Mercedes Monmany : Juan Goytisolo était un grand défenseur de la marocanité du Sahara

Samedi 30 Septembre 2017

Marrakech - Des écrivains, des critiques et des intellectuels marocains et espagnols se sont réunis vendredi, à l’Institut Cervantès de Marrakech, à l'occasion d'une Journée d'hommage à Juan Goytisolo, avec comme objectif d’analyser l’œuvre littéraire de cet écrivain ibérique, décédé à Marrakech en juin dernier.


Ainsi, des écrivains et critiques littéraires de la trempe d’Ibrahim El Khatib (traducteur des livres de Juan Goytisolo à l’arabe), Jordi Doce, Nuria Amat, Hassan Aourid et Hossein Bouzineb se sont succédés dans deux tables rondes à la recherche de repères qui pourraient éclaircir davantage sur les œuvres de cet écrivain hors pair, qui a joué un véritable pont entre l'Occident et l'Orient, l'Espagne et le Maroc.

Pour Ibrahim El Khatib (traducteur et critique littéraire), le récit narratif de Juan Goytisolo se distingue par sa langue empreinte de poésie. Ce qui le différencie des autres écrivains espagnols contemporains c’est un travail de fond sur la langue, a-t-il expliqué.

Et de souligner que cet écrivain a développé un regard critique vis-à-vis de son pays d'origine et de la civilisation occidentale. Ce regard critique l’a conduit à construire une œuvre d'une grande originalité idéologique et stylistique et à adopter une position politique originale devant le nouvel ordre mondial.

Dans ces œuvres, on découvre un homme littéralement passionné par le mysticisme et le soufisme musulman, lequel amour se reflète dans plusieurs de ses œuvres.

El Khatib note que les ouvrages de Juan Goytisolo commencent à être traduits en arabe dès les années 70 et cet élan se poursuivit dans les années 90, date pendant laquelle quelque 17 de ses œuvres ont été publiées en Syrie, en Egypte et au Maroc dans des journaux comme Al-Alam, Al Karmal et al Itihad al Ichtiraki.

De son côté, la critique littéraire espagnole, Mercedes Monmany, note que Juan Goytisolo a milité contre l’idéologie séparatiste, "qui ne mène qu’aux guerres et aux calamités", selon lui, relevant dans ce contexte que le défunt était un grand défenseur de la marocanité du Sahara.

Et de noter que cet intellectuel très célèbre dans les milieux académiques, est le fidèle héritier des traditions littéraires espagnoles, soulignant que le souci majeur de Juan Goytisolo consistait à "redorer le blason de l’histoire littéraire espagnole et à réécrire cette littérature ibérique étant donné la domination historique des conservateurs sur la production littéraire".

Juan Goytisolo était anticonformiste dans ses idées et dans ses œuvres et était un lecteur assidu qui n’hésite pas à explorer et découvrir de nouveaux livres et de nouveaux personnages, a souligné cette intervenante, relevant que le défunt appelait de son vivant à bâtir une Espagne où cohabiteraient les Musulmans, les Chrétiens et les Juifs.

Organisée à l’initiative conjointe de l’Institut Cervantès et de l’Ambassade d’Espagne au Maroc et avec le concours du ministère de la culture et de la communication, la Wilaya de Marrakech-Safi, et de la commune de Marrakech, cette journée-hommage a investi plusieurs espaces de la cité ocre, en l'occurrence le Palais Bahia, l'Institut Cervantès de Marrakech et la Place Jamaâ El Fna.

L’inauguration officielle au Palais Bahia a mis l’accent sur la profonde relation littéraire et vitale de Goytisolo avec le Maroc et en particulier la ville de Marrakech.

Les participants à cet hommage ont eu aussi l’opportunité d’apprécier une exposition collective de peinture d’artistes marocains amis et admirateurs de l’écrivain organisée à l’ancien siège de Bank Al Maghrib. Cette exposition est réalisée par les artistes Mahi Binebine, Ahmed Benismael, Larbi Cherkaoui, Mohamed Mourabiti, Hicham Benohoud, Omar Bouragba et Noureddine Daifallah.

Cet hommage s’est clôturé par une activité de "Halqa" dédiée à Goytisolo, qui a milité pour le classement de la place de Jamaâ El Fna comme patrimoine de l’humanité.

Né en 1931 à Barcelone et décédé à Marrakech, Feu Juan Goytisolo était un intellectuel engagé qui a vécu l'exil à Paris et qui a développé un regard critique vis-à-vis de son pays d'origine et de la civilisation occidentale.

Il a réussi à transmettre au monde la spécificité culturelle espagnole à travers une harmonie entre l'oral et l'élément culturel matériel.

Il a obtenu plusieurs consécrations, dont le Prix "Octavio Paz" (2002), le Prix national des Lettres espagnoles (2008) et le Prix Cervantès en 2014.


MAP