Revue de la presse quotidienne internationale maghrébine

Vendredi 25 Mai 2018

Tunis - La polémique autour du Document de Carthage II en Tunisie et du projet de loi organique relative aux lois de finances en Algérie, ainsi que le bras de fer entre le gouvernement mauritanien et les médecins grévistes sont les principales thématiques traitées vendredi par les quotidiens maghrébins.

"Le Quotidien" tunisien écrit que le chef de gouvernement Youssef Chahed a beau montrer patte blanche, déclarer ouvertement qu'il n'a pas d'ambitions présidentielles et réaffirmer son appartenance à Nidaa Tounès au profit duquel il a même participé à la campagne électorale lors des dernières municipales violant ainsi la réglementation en vigueur, sans pour autant réussir à trouver grâce aux yeux du directeur exécutif de son parti, Hafedh Caïd Essebsi.

Le directeur exécutif de Nidaa Tounès mène, en effet, depuis quelques jours, une campagne farouchement hostile au chef du gouvernement dont il réclame ouvertement le départ et ne pas se présenter aux prochaines élections, fait savoir le quotidien dans son éditorial titré "Un derby pathétique".

L'éditorialiste rappelle que Hafedh Caïd Essebsi a, dans un texte partagé sur sa page facebook, tiré à boulets rouges sur son souffre-douleur en l'accusant de tous les maux dans un style ironique et moqueur.

Le quotidien souligne que le pays va mal et les réformes devant permettre de résorber la crise ne semblent pas être une urgence pour la classe politique qui ne soucie que des prochaines échéances électorales, estimant qu'apparemment rien ne va changer si ce ne sont les mêmes maux qui vont se répéter inlassablement.

Sous le titre "Quand Hafedh Caïd Essebsi vole la vedette à l'opposition", "Le Temps" note que le bras de fer mené par Caïd Essebsi junior et par l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) se poursuit dans le cadre de la préparation de la version finale du Document de Carthage II.

Après avoir insisté lors de la dernière réunion de la commission technique sur la nécessité de remplacer Chahed par une personnalité compétente et neutre, Caïd Essebsi a choisi de l'attaquer en publiant sur page officielle Facebook un texte où "il l'accuse de tous les maux du pays".

Il explique que ce texte n'a fait qu'empirer la situation de celui-ci qui est supposé le plus soutenir Youssef Chahed vu qu'il dirige le parti qui a remporté les élections de 2014 et que l'intéressé est issu du même mouvement.

Indicateurs économiques, glissement du dinar tunisien, crise des finances publiques, réserves en devises, classement de la Tunisie sur plusieurs listes noires, taux d'endettement et bien d'autres torts ont ainsi été dressés sur la liste du bilan du gouvernement Chahed perçu par Hafedh Caïd Essebsi qui n'a rien laissé à l'opposition, poursuit le journal.

Pour l'éditorialiste de "La presse de Tunisie", qui s'interroge si le président Béji Caïd Essebsi fera aujourd'hui le choix du cœur ou de la raison, beaucoup de rebondissements de dernière minute militent pour le maintien du locataire du palais de la Kasbah à son poste.

Il relève que les Tunisiens découvriront aujourd'hui si le président Caïd Essebsi, initiateur du Pacte de Carthage, cédera aux exigences-caprices du directeur exécutif de Nida Tounes pour qui la stabilité signifie le choix d'un chef du gouvernement capable de mettre en exécution les priorités de la nouvelle étape, d'une part, et les revendications-pressions, d'autre part, exercées à un rythme quotidien par Nouredine Taboubi, secrétaire général de l'UGTT et ses principaux lieutenants, dont Sami Tahri et Bouali M'barki.

Ces derniers, ajoute la publication, se relaient pour convaincre les Tunisiens que le salut national passe par l'éviction de Youssef Chahed et la désignation d'un nouveau locataire au palais de la Kasbah qui acceptera que les entreprises publiques en faillite continuent à puiser dans les caisses de l'Etat, elles aussi vides, la finalité étant que les lignes rouges comme les définissent les syndicalistes ne soient pas dépassées.

En Algérie, «Le Quotidien d'Oran» se fait l'écho de la présentation hier à l'Assemblée nationale populaire (APN) du projet de loi organique relative aux lois de finances, en qualifiant ce projet de loi de «dangereux», puisqu’il prépare en fait la légalisation de la politique d'austérité sous prétexte de déficit budgétaire.

Citant des députés du Parti des Travailleurs (PT), le quotidien s’interroge : «pourquoi l'Algérie a des difficultés financières et pourquoi les autorités ont été obligées d'imprimer l'équivalent de 19 milliards de dollars, alors que nous sommes un pays immensément riche?».

Pour le PT, ce projet de loi essaye de régler des problèmes politiques par des mesures administratives qui portent atteinte à la souveraineté populaire et aux prérogatives de l'assemblée, et de donner des prérogatives au ministre des Finances lui permettant de s'immiscer dans tous les budgets sectoriels et il va avoir toute latitude de transférer des budgets d'un ministère à un autre.

Le Premier ministre peut, lui aussi, par un simple décret remettre en cause une loi, «cela veut dire que l'Assemblée nationale n'aura aucune valeur», regrette-t-il.

Le journal indique que le parti de Louiza Hanoune est convaincu que cette loi est une continuité du «coup d'Etat» qui a eu lieu lors de l'adoption de la loi de finance 2016, avec des mesures d'austérité drastiques qui touchent la population.

Et d’ajouter que des questions ont été souvent posées aux ministres qui ont géré le secteur des finances sur le sort et la gestion des milliards de dinars qui sont dans les 70 comptes d'affectation spéciaux, et certains sont même allés dénoncer une certaine «opacité» dans la gestion de ces fonds.

Même son de cloche pour «Liberté» qui pense que le retardement de la présentation du projet de loi de finances complémentaire au Conseil des ministres serait loin d’être fortuit.

Citant le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), le journal estime que ce retard aurait pour objectif de permettre la promulgation de cette loi par ordonnance à même d’éviter tout débat. "Tout le monde sait que les retards enregistrés dans la loi de finances complémentaire pour son passage au Conseil des ministres sont faits à dessein pour que le texte soit promulgué par ordonnance et éviter ainsi tout débat, certes formel au vu du vote bloqué des partis du pouvoir, au niveau de l’Assemblée populaire nationale (APN)», souligne le parti.

Le RCD dénonce dans la foulée le nouveau règlement intérieur de l’APN lequel, déplore-t-il, "ne laisse aucune initiative à l’opposition et renforce le contrôle sur les députés".

En gros, le parti de Mohcine Belabbas dresse un tableau des plus noirs sur la gouvernance du pays dont les politiques de replâtrage n’épargnent désormais quasiment aucun secteur, ajoute la publication, déplorant particulièrement l’instabilité du secteur du commerce dont les annonces contradictoires de chacun des récents ministres ayant fini par "désorienter les investisseurs".

«Le chef de l’Etat, qui a consommé quatre ministres du Commerce en l’espace d’une année, ne semble pas mesurer les dégâts qu’occasionne une telle instabilité dans un secteur aussi sensible», regrette le RCD.

«Echorouk» relève, de son côté, que cette situation s’est répercutée sur les investisseurs, en particulier, et sur l’économie du pays, en général. L’instabilité de ce secteur conforterait "les fraudeurs et les agents parasites du marché informel" au détriment des investisseurs "livrés à une gestion administrative de court terme", note la publication.

Pour sa part, «Le Jour d’Algérie», relève que ce qu'il faut retenir est le fait que le projet de loi organique relative aux lois de finances permet la mise en application d'un nouveau système de gestion de budget qui se fera désormais sur la base «des objectifs» et des «performances», et ce pour déterminer les responsabilités de chaque institution ou établissement dans l'utilisation des ressources financières de l'Etat.

Ce projet de loi donnera, selon le ministre des Relations avec le parlement, au chef du gouvernement la possibilité d'ouvrir des crédits, si besoin est, souligne-t-il, en notant que le montant cumulé des crédits qui seront ouverts ne peut excéder 3% des crédits ouverts par la loi de finances.

Le journal explique que parmi les dispositions phares de ce projet de loi la réduction du nombre des fonds spéciaux, dont le nombre actuel est très important «70 fonds spéciaux» et dont la gestion a été très souvent critiquée par les députés de l'opposition et par certaines institutions financières.

Il souligne de même qu'à partir de 2026, ledit projet de loi est préparé, discuté et adopté, par rapport à l'exercice budgétaire N.1, c'est-à-dire que sa préparation et son adoption se fera chaque année au lieu de 3 ans, comme c'est le cas actuellement.

En Mauritanie, la presse locale fait savoir que les médecins grévistes ont révélé les montants totaux de leurs salaires annuels, ainsi que les montants annuellement payés aux médecins étrangers, contredisant ainsi les chiffres que le ministre de l'Economie et des Finances Ould Ndjaye a communiqués aux parlementaires.

Les médecins ont, dans un post publié sur leur page Facebook, déclaré que le nombre total de médecins mauritaniens dans le pays est de 707, dont 378 médecins généralistes et que le salaire d'un médecin spécialiste est de 230 mille ouguiyas par mois.

Les journaux mauritaniens notent que les 45 médecins étrangers coûtent chaque année au Trésor public mauritanien 605 millions d'ouguiyas sans compter les frais de déplacement et de logement.

Dans leur réponse au ministre de l’Economie et des Finances, les médecins ont souligné qu’ils ne veulent que standardiser les salaires en fonction du rang scientifique, des efforts et responsabilités qui incombent à chaque médecin.

La même source indique que les syndicats des médecins, réunis en assemblée générale, ont décidé de poursuivre leur mouvement de grève, ignorant du coup la proposition faite par le gouvernement de reprendre le travail et de négocier ensuite.

Elle précise que des négociations sécrètes se sont tenues entre le gouvernement et les médecins grévistes, dans l’espoir de trouver un terrain d’entente pour mettre fin au mouvement qui a grandement affecté les structures de santé du pays.

La ministre de la fonction publique, de l’emploi et la modernisation de l’administration, Coumba Ba avait proposé aux grévistes de suspendre la grève pour une semaine, au cours de laquelle des discussions seront engagées entre les deux parties pour trouver une solution à la crise.

Les journaux mauritaniens soulignent que le gouvernement mauritanien commence à subir l’effet du lourd étau qui se resserre de plus en plus autour de lui, en raison du large mouvement de protestation contre sa gestion du pays.

Ils font remarquer que l'inflexibilité des autorités ne semble pas faire plier les médecins grévistes plus que jamais décidés a continuer leur mouvement jusqu’à la satisfaction de leurs doléances.

Pis, la contagion s’étend au syndicat de l’enseignement fondamental qui observe depuis plus d'une semaine un débrayage, commentent-ils, estimant qu'il semble donc qu’un vent de contestation souffle sur deux secteurs sensibles.

Même si les méthodes de revendications de ces syndicats sont différentes, leurs plateformes de revendications sont quasiment identiques car elles tournent autour de l’amélioration de la situation socioprofessionnelle des travailleurs et leur droit à des conditions de travail décents, conclut la même source. 

MAP