Mexique: le séisme comme catalyseur de changement

Vendredi 15 Décembre 2017

Mexico - Le Mexique a, semble-t-il, su très bien tirer les leçons du terrible tremblement de terre qui a fait des milliers de morts et de blessés en 1985. Le pays a été frappé encore une fois en 2017 par un séisme dévastateur, mais sans pour autant faire de victimes qu'il y a 32 ans.


Même si la terre a tremblé plusieurs fois en 2017 au Mexique, le pays ne déplore que quelques dizaines de victimes ici et là.

Si le premier séisme de magnitude 8,2 qui a secoué le sud du pays, le 7 septembre, a fait 96 morts, le bilan de celui du 19 septembre (7,1 degrés) a été particulièrement lourd avec 369 morts.

Quatre jours après, la terre a de nouveau tremblé, réveillant dans la capitale des habitants traumatisés et forçant les secouristes à interrompre temporairement leurs efforts pour retrouver des survivants.

Les trois tremblements de terre avaient provoqué des scènes de panique dans les bâtiments, les commerces et les rues, où employés et habitants sont descendus à la recherche d'un refuge et du salut. Sur les réseaux sociaux, les vidéos tournées par des amateurs montrent la confusion qui a régné pendant plusieurs minutes.

Un traumatisme qui a marqué pour toujours le Mexique, et en particulier le vivre-ensemble dans la capitale, dont des milliers d'habitants se sont joints aux sauveteurs pour tenter de déblayer les décombres ou prêter secours aux victimes.

La solidarité de la population avec les sinistrés, qui n'a pas cessé depuis le premier séisme, a fait la fierté des Mexicains, notamment dans la capitale où des jeunes se sont mobilisés pour distribuer à manger, mais aussi pour aider aux recherches. Des motocyclistes et voitures ont sillonné nuit et jour les rues de Mexico pour distribuer nourriture et médicaments dans les zones affectées.

Dans le sud du pays, zone frappée le 7 septembre par un séisme de magnitude 8,2 -le plus puissant en un siècle au Mexique-, un pont aérien vers les Etats de Oaxaca et du Chiapas, également très touché, a été mis en place par l'armée afin notamment de transporter des engins de chantier supplémentaires pour déblayer les décombres et acheminer des vivres et des couvertures. Tant et si bien que sur les décombres du séisme s'est organisée une société civile et une foule de volontaires qui ont posé les bases de la protection civile mexicaine.

Quelques semaines après, le jour des morts (Dia de muertos), le pays a salué avec émotion ses volontaires héros qui ont aidé à sauver des vies à l'instar d'un jeune homme en chaise roulante que l'on a vu déblayer à mains nues les gravats et dont la photo a engendré des milliers de commentaires sur les réseaux sociaux.

En clair, les tremblements de terre qui se sont succédé "comme un jeu de dominos", ont secoué le pays et constitué un tournant dans la vie politique, en ce sens qu'ils ont démontré la puissance de l'action civile face à une classe politique sclérotique, dans la mesure où ils ont forcé des réactions constantes du gouvernement pour rassurer les familles des victimes ou démentir certaines informations circulant sur la Toile.

Face à l'ampleur des dégâts et la mobilisation de la société civile, le chef de l'Etat, Enrique Peña Nieto, a été obligé de réagir en annonçant des mesures d’urgence pour financer la reconstruction des infrastructures et venir en aide aux habitants.

Il a aussi fait savoir que les travaux de reconstruction suite aux deux puissants séismes qui ont frappé le sud et le centre du pays, faisant 465 morts, nécessiteront un investissement de près de 2,15 milliards d'euros.

Ainsi, et contrairement au grand séisme de 1985, qui avait dévasté la capitale et tué plus de 10.000 personnes, les autorités mexicaines se sont, cette fois, montrées plus présentes.

Si le gouvernement a été plus présent qu'en 1985, cela s'explique par les techniques modernes de communication, la constitution d'une société civile très active et le processus de démocratisation initié en 2000, selon les analystes.

En somme, dans un pays affligé par la litanie quotidienne des crimes, de la corruption et des versions officielles douteuses, les Mexicains ont démontré cette année leur force et leur potentiel à faire changer et réagir leurs politiques.


MAP - Khalid EL HARRAK