"Peu d'expertise" mais violents: une nouvelle génération de voleurs de montres à Paris

Jeudi 25 Novembre 2021

Paris, 25 nov 2021 (AFP) - Après "les Algériens" et "les Napolitains", une nouvelle génération de voleurs de montres de luxe sévit à Paris : originaires de la capitale, ils se démarquent par leur jeunesse et la violence de leurs attaques.


Cette nouvelle génération est notable surtout dans la capitale depuis l'été 2019, avec une accentuation du phénomène début 2021, jusqu'à toucher les départements de proche banlieue.

A Paris, les enquêteurs ont enregistré 617 vols de montres en 2020, 668 en 2019 et 644 en 2018, avec un taux élevé d'enquêtes élucidées: "il n'y pas une explosion du phénomène, seulement une évolution dans le mode opératoire", indique Julien Herbaut, chef de la Sûreté territoriale à Paris.

"La victime est repérée à Paris puis suivie dans les transports ou à scooter jusqu'à chez elle. Quand elle entre dans son hall d'immeuble, ils l'étranglent", raconte à l'AFP Fanélie Raverot, cheffe de la Sûreté territoriale des Hauts-de-Seine, à l'ouest de Paris.

"Ce qui est marquant, c'est qu'ils font preuve d'une ultraviolence et que ce ne sont que des mineurs ou de jeunes majeurs", ajoute un enquêteur expérimenté du Val-de-Marne, au sud de la capitale.

Leur profil ? Des Parisiens d'une vingtaine d'années, avec 44% de mineurs, répond Julien Herbaut. A Paris, une trentaine d'enquêteurs sont mobilisés sur ce phénomène. Leurs cibles ? "Tout le monde. Ce qui compte pour eux, c'est la montre, pas la personne".

Tenace, cette nouvelle génération a toutefois "peu d'expertise": les petites équipes de trois, quatre personnes n'ont identifié que "deux ou trois modèles de Rolex" qu'ils revendent sur les réseaux sociaux, sans filière de recel organisée, note M. Herbaut.

A Nanterre, qui jouxte la capitale, le phénomène a donné lieu à l'ouverture en 2021 de plusieurs informations judiciaires. La plupart des jeunes impliqués, très souvent mineurs, ont été placés en détention provisoire.

Alexandre Meyer, journaliste et habitant du XVe arrondissement de Paris, a été ciblé la semaine dernière.

Il ouvrait sa boîte aux lettres dans son hall d'immeuble quand "un homme s'est jeté sur (lui) en faisant une clé d'étranglement de manière implacable", raconte-t-il à l'AFP, "encore choqué" après deux jours d'ITT.

"Deux autres jeunes, très agiles, ont essayé de m'arracher ma montre et m'ont frappé au visage car je résistais". Lui est parvenu à faire fuir ses agresseurs sans qu'ils puissent le voler.

Outre le gain facile, ces vols de montres relèvent d'une sorte de "rite de passage" pour ces jeunes, souvent déjà connus des services de police: "il y a de la vantardise, ça entre dans leur pedigree de malfaiteurs", juge Fanélie Raverot.

"Ils sont très violents lors du vol, puis ils font les gros bras, mais quand je les vois seul en détention provisoire, ils sont en larmes", commente Alain Fagbemi, un avocat parisien ayant défendu plusieurs jeunes cette année.

Jusque-là, ces vols étaient réservés à des filières plus organisées. En 2013, des "vingtenaires", qu'on appelait "les Algériens", sévissaient dans le Triangle d'Or parisien - les VIIIe, XVIe, et XVIIe arrondissements - contre des touristes. "L'élite des voleurs", selon Julien Herbaut.

Âgés d'environ 25 ans et formés dans leurs villages en Algérie, ces malfaiteurs sévissaient dans plusieurs capitales européennes. Mais contrairement à la nouvelle génération, ils agissaient sans violence, dans la rue, avec un oeil connaisseur des modèles de montres les plus chers. Une filière de recel était en place à l'étranger.

Ensuite, "les Algériens" ont laissé la place aux "Napolitains", des équipes qui intéressent encore les enquêteurs.

Ces "Napolitains" repèrent une cible au volant de sa voiture. Ils la suivent à deux scooters. Le premier groupe à scooter arrache le rétroviseur, le conducteur sort son bras pour remettre son rétroviseur... mais le deuxième groupe à scooter arrache la montre. Experts également, ils empochent des montres de haute valeur et repartent aussi vite en Italie.

En octobre, une de ces équipes a été interpellée à Paris après le vol d'une montre estimée à 200.000 euros sur un touriste allemand.

AFP