Marathon des Sables - Une semaine hors du temps pour 1000 fondus de course (PRESENTATION)

Lundi 9 Avril 2018

Msissi (Maroc) - Coupés du monde et livrés à eux-mêmes durant six jours: dimanche un millier de coureurs se sont lancés dans une aventure hors du commun, celle du Marathon des Sables, un trail à étapes mythique couru en autosuffisance dans le désert marocain.

"On a tous faim, on est tous sales, on a tous soif. Même la personne la plus riche du monde n'aura que 4,5 litres d'eau. On est chacun face à soi-même et on est tous sur le même pied d'égalité": A 35 ans, Anthony Ginter a pris le départ de la course pour la 7e fois, avec le même plaisir que lors de sa toute première participation.

Comme il le raconte à l'AFP, il a rêvé toute son enfance de cette course dans le désert qui lui prenait son père tous les ans - et ce depuis ses 4 ans - l'espace d'une semaine. En 2006, il a franchi le pas à ses cotés. Christian Ginter détient le record de participations sans abandon (30).

Et pour cette 33e édition, le concept est toujours le même: parcourir 250 km dans le Sahara marocain (région de Ouarzazate) en 6 étapes (dont une très longue de 90 km) sous forte chaleur et en autosuffisance ce qui veut dire en complète autonomie.

Samedi, les concurrents ont troqué leur valise à roulettes contre un paquetage comprenant de la nourriture pour la semaine (soit un sac de 6,5 à 15 kg selon les besoins de chacun). Chaque matin avant le départ de l'étape, l'organisation leur remet 1,5 litre d'eau. A l'arrivée, c'est 4,5 litres d'eau par participant.

Tout le monde est logé à la même enseigne, il n'y a de +rab+ pour personne.

"Quand tu as fini, tu as le respect de l'eau et de la nourriture, crois moi !", lance Karim Mosta, fort de ses 29 participations.

"On apprend la patience, les étapes sont longues, il fait chaud, les nuit sont froides, ça ronfle, il y a la douleur, il faut supporter les autres", poursuit l'athlète de 63 ans. "On apprend à méditer, on se rend compte qu'on est rien du tout, tu regardes une pierre, elle est là depuis 1000 ans... Dans le désert t'es rien du tout. Ca te remet les choses en place".

Tous les soirs, les concurrents se retrouvent dans des tentes en bivouac qu'ils partagent. Ceux qui aiment manger chaud font leur feu eux-mêmes. Ils s'entraident, discutent, plaisantent, soignent leurs blessures, pleurent parfois et réfléchissent aussi au sens de la vie, loin des turpitudes du quotidien.

"Ca me permet de me dépasser et de m'évader", explique Elena Raymond, une informaticienne parisienne accro depuis 11 ans. "C'est une parenthèse dans ma vie. On s'impose d'être coupé du monde et ça fait un bien fou de s'éloigner de toutes nos habitudes qui nous polluent la tête. Il n'y a rien de mieux que le désert pour des questions sans réponse. Là-bas j'arrive à trouver des solutions pour tout".

Pour Karim Mosta, "le Marathon des Sables c'est plein de petites histoires qui se chevauchent, c'est une aventure humaine et sportive, pleine de rencontres".

"Le Marathon des Sables, je l'ai vu grandir. J'ai vu des gens changer, divorcer, mourir. Certains ont changé de vie, moi aussi j'ai changé de vie. L'année qui a suivi ma première participation, j'ai fait le tour du monde", indique Mosta.

L'événement, qui incite clairement à l'introspection, relève tout de même de la performance sportive. Les meilleurs, au rang desquels une pléthore de Marocains comme Rachid El Morabity, quadruple tenant du titre, courent à quelque 15 km/h quand de simples passionnés sont à 5 km/h. Certains mêmes - entre 20 et 30% des participants - choisissent de marcher à grande vitesse.

Rachid El Morabity entend boucler cette édition en 20 heures. Le classement sera arrêté vendredi, avant une étape caritative samedi.

AFP