Revue de la presse quotidienne internationale maghrébine du 06/02/2018

Mardi 6 Février 2018

Tunis - L'anniversaire de l'assassinat de l'opposant politique tunisien Chokri Belaid, les récentes déclarations du chef d'état-major de l’Armée algérienne qui a dénoncé la manipulation des anciens militaires pour porter atteinte au pays et le débat en Mauritanie sur un troisième mandat présidentiel viennent en tête des thématiques, traitées mardi par les quotidiens dans ces pays maghrébins.

"La presse de Tunisie" écrit qu'il y a cinq ans, un 6 février 2013, une voix qui dénonçait haut et fort l'hypocrisie d'une époque, fut éteinte, relevant que l'opposant tunisien et ancien secrétaire général du parti unifié des patriotes démocrates (Watad) Chokri Belaid a été assassiné au grand jour.

Il déplore le fait que les exécutants ont été identifiés avant de répondre de leur acte, mais les commanditaires de cet assassinat politique survenu en pleine période transitoire, échappent toujours au viseur de la justice.

Le quotidien cite dans ce sens l'avocat Ali Khartoum, du comité de défense de Chokri Belaid, qui avait adressé un document confidentiel au tribunal, envoyé par les services spéciaux au ministre de l'Intérieur et au chef du gouvernement révélant "l'implication du juge numéro 13 dans la mise en liberté d'individus accusés dans l'affaire, sans prouver leur innocence".

Pour sa part, "le Temps", qui titre "cinq années après l'assassinat de Chokri Belaid: Un crime d'Etat encore impuni", relève que le comité Initiative pour la recherche de la vérité sur l'assassinat de Chokri Belaid (IRVA) a tenté pendant les mois de son action de répondre à l'ultime question, qui a tué Chokri Belaid?.

Cette question continue de tourmenter les Tunisiens et ce malgré les quelques avancées de l'affaire, faisant état de procès reportés puis tenus, des accusés arrêtés et en cours de jugement et de convocations des plus intéressantes.

Il fait savoir que sur le banc des accusés, on retrouve des islamistes intégristes salafistes terroristes, dont "certains d'entre eux ont refusé à plusieurs reprises de comparaitre devant le juge parce qu'ils refusent tout bonnement d'être jugés sur les bases de lois n'ayant aucun lien avec la charia".

"Face à une machine judiciaire des plus lentes et des acteurs politiques, démissionnaires, le sort de l'affaire de l'assassinat du martyr Chokri Belaid demeure incertain et les espoirs de voir un jour toute la vérité éclater diminuent de plus en plus", déplore la publication.

"Le Quotidien" écrit de son côté que cinq ans après l'assassinat de Chokri Belaid, l'opinion publique attend toujours la vérité concernant les parties impliquées dans ce crime politique, relevant que depuis le 21 novembre dernier, l'affaire a pris une tournure politique.

"La guerre des mots a pris, en effet, le dessus sur le volet judiciaire", fait-il observer, précisant que le collectif de défense de Chokri Belaid a accusé directement l'ancien chef du gouvernement et ministre de l'intérieur, Ali Laarayedh d'être impliqué directement dans cet assassinat.

Et si ce dernier a été justement, entendu par la justice, l'affaire n'a pas avancé d'un iota, poursuit le journal, soulignant qu'il faut ainsi patienter jusqu'au 20 février, date de la prochaine audience consacrée à cette affaire, pour voir plus clair dans ce dossier.

Il relève qu'outre Ali Laareydh, les noms des terroristes appartenant à la branche armée de l'organisation terroriste "Ansar Charia" ont été cités tout au long de l'instruction. 

Le ton ferme et le verbe réprobateur, le chef d'état-major de l’armée laissait clairement entendre que le mouvement de protestation initié par une catégorie de son personnel n’avait rien de spontané, relève la publication. Celle-ci estime que parler de «manigancer sans conscience pour compromettre certains retraités et les manipuler» revient à dire qu’il s’agit d’un complot, notant que si les faits sont réellement comme les présente Ahmed Gaïd Salah, il convient de faire toute la lumière sur cette affaire et d’apporter plus d’éclaircissements. Parce que porter d’aussi graves accusations contre des parties, un ou des "individus", sans pour autant le ou les identifier, participerait surtout à créer un climat de suspicion générale dans le pays, soutient-il.

Pour sa part, «L’Expression» observe qu’à travers ses déclarations, le vice-ministre de la Défense nationale s'adresse aux agitateurs de la mouvance islamiste et aux députés pour tracer une ligne rouge démontrant que l'Armée nationale refuse les tendances qui divisent le peuple et son armée.

Le journal indique qu’un peu plus loin dans son discours, il n’accusera plus des "parties", mais plutôt un seul individu qu’il ne citera pas nommément, lorsqu’il dira "celui qui emploie ces plumes et abuse de ces tribunes est parfaitement conscient de ses desseins pernicieux, avec lesquels il œuvre désespérément à nuire aux grandes évolutions que connaît l'Armée nationale populaire, en omettant, voire en ignorant, que nul ne pourra tromper ceux qui ont l'intime conviction que le bon citoyen conscient, loyal et honnête est celui qui s'interroge toujours sur ce qu'il a apporté à sa patrie avant de demander ce que la patrie lui a donné".

«EL Watan» et «Al Hayat» citent, de leur côté, des déclarations du Directeur de l’action sociale au ministère de la Défense nationale, le général Zerrouk Dahmani, qui a affirmé que sur les 100.000 rappelés du contingent entre les années 1995 et 1999, 84.000 ont déposé des dossiers de recours pour bénéficier de certains avantages liés à leur mission, parmi lesquels 76.000 ont été régularisés.

Le général Dahmani évoque le dispositif «très avantageux» de prise en charge sociale et médicale des retraités de l’ANP et dénonce «une minorité de radiés pour mesures disciplinaires» qui, selon lui, «use de manipulations à des fins personnelles», ajoutent-ils.

Les quotidiens font observer que depuis près de dix ans, la tension n’a pas baissé d’un iota et à chaque manifestation de rue, le nombre des protestataires augmente. La contestation de la Coordination nationale des retraités, des radiés de l’armée, des invalides et de leurs ayants droit, fait tache d’huile et beaucoup s’interrogent sur la réaction jugée «timide» du ministère de la Défense, notent-ils.

A la tête de la direction de l’action sociale, Dahmani donne un éclairage en apportant des précisions et surtout des «clarifications» pour, dit-il, lever toute équivoque : « Il est important de relever que dans cette coordination, il y a certes des catégories qui nécessitent un intérêt particulier, mais la majorité a été prise en charge par l’institution militaire au niveau des wilayas. De plus, la plateforme de revendications comporte 32 points qui, à part quelques-uns, ne relèvent pas de nos prérogatives et certaines sont impossibles à réaliser», explique le général, cité par les journaux.

En Mauritanie, les journaux consacrent leurs commentaires au renouvellement du débat sur le troisième mandat présidentiel, avec ce que cela induit comme interrogations aussi bien des partisans que des détracteurs.

"La Mauritanie vivra pendant l'année en cours et la prochaine année une phase semi-transitionnelle, durant laquelle des changements controversés pourraient se produire, car la question de savoir si l’actuel président reste au pouvoir n'a pas encore été tranchée, ce qui laissera beaucoup de questions sans réponse», soulignent-ils. 

Et de s’interroger si le Président Ould Abdel Aziz se suffira des mandats présidentiels déjà accomplis ou, au contraire, cherchera-t-il quelques arguments pour changer la Constitution en faveur d'un troisième mandat.

Les quotidiens mauritaniens relèvent que la question embarrassante qui se pose actuellement avec acuité, au cas où l'autorité actuelle décide d'adopter ce changement constitutionnel, est de savoir si les réactions des uns et des autres seront bien mesurées ou sortiront de tout contrôle.

Et de mettre en garde que la prochaine Présidentielle et les amendements constitutionnels qui en découleraient «risquent l’avortement d’une importante partie de la charte constitutionnelle actuelle». Toutes ces craintes imposent au pouvoir et à l’opposition de conjuguer leurs efforts pour trouver un terrain d’entente devant permettre d’établir une feuille de route pour la gestion de la prochaine étape, suggèrent-ils.

MAP