Michel Houellebecq sommé de sauver la rentrée littéraire

Jeudi 3 Janvier 2019

La locomotive « Sérotonine » - et son exceptionnel tirage de 320.000 exemplaires décidé par Flammarion - parviendra-t-elle à tirer vers le succès la rentrée littéraire de janvier 2019 et ses 493 nouveaux romans ?  Celle de septembre , marquée par la publication de 567 titres, s'était révélée un flop, avec une baisse de la littérature grand format de 13 % en volume et de 14 % en valeur (source I + C). C'est donc peu dire que le septième livre - qui paraît ce vendredi - de Michel Houellebecq, l'écrivain français parmi les plus connus et traduits à l'étranger, est attendu comme le sauveur par  le marché de l'édition... et des libraires .

D'autant que ces derniers ont été méchamment  secoués par le mouvement des « gilets jaunes » . Le week-end des 8 et 9 décembre, le mouvement avait entraîné un recul des ventes de livres de près de 14 % tous ouvrages confondus, selon les données de l'Observatoire de la librairie. Et il est trop tôt, selon l'Institut GfK, pour savoir si les deux dernières semaines des fêtes de fin d'année permettront de récupérer les pertes engrangées depuis septembre. D'où l'incroyable attention portée au dernier Houellebecq.

« Ecrivain - lanceur d'alerte »

Son précédent roman, « Soumission », publié le 7 janvier 2015, jour de  l'exécution de la quasi-totalité des journalistes de « Charlie-Hebdo » par des djihadistes, avait frappé durablement les esprits. Une fois de plus, Houellebecq, ce « sismographe » des mouvements ébranlant les sociétés occidentales dans leurs plus noires profondeurs, avait « flairé » juste.

Imaginant un parti islamiste au pouvoir, « Soumission » avait troublé bien au-delà des frontières françaises et, toutes éditions confondues, cumulé 800.000 exemplaires vendus à travers le monde. Mettant en scène des attentats islamistes en Thaïlande et publié fin août 2001, quelques jours avant le 11 septembre, « Plateforme », déjà, avait commencé à sculpter  le personnage de Michel Houellebecq en intriguant « écrivain-lanceur d'alerte. »

Impuissance et mondialisation

« Sérotonine » décrit, dans une langue d'entomologiste, une France rurale pré-révolutionnaire, engluée dans l'impuissance, au bout du rouleau et assommée par une mondialisation qu'on lui décrit comme inéluctable.

Le roman a été rédigé en 2015 et 2016, bien avant le mouvement des « gilets jaunes ». Mais c'est précisément cette finesse d'intuition doublée de la richesse de l'écriture qui, en ouvrant à l'auteur un très vaste public avide de décrypter ce sursaut social inattendu, devrait en faire le best-seller de cette rentrée.

Décryptage

Derrière « Sérotonine », les autres sorties littéraires se sont faites toutes petites. Le dernier roman de Simon Liberati, « Occident », hanté par les fantasmes de l'extrême-droite, est sorti mercredi chez Grasset, tout comme celui de Yann Moix, « Rompre », avec une écriture plus autobiographique.

Devraient leur succéder quelques grandes plumes telles qu'Eric Vuillard (Goncourt 2017), qui publie chez Actes Sud « La guerre des pauvres » - récit d'une rébellion en Europe au XVIe siècle, entrant en résonance avec celle des « gilets Jaunes » -, Patrick Rambaud avec son « Emmanuel le Magnifique » (Grasset) (encore l'actualité), Tahar Ben Jelloun avec « L'Insomnie », « Deux soeurs » de David Foenkinos et l'ubuesque « Voyage du canapé-lit » de Pierre Jourde, tous trois chez Gallimard.

Du décryptage, de l'introspection et une certaine forme d'autodérision... Un cocktail sans doute impératif dans le climat anxiogène actuel.



Source : https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/0600451...