".
Elle doit aussi adopter la norme mondiale en ce qui concerne le débarquement des requins avec leurs ailerons, afin de permettre une meilleure application de l’interdiction relative à l’amputation des ailerons, a ajouté la même source qui indique que les données relatives aux populations de ces espèces sont souvent limitées, ce qui donne lieu à des évaluations incertaines ou peu concluantes.
Par conséquent, The Pew charitable trusts juge que la CICTA doit mettre en place des mesures de sauvegarde de ces espèces de requins jusqu’à ce que des évaluations fiables de leur population puissent être réalisées.
Globalement, les ONG restent convaincues qu’une gestion optimale des stocks des thons rouges et des requins ne peut que profiter à la fois aux écosystèmes marins, aux communautés de pêcheurs et aux consommateurs.
Ces organisations invitent ainsi tous les intervenants, chacun de sa position, à prendre leurs responsabilités et à consolider leurs efforts dans l’objectif de pérenniser les stocks de ces espèces et garantir leur reconstitution.
"Les victoires sont longues à obtenir et tout peut être perdu en un instant… Il serait prématuré de relâcher les efforts", estime le WWF.