Revue de la presse quotidienne internationale européenne du 13/06/2018

Mercredi 13 Juin 2018

Bruxelles - Les quotidiens européens ont consacré mercredi de larges commentaires et analyses au sommet historique tenu à Singapour entre le président américain Donald Trump et le leader nord-coréen Kim Jong-Un.

Dans un éditorial intitulé "Un vague espoir en Corée du Nord", La Libre Belgique estime ainsi que même si elle est toujours aussi loin d'être "dénucléarisée", la Corée du Nord est sortie du sommet de Singapour "superbement légitimée". 

Selon l’éditorialiste, le "dirigeant suprême" de la Corée du Nord est le premier bénéficiaire de ce sommet vu qu’ iln’est plus, dans la bouche de Donald Trump, “Little Rocket Man”, mais "Chairman Kim".

"Kim Jong-Un a ainsi brillamment obtenu ce dont son père et son grand-père avaient vainement rêvé : négocier directement avec les Américains (…) Il y est parvenu, qui plus est, sans faire davantage que réitérer les bonnes vieilles promesses de désarmement nucléaire, jamais concrétisées", relève le chroniqueur.

Et il a réussi au passage à obtenir de Washington qu’on parle désormais de "dénucléariser non plus seulement la Corée du Nord, mais toute la péninsule coréenne, ce qui implique le démantèlement du parapluie américain en Corée du Sud", poursuit l’auteur de l’éditorial.

Sous le titre "Plus de scepticisme et d’inquiétude que d’apaisement", Le Soir écrit que si "historique" est le premier mot qui jaillit pour qualifier le sommet de Singapour, "surréaliste" est le second. 

"On ne peut s’empêcher de faire la fine bouche et de prendre ce méta-événement avec des pincettes, en s’avouant qu’il suscite plus de scepticisme et de sourde inquiétude que d’apaisement", estime le quotidien dans un éditorial.

Le chroniqueur demande à voir car ce "qu’on nous présente aujourd’hui, n’est pas suffisant pour croire". 

"Ces signatures vendues et revendues devant les caméras sont en effet apposées alors que le monde est au bord du chaos, en partie du fait de ce dirigeant américain qui se pose aujourd’hui en grand pacificateur. Un président américain qui se glorifie aujourd’hui de la signature d’un deal de dénucléarisation, au contenu aux allures de déjà-vu, accepté – et déjà violé autrefois par les Nord-Coréens", poursuit-il.

Même son de cloche chez L’Echo qui souligne que "ce sommet va effectivement dans la bonne direction. L'espoir est là. Mais il faudrait être d'une naïveté confondante pour estimer que le désarmement nord-coréen est une réalité et que la paix est déjà au rendez-vous".

"Les quelques concessions offertes par Pyongyang n'en sont pas vraiment, à l'instar de la fermeture d'un site d'essais nucléaires - de simples tunnels - qui ne constitue pas une preuve de démantèlement. L'ambition stratégique du régime nord-coréen n'est de toute façon pas de posséder l'arme nucléaire. Son programme lui sert en quelque sorte d'assurance-vie", relève le journal.

Pour l’auteur de l’article, malgré "les torrents d'autosatisfaction et d'optimisme éructés par le locataire de la Maison-Blanche, ce sommet constitue au mieux le début d'un processus de négociations qui s'annonce long et difficile. Il faudra sans doute une décennie. Or, la Corée du Nord est championne du monde des promesses non tenues".

Pour sa part, le journal français Le Figaro fait observer que c’est pour la première fois, qu’un dirigeant nord-coréen a bien tenu un tête-à-tête avec la première puissance mondiale, qui le menaçait du «feu et de la fureur», il y a seulement quelques mois, ajoutant que le dictateur trentenaire a effectué un sans-faute pour sa première sortie sur la scène globale après sept ans reclus dans son «royaume ermite», ponctué seulement de visites en Chine et en Corée du Sud.

Kim a gagné du temps, en négociant le lancement d'un processus de négociation, sans faire aucune concession tangible dans le communiqué conjoint conclu avec Washington, relève l’auteur de l’article, notant qu’isolé diplomatiquement, étranglé par les sanctions et menacé d'une frappe préventive il y a six mois, le dictateur stratège a réussi un rétablissement spectaculaire grâce à son offensive de charme.

«Qui a gagné lors de la rencontre de Singapour ? Kim, sans doute, si l’on applique à la chose des critères rationnels », affirme, pour sa part, l’éditorialiste du Libération, expliquant qu’il a gagné une reconnaissance internationale et un gage de pérennité en échange d’une absence quasi-totale de concessions. 

Le texte signé tient en quelques phrases plutôt creuses quoique bien intentionnées, sans avancée nouvelle en comparaison des accords déjà acceptés - et violés - par la Corée du Nord, estime le quotidien, soutenant qu’il vaut mieux se parler que s’insulter et la paix y gagne, surtout si l’on se remémore l’hystérie qui a régné sur ce front diplomatique depuis des mois. 

Pour le reste, il s’agit en grande partie d’un trompe-l’œil (d’un Trump-l’œil ?), poursuit-il.

Le Monde, qui titre en Une « Trump-Kim : un sommet historique », indique que les deux hommes sont pour l'instant unis par un même souci : montrer que leur pari est payant, notant que pour le dirigeant nord-coréen, le gain d'une rencontre avec le dirigeant de la première puissance mondiale, l'ennemi stigmatisé de longue date par la propagande de Pyongyang, est manifeste, alors que peut se prévaloir d'une détente obtenue en prenant le contre-pied de ses prédécesseurs, qui ont toujours considéré, quelles que soient les administrations, qu'une rencontre au sommet ne pourrait que couronner de longues négociations.

Sous le titre "le triomphe de Kim, le mérite de Trump", l'éditorialiste du journal suisse Le Temps écrit que le principal bénéficiaire de cette rencontre est clairement le dirigeant coréen, considéré il y a peu comme un paria, aujourd'hui traité d’égal à égal par le locataire de la Maison blanche. 

"En quelques mois, le jeune leader nord-coréen, dont le programme nucléaire menaçait la paix mondiale, s’est imposé comme un interlocuteur respectable, un leader crédible, un stratège hors norme, courtisé par toutes les grandes puissances", souligne le journal.

"Devenir respectable, le défi de Kim", titre la Tribune de Genève selon laquelle le communiqué final ne dessine pas une feuille de route claire pour parvenir à dénucléariser la péninsule coréenne. "A ce sujet, Washington a sans doute cédé plus de terrain que nécessaire", estime l'éditorialiste pour qui "il est en tout cas devenu urgent de sortir le régime communiste de son statut de paria".

Sur le même registre, le "24Heures" relève que Kim Jong Un, qui n'avait jusqu'à cette année jamais effectué la moindre visite officielle à l'étranger, "n'a encore rien dévoilé de son jeu". "L'arsenal nucléaire nord-coréen, qui a valu à Pyongyang une impressionnante série de sanctions internationales, se trouve au cœur des discussions", note la publication, signalant que les négociations semblent progresser rapidement comme l'a attesté la diplomatie américaine. 

«Trump et Kim signent un accord rhétorique sans engagements concrets», titre, quant à lui, le journal espagnol «El Pais», notant toutefois que le sommet organisé à Singapour entre les deux chefs d’État a été à la hauteur des attentes.

«Les deux dirigeants ont réalisé leurs objectifs personnels. Trump a réussi à jouer le rôle de leader mondial dans lequel il a échoué lors du sommet du G7 et Kim Jong-Un a fait un grand pas pour être accepté dans la communauté internationale comme un dirigeant légitime», souligne le journal.

«El Mundo» qualifie «d’historique» le sommet de Singapour, ajoutant que les Etats-Unis ont décidé de suspendre les manœuvres militaires conjointes avec la Corée du Sud après un engagement «vague» du dirigeant nord-coréen de renoncer à ses armes nucléaires

De son côté, «ABC» écrit que Kim Jong-un s’est engagé à dénucléariser son pays en échange de «garanties de sécurité» pour le régime nord-coréen, mais sans donner de délais pour réaliser cet objectif.

Cet accord a tout de même ouvert une nouvelle page dans l’histoire des relations entre les deux pays, souligne le quotidien.

A cet égard, «La Razon» rappelle que cette rencontre est la première réunissant les dirigeants des deux pays, après près de 70 ans de confrontation depuis la Guerre de Corée (1950-1953) et 25 ans de négociations sans succès et de tensions au sujet du programme nucléaire nord-coréen.

Pour sa part, le journal allemand FRANKFURTER RUNDSCHAU écrit que "le dictateur" de la Corée du nord est "un bon partenaire" de Trump avec lequel il entretient une relation spéciale, alors que le Premier ministre canadien est perçu comme "un traitre".

Nous connaissons désormais les critères de "bon" et de "mauvais" adoptés par Trump qui ne lésine pas d'éloges pour ceux qui louent ses qualités, alors qu'il attaque tous ceux qui le critiquent, estime le journal, ajoutant que le président nord-coréen a aidé Trump à redorer son blason dans la politique étrangère.

Pour sa part, le journal DIE WELT souligne que la déclaration du sommet sur le texte de dénucléarisation signé par les deux dirigeants n'est qu'un trompe oeil, appelant à ne pas se réjouir de ce sommet jusqu'à l'aboutissement du traité sinon on serait déçu comme ce fut le cas après le sommet entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, tenu en 1993.

Ne pas ouvrir le dialogue avec la Corée du nord n'est pas la solution, estime, quant à lui, FRANKFURTER ALLGEMEINE ZEITUNG qui souligne la nécessité pour les autres Etats d'entamer des initiatives diplomatique en direction du régime de Kim Jong-Un.

"Propagande ou chemin vers la paix", titre, pour sa part, le journal portugais Diario de Noticias notant qu’au cours de la réunion, la première entre un président américain et un dirigeant nord-coréen, Trump et Kim ont signé un accord promettant "d'établir de nouvelles relations entre les Etats-Unis et la Corée du nord et de construire un régime de paix durable et robuste sur la péninsule coréenne." 

Malgré ces déclarations, certains analystes soulignent l'absence de mesures concrètes dans le document, rapporte le quotidien qui cite Laura Bicker, envoyée de la BBC à Singapour, selon laquelle l'accord est "vague et avec peu de détails". La vérité est qu'il n'y a aucune référence à une vérification du processus de dénucléarisation ou même un calendrier pour une telle dénucléarisation.

Les quotidiens portugais ont aussi évoqué la question de la régularisation des immigrés sans papiers. Publico écrit ainsi qu’après que le gouvernement a affirmé qu'il se penche sur un décret qui peut accorder des permis de séjour pour des raisons humanitaires, le Parti socialiste (PS au pouvoir) appelle l’exécutif à accélérer les processus de régularisation des immigrés et accorder le permis de séjour à ceux qui se trouvent sur le marché du travail et qui cotisent à la sécurité sociale pendant au moins un an, même s'ils ne sont pas entrés d’une façon légale au Portugal.

Dans un projet de résolution qui est parvenu mardi au Parlement, le PS suggère que cette concession soit faite pour des raisons humanitaires, en rationalisant la procédure, à savoir l'article 123 de la loi sur les étrangers qui prévoit que le permis de séjour temporaire est donné aux citoyens étrangers pour des raisons d'intérêt national, des raisons humanitaires ou des raisons d'intérêt public découlant de l'exercice d'activités scientifiques, culturelles, sportives, économiques ou sociales pertinentes, croit savoir le quotidien.

MAP