Revue de la presse quotidienne internationale maghrébine du 16/02/2018

Vendredi 16 Février 2018

Tunis - Les quotidiens maghrébins se font l’écho, vendredi, de la nomination d'un nouveau gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), du déploiement d’un énorme dispositif sécuritaire à Alger pour empêcher les manifestations et des conflits au sein du parti au pouvoir en Mauritanie « l’Union Pour la République».

"Le Quotidien" tunisien se demande, dans un éditorial sous le titre "Le ver est dans le fruit", des changements qui vont intervenir à la BCT après la démission de son gouverneur, précisant que tout le monde sait que l'institution monétaire est "noyautée" et "infestée de hauts cadres très politisés".
"Ceux qui sont derrière la nomination de Chedly Ayari il y a six ans environ, ont pris soin de placer leurs pions pour servir leurs intérêts partisans et protéger leurs arrières", commente le journal.

La publication écrit que la BCT est devenue, ces dernières années, le théâtre de "dépassements inimaginables", précisant qu'à travers ce temple qui faisait naguère la fierté de la Tunisie, qu'ont transitées des montagnes d'argent sale venu de l'étranger au profit de certains partis politiques et d'ONG à l'activité plus que douteuse.

"C'est par le biais de ce temple également que des sorties de capitaux illicites ont été effectuées via des sociétés-écran. Le préjudice qu'a subi le pays porte sur des centaines de millions de dollars. L'hémorragie est telle que le pays s'en est trouvé complètement vidé de ses réserves en devises et en monnaie locale et pour tout dire au bord de la banqueroute", explique l'éditorialiste.

Dans ce sens, le quotidien évoque un "laxisme" des autorités dans la lutte contre le financement suspect des partis politiques et des centaines d'organisations, s'interrogeant si ce "manège malsain et exécrable" va continuer.

"Qui a raison, qui a tort, se demande pour sa part l'éditorialiste de "La Presse de Tunisie" en revenant sur les arguments avancés par le gouverneur de la BCT pour se dérober de toute responsabilité dans l'inclusion de la Tunisie sur la liste des pays qui présentent de sérieuses déficiences en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Dans son éditorial intitulé "Une mise au point s'impose", le journal relève qu'il s'agit de plus de comprendre comment la communication à l'intérieur même de l'Etat peut être à ce point frappée de surdité que, lorsque l'un clame qu'il n'a pas cessé de tirer la sonnette d'alarme en direction du gouvernement, celui-ci répond par la voix de son porte-parole qu'il n'en est rien et que le seul message reçu est que la Tunisie s'attirait des satisfécits pour ses progrès accomplis et sa bonne volonté.

Il écrit qu'on ne s'étonne pas que dans la crainte d'endosser l'habit du bouc émissaire, on finisse dans une certaine forme de déni de la responsabilité, car il est clair qu'aussi bien le gouverneur de la BCT que le chef du gouvernement Youssef Chahed sont responsables, l'un et l'autre de la situation, ajoutant que les arguments produits par eux pour se dédouaner, quelle que soit leur validé dans le détail, relèvent globalement du déni de responsabilité.

Et de regretter que l'ancien gouverneur, piqué dans son honneur, ait pris les devants de la démission, privant ainsi les Tunisiens d'une explication en bonne et due forme devant les députés, relevant que pareille explication aurait sans doute livré des détails qui auraient permis de mieux comprendre comment s'opère le partage des tâches dans toute catastrophe annoncée.

Pour "Le Temps" qui titre "Chedly Ayari quitte la BCT, un départ avec grande amertume", un débat houleux a eu lieu à l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP/ parlement) avant l'approbation de Marouane Abbassi au poste de gouverneur de la BCT, certains députés étant critiqué l'absence du président du gouvernement à l'origine de la proposition de ce dernier dans ce poste.

Il rappelle que Chedly Ayari a anticipé son limogeage en tant que gouverneur de cette institution en adressant une lettre de démission au président de l'ARP dans laquelle il explique qu'il partait pour des raisons personnelles.

Il précise qu'il s'agit d'un départ annoncé sans grande amertume pour un commis de l'Etat qui a tant donné.
De son côté, "Assabah" qualifie d'"affront" pour l'ancien gouverneur de la BCT le fait de lui faire endosser toute la responsabilité de la détérioration de situation économique dans le pays , expliquant que la politique monétaire est liée à une réalité économique globale (endettement, balance commerciale et dévaluation du dinar).

Le journal souligne que la réalité ne changera pas seulement avec le départ d'un gouvernement et la nomination d'un autre mais également par le l'adoption de nouvelles politiques.
Pour "Echourouq", le nouveau gouverneur de la banque centrale avait souligné qu'il œuvrera pour le retrait de la Tunisie de la liste adoptée par le parlement européen.

La publication a ajouté qu'Abbassi a cependant fait état de chiffres effrayants concernant le déficit de la balance commerciale, en qualifiant la situation de "difficile mais pas impossible".

Pour leur part, «Echorouk» et «El Fadjr» rapportent que l'Intersyndicale, qui a observé jeudi une grève d’une journée, avait prévu cette manifestation pour dénoncer l’atteinte aux libertés syndicales et exiger des mécanismes de protection du pouvoir d’achat, notant que les accès routiers au centre d’Alger ont été soumis au contrôle, les représentants des syndicats autonomes qui devaient se rencontrer à la place du 1er Mai ont été dispersés, alors que des camions antiémeute ont encerclé toutes les places d’Alger susceptibles d’accueillir les syndicalistes.

Les journaux observent que le dispositif antiémeute était remarquable partout à Alger, surtout à la Grande-Poste où les médecins résidents ont pu organiser une marche la semaine dernière, un dispositif qui illustre «la volonté d’étouffer l’expression libre en Algérie».

Citant Abdelwahab Lamri Zegar de l’Union nationale des personnels de l’éducation et de la formation (Unpef), qui fait partie de l’Intersyndicale, les quotidiens relèvent que «le dispositif de sécurité déployé a fait de la capitale une propriété privée des autorités, interdite d’accès, faisant fi de la liberté de circulation garantie par la Constitution».

«Nous sommes interpellés plus que jamais par la régression que connaît notre pays en matière de respect des libertés syndicales», dénonce l’Unpef, annonçant l’arrestation de Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (Snpsp) qui participe à cette action de protestation.
«Le Jour d’Algérie», soutient, pour sa part, que constatant l'ampleur des dégâts que la grève a pu engendrer dans différents secteurs, à l'image de l'Education et la Santé, les hauts responsables du pays se mobilisent davantage et réaffirment leur engagement à poursuive la politique du dialogue pour trouver un terrain d'entente et mettre fin à cette grève.

En effet, après plusieurs semaines de grève illimitée, de réunions infertiles, de sit-in, de manifestations empêchées par la police, les hauts responsables ont fini par voir l’ampleur de ces mouvements et les risques qu’ils peuvent créer sur les citoyens, indique la publication. La ministre de l’Education, dans le cadre des réunions pour discuter des derniers développements de son secteur, a rencontré les promoteurs d’une initiative lancée par des imams et des juristes et proposant la tenue d’une rencontre entre les représentants du conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (Cnapeste) et de la tutelle, dimanche prochain, en vue de parvenir à une solution concernant la grève ouverte enclenchée par le syndicat depuis le 30 novembre dernier, rapporte-t-elle.

Le quotidien relève qu’en revanche, le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Nouredine Bedoui, a soutenu que toutes les catégories de la société doivent respecter les lois de la République et les appliquer», ajoutant que «la priorité des pouvoirs publics est la sauvegarde de la sécurité de l’Algérie». «Nous œuvrerons par la force de nos institutions et de notre Constitution, afin de ne pas revivre les situations que nous avons vécues par le passé», a-t-il dit.
En Mauritanie, la presse s’intéresse surtout aux déclarations contradictoires des membres de la Commission de réforme du parti au pouvoir «Union Pour la République», à quelques mois des prochaines échéances électorales.

Ils ont rapporté, à cet égard, des propos du chef du parti, Sidi Mohamed Ould Maham qui a affirmé dans un tweet que «l'Union Pour la République» est un espace démocratique fort par l’apport et la force de ses militants». 

Les quotidiens font observer que ce Tweet est l'un des premiers commentaires de Maham sur ce qui se passe dans le parti au pouvoir en Mauritanie, rejetant de la sorte les accusations de conflits internes entre ses dirigeants. La diversité des points de vue au sein du parti témoigne de sa santé dont il puise sa force, dit-il.

Un point de vue qui vient, en revanche, aux antipodes des déclarations du ministre de l'Economie et des Finances et membre du Comité, Mokhtar Ould Ajai, qui estime que «l'Union Pour la République» a échoué à développer un fort discours politique à même de traduire les objectifs et les fondements du projet social prôné par le Président de la République pour le développement du pays. «Le parti au pouvoir a de même échoué à consolider la culture démocratique dans le choix de ses dirigeants et dans la gestion de ses organes», déplore-t-il.

MAP