Sahara: Marchons-nous vers la guerre?

Mardi 3 Avril 2018

Sahara: Marchons nous vers la guerre?

Si depuis 1991 le Maroc s’est retenu face aux bravades du Front Polisario, son attitude semble changer aujourd’hui. Jamais la position du Royaume n’a été aussi intransigeante envers l’incursion des éléments du Polisario dans la zone tampon. Décryptage.

 

Au Sahara, la tension atteint son paroxysme. Du côté marocain comme du côté du Polisario, les dirigeants compilent les déclarations menaçantes de part et d’autre, Rabat se montrant plus tenace que jamais. Rares sont les occasions où on a assisté à une telle obstination pour la « cause nationale ». Gouvernement, parlement et partis politiques se sont dépêchés de riposter aux incursions du Polisario dans la zone tampon, à l’est du mur de défense marocain.

 

L’inquiétude marocaine a ses raisons d’être. À l’approche de la réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU sur le sujet, le Polisario s’est lancé dans une série de provocations, allant de patrouilles militaires dans des zones tampons mises sous la protection de la MINURSO à sa volonté de déplacer son « ministère de la Défense » de Tindouf (Algérie) à Bir Lahlou, une localité à l’est du mur de sable marocain sis à 200 km à peine de la ville d’Es-smara.

 

« Depuis un certain temps, il y a eu une multiplication des provocations et d’éléments de chantage à l’égard de la Minurso, des déploiements militaires et des annonces médiatiques qui visent toutes à altérer le statut juridique et historique de la zone à l’est du dispositif de défense, et notamment à Bir Lahlou et Tifariti« , a rapporté le ministre des Affaires étrangères marocain dans un point de presse tenu le dimanche 1er avril.

 

Casus belli

En somme, le Maroc veut faire savoir à l’ONU qu’il s’agit là d’un casus belli et que toutes les raisons sont réunies pour passer aux armes, si toute tentative de changement du statu quo de la région venait à se produire. Dans sa lettre au président du Conseil de sécurité, Omar Hilale, le représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU a fermement dénoncé les incursions du Front Polisario, et appelé l’institution onusienne à exiger le retrait immédiat des milices séparatistes de la zone orientale du mur de défense marocain.

 

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Le diplomate précise que le déplacement de « toute structure civile, militaire, administrative du Polisario des camps de Tindouf en Algérie, vers l’Est du dispositif de sécurité au Sahara marocain, constitue un casus belli” pour le Maroc. En d’autres termes, le Maroc estime que les motifs d’un conflit armé sont établis: « Si l’ONU, Secrétariat général et Conseil de sécurité, ne sont pas prêts à mettre fin à ces provocations, s’ils n’interviennent pas pour que le statu quo et le statut juridique soient préservés, le Maroc assumera ses responsabilités », a avertit de son côté Nasser Bourita. Le ministre des Affaires étrangères s’exprimait devant les parlementaires lors d’une réunion où le ministre de l’Intérieur s’en est pareillement pris aux séparatistes:

« Le Maroc ne restera pas les bras croisés devant les attaques destinées à altérer le statut historique et juridique de cette zone », prévenant que le Royaume « est prêt à tout, absolument à tout, pour préserver son intégrité territoriale », a asséné Abdelouafi Laftit.

Le Maroc n’est cependant pas seul à se plaindre des agissements de l’autre partie. Le coordinateur du Polisario auprès de la MINURSO, M’hamed Akhdad, a pointé du doigt la responsabilité marocaine dans une déclaration relayée par la presse séparatiste: « Tout acte militaire venant du Maroc trouvera face à lui la lutte de l’armée de libération sahraouie, habituée du terrain et des combats de ce genre ».

 

Le Maroc poussé à l’escalade

La guerre n’a jamais été l’option privilégiée du Maroc pour régler ses différends. Mais aujourd’hui, force est de constater que la situation semble ne laisser au royaume que le choix d’une position offensive, ressentie dans les déclarations de ses officiels. Nasser Bourita a ainsi rappelé que le mur des Sables (érigé entre 1980 et 1987 sous Hassan II, ndlr), tracé en coordination et en concertation avec de grandes puissances, a été érigé « pour empêcher une confrontation directe entre les armées marocaine et algérienne », expliquant que « c’est dans ce cadre-là que cette zone a été laissée libre de toute présence militaire ou civile ».

« Le Maroc, de la manière la plus claire à l’époque, avait précisé que cette zone devrait être libre de toute présence et placée sous la responsabilité exclusive de la Minurso ».

Même si, à aucun moment, les officiels Marocains n’ont évoqué d’intervention armée ni même l’adjectif « militaire », l’heure est à l’escalade. L’ire du Maroc s’expliquerait par « la passivité de l’ONU et de son bras armé au Sahara la Minurso face à une violation de manière organisée du cessez-le-feu par le Polisario », selon l’ex-colonel.

 

En somme, le message du Maroc est résumé ainsi: soit le cessez-le-feu est respecté par tous, soit personne ne le respecte.

 

Partira, partira pas en guerre?

Une chose est sûre: les dispositifs sécuritaires des Forces armées royales sont en état d’alerte dans la zone sud. Ils doivent entre autres dissuader les 14 éléments de l’armée séparatiste de dépasser la zone tampon, s’assurer de leur neutralisation, et faire en sorte qu’ils ne soient pas rejoints par des renforts. Une tâche qui semble a priori simple, mais qui ne l’est pas pour autant, au vu du statut juridique de cette zone, régie par l’accord de cessez-le-feu qui fait d’elle une zone démilitarisée.

 

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Mais pas seulement. Mener une manoeuvre pareille dans un timing aussi sensible n’est pas favorable au Maroc. Une action militaire dans une zone censée être sous surveillance de la MINURSO risque de discréditer le Maroc lors de l’adoption de la résolution annuelle sur le Sahara occidental par le Conseil de Sécurité.

 

Pour l’ancien colonel de la Gendarmerie royale Hassan Saoudi, « les actes du Polisario sont des provocations destinées à créer plus de visibilité et à mettre de la pression avant la publication du rapport annuel (présenté au Conseil de Sécurité, ndlr) du Secrétaire général de l’ONU ». « Le Maroc, du moment qu’il respecte ses engagements internationaux et l’accord du cessez-le-feu de 1991, se réserve le droit de toute action, puisqu’il y va de l’intégrité et de la légitimité du Sahara. Ensuite, la façon de mener cette action appartient au pouvoir public », analyse l’expert sécuritaire, pour qui « il ne faut écarter aucune éventualité ».

 

L’option de la guerre reste donc possible, en cas d’épuisement des voies diplomatiques pour la résolution de cette crise. En revanche, « le Maroc n’a jamais été dans une posture belliciste dans ses relations étrangères », rappelle Saoudi. « Là, nous sommes dans une situation de crise, et la meilleure façon de régler une crise est de l’éviter », conclut-il.

 

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Source : https://ladepeche.ma/sahara-marchons-vers-guerre/...

Amine Derkaoui